Chapitre 4 Un village tranquille - Partie 4
Sin fo et Reg'liss frappèrent à la porte mais personne ne répondit. En entrant, ils découvrirent la maison saccagée, tous les meubles retournés, et la vaisselle brisée dans la cuisine laissait clairement entendre qu’il y avait eu lutte.
Nos deux héros furent tirés de leur stupeur par le claquement de la porte. Avant qu’ils aient pu réagir, cinq hommes armés les encerclèrent. Le plus petit et le plus large des cinq, celui qui semblait être le chef, s’adressa aux autres d’une voix qui ressemblait à un grognement.
– Deux gamins dans la maison. On dirait bien qu’on les a trouvés. Emmenez-les !
Désarmés, Sin fo et Reg'liss ne songèrent même pas à résister.
Ils furent conduits à travers toute la ville, encerclés par les cinq hommes. Tous les habitants qu'ils croisaient semblaient vouloir les éviter, et Sin fo se demanda si c'était d'eux qu'ils avaient peur, ou des hommes qui les escortaient. Ces derniers devaient appartenir à un ordre officiel, car ils étaient tous vêtus de la même tenue, constituée d'une veste de cuir et d'une tunique rouge. Le chef d'unité portait également une cotte de maille qui lui couvrait le torse et les bras. Ils arrivèrent finalement à une bâtisse sinistre dont les rares fenêtres étaient pourvues de barreaux. Cédant à la peur qui le tenaillait, Reg'liss s’écria :
– Quel est cet endroit ? Pourquoi vous…
– Silence ou je te tranche la langue, s’emporta le soldat qui était le plus près de lui.
Sin fo tenta de calmer Reg’liss :
– Il s’agit sûrement d’une erreur. Nous n’avons rien à nous reprocher, alors nous n’avons rien à craindre.
Après quelques minutes passées dans un dédale de couloirs et d’escaliers, ils furent jetés sans ménagements dans une cellule sombre et froide. Sin fo se retourna pour demander :
– Pourquoi nous avez-vous arrêtés ? Vous n'avez pas le droit de nous retenir sans explications !
– À ta place je ne m’inquiéterais pas de savoir pourquoi je suis là, mais plutôt comment j'en ressortirais, répondit le soldat en verrouillant la serrure.
Ce n’est qu’une fois les soldats partis que les deux jeunes gens aperçurent une silhouette étendue sur la paillasse. L’homme à l’aspect misérable qu’ils avaient sous les yeux n’était autre que le vieux Berg. Il tremblait de tout son corps, et son visage tuméfié ne laissait aucun doute sur le traitement qui lui avait été réservé. Incrédule, Reg’liss s'accroupit à ses côtés et lui demanda ce qu’il lui était arrivé. Le vieux Berg lui répondit d’une voix faible :
– Les soldats… Ils sont venus chez moi peu après votre départ. Ils surveillent tout le monde, et ils n'aiment pas que des étrangers viennent s'installer en ville, vous voyez. J'ai essayé de leur faire croire que vous étiez de ma famille, expliqua-t-il en posant une main tremblante sur l'avant-bras de Reg'liss, mais ils ne m'ont pas cru. Ils ont… Ils ont trouvé vos armes, sanglota le vieil homme. J’ai tenté de fuir, mais ils étaient trop nombreux. Ils voulaient savoir pourquoi j’avais des armes chez moi. Je… Je suis désolé, je leur ai dit qu’elles étaient à vous.
Après avoir prononcé cette dernière phrase, il cacha son visage dans ses mains et se tourna honteux. Sin fo vint à son tour s'agenouiller devant la paillasse et effleura l'épaule du vieil homme. Elle murmura une seule question :
– Mais que vont-ils faire de nous ?
