Je me nomme James Ambrose et je suis un simple inspecteur de police dans la petite ville miteuse de Paradise Corner. Comment un diplômé de Quantico, major de promotion, a-t-il atterri à ce poste peu glorieux alors que s’ouvrait à lui une prestigieuse carrière au FBI ? C’est une longue histoire et si je vous la racontais, vous me traiteriez de menteur. J’étais comme vous avant cette enquête, un type naïf et arrogant, certain de tout savoir. Pour moi, il n’y avait que deux camps : le bien que je représentais et que je défendais et le mal que je traquais sans relâche. À vingt-cinq ans, on est loin de s’imaginer qu’en fait, il existe une multitude de palettes de gris.

Tenez, par exemple, si je vous dis qu’un type a assassiné un autre de manière cruelle et sordide, vous le classeriez immédiatement dans la catégorie nuisible à éliminer, mais s’il s’avère que sa victime était un pédophile jamais arrêté ; une ordure qui agissait impunément, protégé par son statut de social. Ah ! Là ça devient plus ardu de déclarer avec certitude que cet homme doit aller en prison.

C’est un peu ce que j’ai ressenti quand j’ai compris ce qui se tramait dans la paisible petite ville de Paradise Corner. Une cité qui n’a de paradisiaque que le nom. Bien que située sur la côte ouest, elle souffre d’un microclimat. L’air de la mer apporte brouillard et pluie. Les jours de soleil y sont rares. L’atmosphère de la bourgade a dû se calquer sur ses activités : au début du XXe siècle, c’était le berceau de l’acier. Les montagnes alentour étaient gorgées de minerai de fer et puis, au fil du temps, le gisement s’est appauvri pour disparaître complètement. Si on ajoute à ça la délocalisation des manufactures en Chine ou en Inde, on obtient une ville à l’abandon. Un trou miteux que tout le monde veut quitter. C’est alors que Genix Pharmacom s’y est implanté. La branche médicale de l’immense Trust a apporté un souffle nouveau à cette cité mourante, aidant au financement des écoles, créant des emplois par milliers, ouvrant également un gigantesque centre commercial.

Un bon samaritain me direz-vous ? Je le pensais aussi quand je suis arrivé ici pour cette enquête qui changea ma vie. J’étais loin de m’imaginer ce qui allait se passer. J’étais loin de m’imaginer que je tomberai au milieu d’une guerre…