chapitre 1

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7 ans avant

Les Enfers m’ennuyaient depuis des décennies. Cependant depuis un petit moment, c’était pire que tout. Je tournais en rond sans savoir quoi faire. Entendre les âmes damnées ne m’apportaient plus aucune satisfaction. Je m’ennuyais ferme et je ne pouvais sortir de mon propre enfer. Je n’avais plus aucune idée pour me distraire, même les démons ne savaient plus quoi faire pour m’occuper. Aujourd’hui, je faisais les cents pas devant mon trône. J’étais d’une humeur désastreuse et cela se répercutait sur les Enfers. Il y faisait plus chaud, ma fureur alimentait les flammes. Je me sentais comme un lion en cage, les heures passaient et rien ne se passait. Je restais là, comme un sombre idiot, à ne pas savoir quoi faire de mes journées.

Une fois de plus, ma rage éclata, faisant grimper inlassablement la chaleur qui régnait ici bas. D’un pas décidé, je me dirigeai vers mes appartements. Je ne faisais plus attention à la décoration sinistre que mon très cher père avait choisie pour moi. Je m’asseyais à mon bureau avant de sortir un petit bout de papier sur lequel j'écrivais ces simples mots “viens à moi, j’ai une requête”. Instantanément, le papier se désintégra dans l’air en de fines particules de cendre. Je n’en revenais pas. Je venais ouvertement de montrer à Dieu que je m’affaiblissais. Cependant je savais aussi que je finirais fou s’il n’accédait pas à ma demande. Je restais là, planté dans ce lieu qui me donnait la nausée sans pouvoir rien changer à mon destin. Dieu m’avait puni et je devais lui demander pardon pour espérer sortir d’ici vivant et sans problèmes mentaux.

Ma frustration pointait le bout de son nez lorsqu'après une journée d'attente, Dieu n'était toujours pas venu. À croire que cela l'amusait de me faire attendre. Je n'étais déjà pas particulièrement patient avant de me retrouver plus bas que terre alors maintenant? Je rageais seul. Les démons s'inclinaient à mon passage et reculaient. Je leur faisais peur et cela m'apportait un certain réconfort. Au moins une chose qui ne changeait pas. Je marchais d'un pas, à la fois lent et rythmé. Je marchais en direction de mon trône, d'où je surplombais les Enfers. Une fois assis, je relevais bien haut ma tête, et admirais mon royaume. Les Enfers n'avaient finalement rien à envier au Paradis, où encore à la Cité d'Argent. Certes la compagnie y était moins agréable, mais les démons et les âmes damnées me respectaient, la peur au ventre à chaque fois que je les frôlais.

Je passais ma journée assis là, regardant les tortures faites aux gens. Cela ne m'amusait plus. Je n'y trouvais ni plaisir, ni satisfaction. Assis là, sur mon trône, ma tête reposant sur mon poing, l'ennui se traduisait sur mes traits. Un démon surgit devant moi pour m’annoncer qu’une âme s’était soudainement volatilisée. Je le regardais, le visage neutre de toute expression mais le regard lourd de sous-entendus. Me prenait-il vraiment pour un sot? Une âme ne pouvait tout bonnement pas “se volatiliser", un démon l’avait forcément oublié, ou alors avait été incapable de maintenir sa domination sur ce pauvre être mortel. Le démon devint pâle (chose impossible, mais s’il avait été une personne vivante, il aurait pâlit à coup sûr). Son regard se dirigea, avec honte et précipitation, sur ses pieds. Il commença à bredouiller des excuses mais je les envoyais mordre la poussière d’un revers de la main. Je me leva et gifla sans ménagement cet incapable. Les yeux empli d’une colère brutale, je saisis le démon par le cou avant de le serrer avec une force presque animale. Je le tenais en l’air, ses pieds ballants dans le vide, ses mains sur les miennes pour tenter de desserrer ma prise. Ce n’était pas sa force de mouche qu’il allait changer quoi que ce soit. Il finit par mourir après encore quelques secondes sans oxygène. (Tout le monde sait qu’il est impossible de le tuer par manque d’air, il ne respire même pas). Non, il meurt à la suite d' une blessure faite avec un dague d’argent. Je le lâchais comme on lâche un sac d’ordure : avec dégoût.

