Chapitre 19 Morts ou vivants ? - Partie 2

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 Pendant quelques secondes, Hank entendit Tabatha et Jacob se disputer au loin, puis le silence se fit. Il ne percevait plus que le bruit de ses pas qui se répercutait en écho contre les hauts murs qui l'entouraient. La rue suivit d'abord une ligne droite, puis elle effectua un coude vers la gauche. Les maisons semblaient toutes identiques, et Hank ne remarqua rien d'anormal. Au bout d'un moment, il déboucha au milieu d'une place ornée d’une fontaine et de quelques arbres, avec des rues partant dans quatre directions différentes, sans compter celle d'où il était arrivé. Les cris s'étaient tus depuis quelques minutes. Plus rien ne pouvait lui indiquer la direction à prendre. Le jeune homme lâcha un juron, hésitant sur ce qu'il devait faire.

 Devait-il emprunter au hasard une des rues qu'il avait en face de lui, ou bien faire demi-tour et rejoindre ses amis, en espérant qu’ils puissent lui prêter main-forte ? S’il revenait trop tôt, son excursion n’aurait servi à rien. Mais errer au petit bonheur dans les rues n’était pas plus utile. Il ne pouvait pourtant pas se permettre le luxe d'hésiter. Chaque minute comptait.

 Soudain un oiseau sifflota et fit sursauter Hank. Le jeune homme regarda l'oiseau, qui semblait irréel dans cette ville totalement déserte. L'animal le considéra un instant du haut de sa branche puis bascula la tête sur le côté et se remit à siffler joyeusement. Hank soupira.

– Je t'envie monsieur sans-souci. Tu ne te poses pas de questions toi. Si je te demandais quelle route emprunter, tu serais bien incapable de me répondre.

 L'oiseau s'envola de sa branche et vint se poser sur l'épaule de Hank. Il émit un petit piaillement, et le jeune homme eut l'impression qu'il disait :

– Sin fo.

 Il tourna la tête vers le moineau et lui demanda d'une voix hésitante :

– Qu'est-ce que tu viens de dire ?

 L'oiseau piailla à nouveau, et cette fois Hank entendit distinctement le nom de son amie. Il n'en crut pas ses oreilles. Comment cet oiseau connaissait-il le prénom de Sin fo ? Non, ce qui était vraiment incroyable, c'est qu'il pouvait communiquer avec un oiseau. Peut-être était-il en train de perdre la raison. Il secoua la tête comme pour dissiper un étourdissement. L'oiseau réitéra son cri et s'envola à tire-d'aile en direction de la rue d'en face. Hank resta planté là un instant, puis se lança à sa poursuite en lui criant :

– Attends-moi ! Elle est vraiment partie là-bas ?

 Puis, se parlant à lui-même :

– Seigneurs, voilà que je parle à un oiseau...

 La rue était tout à fait semblable à la précédente. Les hauts murs de pierre avaient une allure austère, et les rideaux élimés et les plantes mortes aux fenêtres conféraient à la ville un aspect fantomatique. Non loin de Hank, le vent s'engouffrait dans une vitre brisée et produisait un hululement sinistre. Le jeune homme était désormais accoutumé à ce genre d'ambiance, mais chaque fois cela lui faisait froid dans le dos. Il ne l'aurait jamais avoué devant ses amis, mais il aurait préféré ne pas séparer le groupe, car il n'était pas rassuré à l'idée d'être seul en cas d'embuscade djaevel. Il était tiraillé entre l'envie de courir rejoindre Sin fo et la raison qui lui disait d'avancer avec prudence.

 Un grincement sur sa droite le fit sursauter. Il tourna le regard et vit le moineau posé sur un rebord de fenêtre.

– Ça t'amuse de me faire peur ? Mène-moi plutôt à Sin fo au lieu de faire des farces.

