Chapitre 20 Une étape reposante ? - Partie 3
Moins d'une heure plus tard, les deux jeunes gens étaient dans les rues de la ville, armes au poing. Ils n'avaient trouvé personne pour les accompagner. Tous avaient prétexté qu'ils se refusaient à piller les maisons de gens qu'ils connaissaient, mais Hank était persuadé qu'ils avaient juste peur de rencontrer des djaevels. Non pas qu'une sortie en fanfare fut préférable, mais il aurait aimé avoir des paires de bras supplémentaires au cas où ils trouveraient beaucoup de choses utiles. Ils s'étaient éloignés de plusieurs rues de la maison de Falmina, car les rues alentour étaient habitées par des occupants de la maison, et elles avaient par conséquent déjà été vidées.
Après quelques minutes de marche, ils virent clairement qu'ils étaient sortis du quartier sûr, et qu'ils avaient pénétré dans un quartier que les djaevels arpentaient souvent. Tout autour d'eux n'était que désolation. Partout, des vitres brisées, des portes creusées par des griffures, des traces ensanglantées sur le sol et sur les murs, et les deux jeunes gens trouvèrent également plusieurs tas d'ossements, probablement issus de cadavres de petits animaux. En voyant cela, Sin fo frissonna.
– Je ne savais pas que les djaevels s'en prenaient aussi aux animaux.
– À mon avis, quand la faim les tiraille, ils se contentent de ce qui leur tombe sous la dent. Par contre je ne comprends pas pourquoi ils les empilent comme ça.
– L'instinct probablement, comme les chiens qui enterrent les restes d'un repas.
– Oui peut-être... Tu crois que les animaux mordus sont infectés également ?
– Comment cela ?
– Tu sais... Les yeux révulsés, la bave aux lèvres, et l'irrésistible envie de manger de l'humain.
– Certaines bêtes n'ont pas besoin de cela.
– Oui mais imagine l'effet sur des animaux habituellement inoffensifs. Je ne sais pas s'il serait très facile de survivre à une attaque de mulots ou de dindes assoiffés de sang.
Sin fo éclata de rire.
– Tu es bête ! Nous sommes vraiment affreux de rire d'une chose aussi grave, se reprit immédiatement Sin fo en faisant mine de se couvrir la bouche de la main gauche.
– Les djaevels sont un fléau c'est vrai, mais ce n'est pas en menant une vie sinistre qu'on les combattra. Au contraire il faut qu'on puisse mener une vie normale et continuer à rire.
Soudain une porte s'ouvrit en grinçant sur leur gauche. Dans l'encadrement se tenait une femme vêtue de guenilles, aux cheveux hirsutes, avec un bras arraché et du sang coagulé qui courait de sa bouche jusqu'à son menton.
– Ça n'a pas l'air d'être une marrante celle-là, observa Hank en grimaçant.
La djaevel les regarda d'un air intéressé et claqua plusieurs fois des mâchoires.
– Elle a l'air d'hésiter, remarqua Sin fo, comme si elle ne voulait pas quitter la maison.
– On ne va pas attendre qu'elle se décide. Balance-lui une attaque magique dont tu as le secret, conseilla-t-il en frappant sa paume de son poing.
– Non, je ne veux pas que la façade s'écroule, comme l’autre jour. Il y a peut-être des choses à récupérer.
– Ça m'étonnerait qu'on trouve de la nourriture dans une maison occupée par des djaevels.
– On ne sait jamais. J'ai un pressentiment sur cet endroit. Attire-la ailleurs pour que je puisse rentrer.
– Pourquoi on ne ferait pas l'inverse ?
– Parce que tu es plus doué que moi pour te faire des ennemis, l’asticota la jeune femme en mimant un baiser dans sa direction.
– Ça me fait mal de le reconnaître, mais tu marques un point. Très bien allons-y. Eh toi là-bas, cria-t-il en mettant une main en porte-voix.
La djaevel le fixa bêtement quelques secondes puis poussa un long cri guttural.
– Oui, c'est à toi que je parle, gueule d'amour ! Allez, viens par là, la provoqua-t-il en faisant un moulinet du bras gauche.
La créature cracha une nouvelle giclée de sang, mais elle ne bougeait toujours pas.
– Elle commence à m'énerver celle-là !
Hank frappa le sol plusieurs fois avec sa lance, afin de produire un son métallique pour énerver la djaevel. Cela fonctionna au-delà de ses espérances. La créature s'élança à une telle vitesse que Hank eut juste le temps de s'écarter lorsqu'elle tenta de lui sauter dessus. Elle s'écrasa lourdement sur les pavés, et peina à se relever avec son seul bras droit. Le jeune homme frappa à nouveau le sol pour attirer son attention.
– Je vais l'emmener un peu plus loin avant de m'en débarrasser. Profites-en pour fouiller la maison et fais attention, il y en a peut-être d'autres à l'intérieur. Je te rejoins le plus vite possible.
S'éloignant en courant, il était parvenu à ce que la djaevel le suive, laissant ainsi à Sin fo le champ libre. La jeune femme passa sa tête dans l'entrebâillement et ne vit rien bouger à l'intérieur. Elle pénétra donc dans la maison, non sans garder ses sens en éveil et son arme au poing. Elle inspecta quelques pièces sans rien trouver d'intéressant et s'apprêtait à ressortir lorsqu'un détail attira son attention.
Dans la cuisine, un mur entier était recouvert de meurtrissures, de légères éclaboussures de sang et de griffures. Tout donnait à croire que les djaevels s'étaient acharnés sur ce mur, et Sin fo voulait savoir pourquoi. Elle tapota du poing sur le mur, entendit que ça sonnait creux, elle fit glisser ses doigts sur la surface rugueuse et découvrit des petits sillons, comme les jointures d'une porte. Elle cherchait le mécanisme d'ouverture lorsqu'elle sentit une forte odeur de charogne se rapprocher. Elle fit volte-face et stoppa son geste juste à temps pour éviter d'envoyer sa lame dans les côtes de Hank.
– Calme-toi, ce n'est que moi !
– Je suis désolée, ce genre d'ambiance me met les nerfs à vif. C'est toi qui sens comme cela ?
– Oui, gueule d'amour a littéralement vomi ses entrailles juste avant de mourir. Je m'en suis mis partout, je crois que je n'ai plus qu'à brûler ces vêtements. Mais je t'ai interrompue, qu'est-ce que tu faisais ?
– J'ai l'impression qu'il y a une pièce derrière ce mur, répondit Sin fo en touchant le mur du bout de son épée, mais je ne trouve pas la poignée pour ouvrir la porte.
– Depuis quand as-tu besoin d'une poignée pour ouvrir une porte ? Tu ne peux pas simplement te fabriquer une entrée ?
Sin fo le regarda, réfléchit une seconde et soupira.
– Très bien, nous allons faire cela à ta manière. Tant pis pour la subtilité.
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