Le reste de ma journée ne fut pas meilleure. D’autres âmes avaient pris la fuite. A croire que les démons s’étaient donné le mot pour m’agacer. Je devais donc chercher leur trace aux tréfonds de mon âme pour ensuite les ramener à leur place. (Vous ne saviez peut-être pas que moi, Lucifer, j’étais lié aux âmes damnées. C’était plus simple pour les retrouver dans ce genre de cas). Je soufflais de déplaisir face à l'imbécilité et l’incapacité dont faisaient preuve mes disciples. Je continuais de ruminer lorsqu’une lumière m’aveugla. Tiens, il s’était enfin décidé à venir. C’est pas trop tôt. Je regardais Dieu faire son apparition sans émoi. Je fixais cette lumière aveuglante en baillant. Tout à coup, la lumière disparut et laissa place à mon paternel. Il n’a pas aimé mon bâillement visiblement, pensais-je, amusé par sa réaction. On se fixait pendant quelques secondes avant qu’il ne prenne la parole.

- Tu m’as appelé. Alors que veux-tu?

- Après toutes ces années à ruminer à cause de ma punition, j’ai décidé qu’il était temps de te demander pardon pour mes actions passées.

Mon père me regardait, l’air de dire “Arrête de me prendre pour demeuré”. On se fixait en silence, il était hors de question de lui dire que je mentais, et donc qu’il avait raison. On continuait notre jeu de regard, attendant que l’autre reprenne la parole en premier ou bien qu’il baisse les yeux. Ce jeu ne dura pas plus de cinq minutes, pour ce genre de choses nous n’étions pas très patients… Je finis par lâcher un soupir avant de reprendre la parole, à regret.

- Soit! Il est vrai que la raison est tout simplement que je m’emmerde ici. Je sais que je n’ai pas été un gentil petit Ange comme tu aurais aimé que je sois, mais pour l’amour de toi laisse moi quitter les Enfers!

- Non.

Je le regardais, attendant une argumentation digne de lui, mais il continuait tout simplement à me regarder. Les bras croisés dans le dos, comme à son habitude. Un sourire discret étirait ses lèvres.

- Comptes-tu au moins me donner une raison ou est-ce trop te demander? Grognais-je, déjà à bout de nerf.

- Je ne te laisserai pas quitter les Enfers car il faut bien que quelqu'un y règne. Et cette personne c’est toi. N’oublie jamais que c’est entièrement ta faute si tu en es là aujourd’hui en train de “t’emmerder” comme tu dis. D’ailleurs ton vocabulaire ne s’est pas arrangé à ce que je vois. Toujours aussi vulgaire. Critique-t-il. Il serait peut-être temps de grandir et de mûrir, tu ne crois pas? Me dit-il, le mépris dans la voix.

Je fixais mon père d’un regard noir et froid. J’allais l’insulter de tous les noms d’oiseaux qui me venaient en tête, cependant cela ne l’aiderait pas à être plus enclin à accepter ma demande que je comptais réitérer. Je pris une grande inspiration avec d’expirer profondément. Je me passais la main dans les cheveux tout en commençant à parler.

- Papa…Je sais que j’ai commis des erreurs. J’étais jeune et impulsif-

- Tu l’es toujours! Me coupa-t-il.

- Ne m’interromps pas, s’il te plait. Il est vrai que ma première raison pour cette demande est dû à mon ennui, mais bien sûr que j’ai retenu la leçon! Sinon je ne serais pas là à te parler sans vouloir t’étriper. Je maîtrise désormais ma colère. C’est pourquoi, je te demande une seule et unique chance de te le prouver.

- Il est vrai que tu as fait des progrès concernant ta rage intérieur mais cela ne veut pas pour autant dire que tu as retenu la leçon comme tu le prétends. Mais il est également vrai que nous pouvons avoir une conversation civilisée. Il soupira.

Je pouvais lire dans son regard qu’un combat intérieur avait débuté. Il hésitait à me rendre ma liberté et j’espérais que la partie qui était pour ma libération pencherait en ma faveur. Je ne lui en fit pas part, de peur qu’il choisisse sans attendre le refus. Je restais donc stoïque, la tête reposant sur mon poing gauche, attendant sa décision dans le calme.

- Je ne sais pas trop Samaël…

Je frissonnais à l’entente de mon nom de naissance, mon nom d’archange.

- Je vois bien que tu as fait de grands progrès sur tes émotions. Mais comprends aussi que c’est compliqué de te faire aveuglément confiance après ce qu’il s’est passé à la Cité d’Argent. Aurais-tu encore un peu de patience? J’aimerais en parler aux Archanges, à tes frères et tes sœurs. Je viendrais te livrer notre verdict demain.

Je n’ai pas eu le temps de cligner des yeux que déjà Dieu avait disparu des Enfers pour retourner au Paradis. J’avais horreur de ça. Pourquoi faisait-il toujours ça? Nous planter avant même d’avoir pu répondre à ce qu’il disait.

