11/09 : Incorporation
Aujourd'hui, en ce chaud vendredi, je devais me rendre assez tôt à la journée d'intégration des stagiaires, je n'étais guère emballé par l'idée, au contraire, j'avais hâte que l'on me congédie pour rentrer prendre un bon bol d'air. Enfin, on ne peut malheureusement couper à ces formalités, il allait falloir faire preuve de sociabilité, ce qui vous vous en doutez est loin d'être mon point fort. Néanmoins, je ne pouvais continuer de les ignorer et de faire le mort.
Pour commencer cette journée en beauté, nous devions, nous autres stagiaires, nous présenter sommairement. Je délaissais mes manières cavalières et m'efforcer de faire preuve de bonne volonté, même si l'introduction, plutôt la propagande, sur l'histoire et la gloire de l'entreprise m'avait passablement irrité.... "Nous sommes puissants, nous sommes conquérants, solidaires, ambitieux ..." Oui c'est cela, continuez donc de brasser de l'air, usez de votre ton silencieux pour vous auto congratulez mais de moi n’espérer point une palinodie. Cette pluie d'éloges risibles tournaient bientôt à la parodie, voilà qu'à présent il se prétendaient concurrents d'Amazon...J'étouffais un rire devant tant de fatuité, d'inepties, d'inanité... Dirions-nous que le FC Metz est un concurrent sérieux au Paris saint germain, sous le seul prétexte qu'ils appartiennent au même championnat ? Allons un peu de sérieux...
En vérité, je n'ai rien contre la furie des panégyriques des managers ou des entreprises, il est bien normal de motiver ces troupes, de ressentir de la fierté pour son métier. Mais par pitié faites que cela reste bref, et fuyez la vanité.
Sinon, j'ai quelque peu converser avec mes comparses, ils viennent en majorité de grande école de commerce ou de la fac (enfin de Dauphine, un hybride bizarre entre grande école et université). Je suis donc le seul ingénieur, ou du moins le seul scientifique, car une autre stagiaire, venait elle aussi d'une école d'ingé mais elle travaillait dans les ressources humaines (secteur foncièrement féminin j'ai l'impression) , elle semblait souriante, avenante, impliquée dans son métier, facile à vivre.
La plupart des autres aspirants travaillent avec cœur pour le secteur RSE, sigle dont j'ignorais tout autant le sens que l'existence, il s'agit de la responsabilité sociétale des entreprises. D'après ce que j'ai compris, ils œuvrent à des actions sociales en lien avec des association, à améliorer le bien être animal ou encore à développer une énergie "verte" selon leurs dires. Évidemment, lorsque je leur parle de mes missions, algorithme, code et modélisation, cela leur semble confus, inintéressant et embrouillé. Pour ma part, je ne veux pas paraître blessant et ne cherche nullement d'embrouilles, mais ces histoires de consommer local, de développement éco responsable et de solidarité fraternelle ne sont point ma grande passion. J'approche la chose de façon rationnelle : Une entreprise doit satisfaire les attentes du client, les clients actuellement désirent une changement de modes de consommation ou portent un intérêt particulier à ces sujets, l'entreprise et ses employés doivent donc s'adapter pour répondre à ses attentes. Il s'agit de bon sens, d'un raisonnement intéressé, non point d'intentions militantes.
Si je viens travailler dans une entreprise, c'est pour être productif, rendre service aux clients, innover, trouver de nouvelles solutions aux problèmes de la population, et bien sûr m'amuser quelque peu en maniant et amassant des compétences sur des sujets intéressants, en un mot épancher ma soif de science, certainement pas pour répandre la vertu, m'acheter une conscience, ou me prétendre combattant du bien.
Cependant, ce sont là mes idées en tant que salarié, je distingue nettement ma professionnelle activité de mes loisirs et engagements privés, si ces autres compagnons ne font point cette distinction, grand bien leur en fasse, je suis d'humeur lasse et j'essaie d'avoir du tact, de ne pas me les aliéner.
Mais je m'égare, tâchons de conclure notre narration par une anecdote qui me laisse une grande frustration. L'heure du déjeuner venait de poindre, lorsqu'une salariée venait nous rejoindre. Elle travaillait aux ressources humaines, avait un peu un air de pimbêche, moqueuse mais pas hautaine, comme ont parfois les lycéennes de ES ou les étudiantes en commerce (enfin c'est mon avis, fruit de quelques observations) .
Elle avait de longs cheveux d'un blond vénitien, entre le blond et le roux, une douce et claire peau blanche; un sourire quelque peu narquois concluait la composition de cet attrayant minois. Ses collègues s'amusaient de ces remarques malicieuses et mesquines qui sortaient de sa bouche radieuse alors que la belle ondine me demandait d'où je venais, ce que je faisais, et quel était mon académique pedigree. J'évitais de lui causer de code ou d'algos, fort peu à la mode auprès de la gent féminine, provenant d'école de management qui plus est. Je prenais le parti, et surtout le pari, de miser sur mon parcours académique, que j'estimais plus vendeur et qui serait plus à même de me mettre en valeur.
Las ! Pour mon plus grand désespoir, elle ne connaissement nullement le nom de mon école. J'insistais mais la rose persistait dans son ignorance. A grands regrets je dus laisser filer la belle folle ... Envolée, ma chance...
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