Les inspirations n’ont plus de visages
Le souvenir est net, précis.
Ces premiers mots qui viennent noircir des nuits blanches.
Pourtant, le visage de l’inspiration est flou, presque effacé, et n’a plus d’importance. Mais la force intérieure que j’ai trouvée cette nuit-là reste limpide. Tout semblait possible. Ce cœur vibrant, cette sincérité que je brandissais comme une épée mystique : chaque trait, chaque caractère venait trancher mes doutes. Je n’étais plus un spectateur passif, enfin. Je construisais. Je me dévoilais, et pour la première fois, je me sentais suffisant.
Toutefois, ce sentiment puissant n’était qu’une illusion éphémère.
Aujourd’hui, je ne touche rien ni personne. Je m’efface, me dilue dans un vide silencieux.
Peu à peu, je comprends : ce n’est pas une arme, mais un refuge. L’unique porte de sortie de cette peau trop étroite. Un anesthésiant pour mes pensées, pour ces douleurs qui débordent et tout ce que le monde broie. Les inspirations n’ont plus de visages. Mes doutes esquivent mes coups, et au mieux, je parviens à m’en détourner un instant. Le reste du temps, j’erre comme une ombre, peinant à laisser la moindre trace de son passage.
Néanmoins, je sens encore le feu de cette nuit passée.
Un rien pourrait embraser mon âme.
Et je sais que, dans cette flamme, je cesserais enfin de me défendre. Mes écrits deviendraient brasier, et à travers eux, je trouverais un sens, une existence qui vaille la peine d’être vécue.
La vision est nette, précise.
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