Je grognais seul dans mon coin quand une Démone apparut sous mes yeux. Kiamala…Je levais mon regard vers elle et lui fis un signe de la main pour l’inciter à prendre la parole.

- Je rêve ou c’était votre père? Me questionna-t-elle sans aucune retenue.

- Je rêve ou tu as oublié à qui tu t’adressais? Grondais-je.

Elle frissonna de terreur face à mon ton tranchant. Mais elle se refit vite un masque impassible.

- Rohh ça va, fais pas genre.

J’émis un petit rire amusé. Kiamala avait été ma première disciple, loyale et sans peur. Je comptais sur elle depuis, maintenant elle n’était plus là pour terroriser et torturer les âmes damnées, mais elle était à présent mon bras droit. Je lui souriais donc avant de lui faire signe d’approcher plus près encore de moi.

- Oui c’était bel et bien mon père. Je lui ai fait part de ma demande pour quitter les Enfers.

- Qu’est-ce qu’il t’a répondu??

- Il va faire un conseil en réunissant mes frères et sœurs et leur demander leur avis. Il revient demain avec la réponse. Lui annonçais-je.

- Alors tu as mis de côté ta fierté, siffla-t-elle, impressionnée.

Je ricanais avant de lui ordonner de sortir pour me laisser en paix. Pour la première fois depuis deux millénaires, j'ai prié.

La journée du lendemain passe à une vitesse horriblement lente. J’allais jusqu’à croire que mon père m’avait oublié, ou encore que lui et mes frères et sœurs n’avaient pas arriver à une réponse définitive. Je ruminais au moment où Dieu fit son apparition, de la même façon que le jour précédent. Je me redressai sans attendre.

- Papa. Le saluais-je.

- Samaël! Nous venons enfin de prendre une décision face à ta demande.

- Et donc? Quelle est-elle? Le pressais-je.

- Et bien, si tu veux retrouver ta liberté, tu vas devoir accepter une condition.

Je le regardais, les yeux ronds. Comment ça une condition?? Je lui fis un signe de la main pour qu'il poursuive.

- Tes frères n’étaient pas pour ta libération. Tes sœurs t'étaient déjà plus favorables, c’est elle qui ont eu l’idée de t’imposer une condition. Si tu veux réellement sortir des Enfers tu devras accepter de vivre sur Terre uniquement, tout en restant immortel.

- Pardon? La Terre? Mais ils vont finir par se rendre compte que je ne vieillis pas!! Êtes-vous donc fous?!

- C’est la condition qu’on t’impose. A toi de savoir si tu es prêt à faire ce sacrifice ou non.

Je ne pris pas plus de temps pour réfléchir avant d’accepter la proposition. Le plus important était de sortir d’ici. Et ce à n’importe quel prix.

J'allais désormais vivre sur Terre. Je ne savais pas encore si je devais m'en réjouir ou non. Mais après tout, pourquoi pas! J'avais soudainement hâte de voir ce que les mortels avaient trouvé de nouveau pour s'amuser.

Je me levais pour quitter mon trône au moment où Kiamala entrait.

- Tiens donc, te revoilà déjà. T'aurais-je manqué? La taquinais-je.

- Oh mais vous savez bien qu'il m'est impossible de vivre sans vous très cher! Répondit-elle, en faisant une révérence peu gracieuse.

On se fixait en silence avant de rire.

- Alors, que t'a dit ton père? Me demanda-t-elle doucement.

- M'en parle pas… soupirais-je. Mes frères étaient 100% contre moi. En revanche, mes sœurs acceptaient de me libérer uniquement si j'acceptais une vie d'immortel sur Terre. Lui expliquai-je.

- Qu'as-tu répondu face à cette condition?

- J'ai accepté.

Elle me fixa sans grand étonnement.

- Quand est-ce que tu pars?

- Bonne question… Dieu ne m'en a pas parlé. Je suppose qu'il va devoir trouver quelqu'un à mettre à ma place. Donc je pourrais partir seulement après qu'il ai trouvé mon remplaçant.

- OK!

Elle n'avait pas l'air très enthousiaste.

- Que se passe-t-il? Tu ne semble pas être heureuse de ma réussite.

- Je vais faire quoi moi? Rester ici et devoir supporter le prochain maître des lieux qui me verra uniquement comme une disciple? Merci mais non merci…

- Kiamala… Tu penses vraiment que je vais te laisser pourrir ici?

Elle releva la tête et me regarda avec surprise.

- Tu comptes me faire sortir d'ici??

- Bien sûr! Tu n'as rien à faire aux Enfers.

Elle me remercia au moment où nous quittions la salle du trône. La Terre nous attendait.

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