– Rien de bon je le crains…
À cet instant, deux soldats pénétrèrent dans la cellule et saisirent le vieil homme. Celui-ci regarda Sin fo et Reg’liss et les supplia une nouvelle fois de le pardonner, avant de disparaître dans les ténèbres de la prison, encadré par les deux soldats. Reg'liss agrippa les barreaux de sa cellule et les secoua en criant aux soldats de ne pas faire de mal à Berg, mais il n'obtint pas d'autre réponse que l'écho de sa propre voix. Sin fo lui mit la main sur l'épaule pour le calmer, et il se laissa tomber sur la paillasse, la tête dans les mains.
Quelques minutes plus tard, des voix se firent entendre de l’extérieur. Sin fo et Reg’liss grimpèrent tous deux sur la paillasse pour regarder par l’ouverture qui se trouvait au sommet du mur. Celle-ci donnait sur une large cour pavée. Leurs regards situés au niveau du sol de cette cour, Sin fo et Reg’liss virent les deux soldats traîner le vieux Berg, qui se débattait de toute la force dont il était capable. Il fut adossé à l'enceinte du fond, puis mains derrière le dos, les soldats l’enchaînèrent à un anneau de fer qui pendait au mur. Reg’liss regardait la scène en silence, dans un état de panique extrême. Il savait au fond de lui ce qui allait se produire, bien qu’il n’osait l’imaginer encore. Il se tourna et vit que des larmes coulaient sur les joues de Sin fo.
L’homme trapu qui avait arrêté les deux jeunes gens était présent également. Il s’adressa à Berg de sa voix rauque.
– Sillas Berg, vous êtes accusé d’avoir accueilli des étrangers et de les avoir aidé à cacher des armes, mettant ainsi en péril la sécurité du village. La sentence est applicable immédiatement.
À peine eut-il fini sa phrase que Berg s’écroula sur le sol, mortellement touché par l’estocade des deux soldats. Un nuage de poussière explosa soudain. Sin fo venait d’user de son pouvoir pour ouvrir en deux le mur de sa cellule. Des larmes continuaient de perler à ses yeux, mais la flamme de son regard rappela à Reg’liss le cauchemar qu’il avait fait dans la forêt. Sin fo sortit vivement dans la cour et se jeta sur un des soldats désorientés. Elle parvint à le désarmer, mais le soldat entreprit de se défendre à mains nues. Reg’liss ramassa une pierre sur le tas de gravats et lui en assena un coup sur le crâne. Sin fo se saisit de l’épée qui gisait au sol avant de s’adresser à son ami.
– On s’occupe des autres et on s’en va !
Voyant le deuxième soldat courir vers eux, Sin fo fit surgir une colonne de pierre qui le frappa à l’estomac. Le soldat s’effondra sous le choc. Reg’liss en profita pour s’armer, puis il alla prêter main forte à Sin fo, qui était déjà aux prises avec l’homme trapu. Ayant l’avantage du nombre, nos deux héros parvinrent à le coincer contre le mur du fond. Ils étaient maintenant à côté de la dépouille de Berg. L’homme lâcha son arme et tomba à genoux. Il supplia ses adversaires de l’épargner. Sin fo explosa de colère.
– Vous avez fait tuer un innocent ! Vous ne méritez pas ma pitié !
Elle leva sa lame, s’apprêtant à porter le coup fatal, mais Reg’liss lui saisit le bras.
– Arrête ! Si tu fais ça, tu es comme lui ! Tu n’es pas une meurtrière !
Sin fo baissa son arme et éclata en sanglots. Le soldat ricana.
– La gamine fait du sentiment, on dirait.
En entendant ces mots, Reg'liss lui enfonça son épée dans le bas de la cuisse, lui arrachant un hurlement de douleur au passage.
– Je ne laisserais pas Sin fo souiller son âme pour une ordure de ton espèce, mais personnellement, je n’aurais pas autant de scrupules.
– Reg'liss, on s’en va maintenant, avant que des renforts n’arrivent.
Elle ouvrit un trou béant dans le mur extérieur, et ils s’enfuirent en courant dans les rues pleines de badauds.
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