 L'oiseau le regarda avec ce qui semblait être un air contrarié - pour autant qu'il soit possible d'interpréter les attitudes d'un moineau - puis s'envola en direction des toits. Hank l'appela, lui demandant de ne pas partir, mais rien n'y fit. L'oiseau avait disparu. Le jeune homme s'emporta :

– Très bien, va-t-en, je peux me débrouiller seul !

 Il retrouva son calme et reprit pour lui-même :

– Je n'ai pas le temps de me disputer avec un stupide volatile. Je dois retrouver Sin fo.

 Il reprit son chemin en soupirant. Les rues se succédaient, toutes identiques, et Hank commençait à s'inquiéter de ne pas avoir rejoint sa femme. Mais après tout, ses amis étaient-ils vraiment venus ici ? N’étaient-ils pas plutôt restés là où il les avait quittés ? Il avait accouru sur ce qu’il pensait être les indications d’un oiseau. Ça n’avait vraiment aucun sens. Maintenant qu’il s’était avancé si loin, devait-il chercher les personnes qui étaient en danger ? Tenter de les appeler, fouiller quelques maisons peut-être ?

 Soudain un cri vint mettre un terme à sa réflexion. Il partit en courant dans cette direction. S'ils étaient également dans le quartier, ses amis allaient accourir vers les cris. Il espérait les retrouver avant d'avoir à secourir quelqu'un contre une bande de djaevels.

 Hank remonta plusieurs rues, tournant tantôt à gauche, tantôt à droite, se rapprochant toujours plus de la personne qui criait. Au bout d'un moment, il arriva à un croisement. Un chemin partait à gauche et un autre à droite. En face se dressait une maison haute de quatre étages. Les cris semblaient provenir de derrière cette maison. Emprunter une des deux rues et contourner les bâtiments prendrait assurément trop de temps, et rien ne permettait d'être sûr qu'une rue adjacente le conduirait derrière la maison. Il n'avait qu'une solution, il devait passer par l'intérieur de la maison.

 Il tenta d'ouvrir la porte mais elle était fermée à double tour. Il prit un peu d'élan et s'élança de tout son poids contre le panneau de bois, mais il ne parvint qu'à se faire mal à l'épaule. Il réfléchit à toute allure et leva machinalement la tête. Il fixa la façade quelques instants et se décida. Il appuya son pied gauche sur la poignée de la porte, s'agrippa à la poutre qui surplombait la porte, et se hissa.

 L'ascension de la façade ne fut pas aisée, car bien qu’il ait été jadis habitué à ce genre d’exercice, cela faisait des années qu’il n’avait pas pratiqué l’escalade. Malgré tout, les souvenirs et les anciens réflexes remontèrent, et entre les rebords de fenêtres et les pierres apparentes, il trouva facilement des prises. Il se fit une frayeur lorsqu'il faillit chuter du deuxième étage à cause d'une pierre qui se déchaussa, mais il parvint à rétablir son équilibre et atteindre le toit sans autre encombre.

 Une fois qu'il fut suffisamment loin du bord, il roula sur le dos et resta étendu quelques secondes pour reprendre son souffle. Les bords du toit étaient inclinés, et il avait dû se hisser jusqu'au centre pour être en sécurité sur une surface plane. Il dut se faire violence pour se remettre en mouvement et s'approcher du bord opposé du toit. De là, il avait une vue imprenable sur le quartier. Tout autour s'étalait le schéma tortueux des rues pavées. À ses pieds, dans une cour ornée d'un petit potager, deux femmes s'étaient réfugiées dans les branches d'un platane pour échapper à une douzaine de djaevels qui s'étaient attroupés autour de l'arbre et essayaient de les attraper. Elles n'avaient aucune échappatoire. Hank savait qu'il se devait d'intervenir, mais que pouvait-il faire, seul contre douze djaevels ? L'idéal aurait été de les attaquer sur plusieurs fronts, mais il ne pouvait compter sur aucune aide, et il n'avait pas le temps d'en attendre.

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