Chapitre 20 Une étape reposante ? - Partie 4

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 Sin fo appliqua sa main ouverte sur la paroi et ferma les yeux. Des lézardes se formèrent rapidement, puis le mur de pierre s'effrita et une large ouverture apparut. La salle cachée était plongée dans la pénombre. Hank fouilla les tiroirs de la cuisine à la recherche d'un briquet, afin d'allumer une chandelle trouvée sur la table. La faible lumière ainsi produite leur permit de voir ce qu'on avait voulu cacher derrière le mur.

 La salle cachée était en fait une cambuse bourrée de vivres. Contre les murs se tenaient des étagères remplies de bocaux et de sacs de céréales, de légumes et de fruits secs, et au plafond pendaient des crochets auxquels étaient suspendues diverses pièces de viande, allant de la charcuterie aux quartiers de viande entiers. Hank s'en approcha et gratta la surface d'un jambon, qui s'écailla en une fine pellicule blanche.

– Du sel... Toute cette nourriture est parfaitement conservée. On a touché le gros lot. À partir de maintenant je suivrai toutes tes intuitions les yeux fermés.

– Cela explique pourquoi les djaevels se sont acharnés sur ce mur, et aussi pourquoi celle que tu as tuée ne voulait pas partir d'ici. Ils avaient senti la viande.

– On a plus qu'à ramener tout ça chez Falmina. Que Yembet emporte tous ces peureux qui n'ont pas voulu nous accompagner, pesta Hank. On va rapporter un quartier de viande chacun, ça devrait suffire à les convaincre de nous aider pour le reste.

– Nous ne pouvons pas laisser toute cette nourriture sans surveillance. Le temps de faire l'aller-retour, les djaevels auront déjà envahi cette maison, et nous n'aurons plus rien à récupérer. Nous devons tout prendre.

– Tu as vu tout ce qu'il y a ? C'est impossible de tout ramener à deux !

– Ce qu'il nous faudrait, c'est une charrette... Je reste là, tâche d'en trouver une dans le quartier, et s'il n'y en a pas, retourne chez Falmina, je sais qu'elle en a une.

– Je ne te laisse pas toute seule ici, refusa catégoriquement Hank.

– Écoute, le fumet de la viande ne va sûrement pas tarder à attirer de nombreux djaevels. Tu risques d'en avoir quelques-uns à tes trousses, mais la plupart vont se diriger vers ici, où l'odeur est la plus forte, et surtout immobile.

– Tu pensais me convaincre comme ça, demanda Hank en levant un sourcil.

– C'est la solution la moins risquée. Tu auras plus de facilité que moi à tirer seul une charrette jusqu'ici, et je suis plus efficace que toi lorsqu'il s'agit d'affronter plusieurs assaillants. Tout se passera bien, ne t'en fais pas. File maintenant, et reviens vite.

 Hank voulut encore discuter, mais Sin fo lui posa la main sur la bouche et le poussa vers la sortie. Il attrapa sa lance qu'il avait posée dans un coin et partit en courant.

 Sin fo entendit la porte claquer lorsqu'il sortit de la maison, puis ses pas s'éloigner dans la rue avant de disparaître. Le silence qui l'entourait était oppressant. Après quelques instants, elle réalisa qu’elle aurait pu refermer le mur avec son pouvoir et accompagner son mari. Elle se maudit de ne pas y avoir pensé plus tôt. Il était trop tard pour changer de plan maintenant.

 Elle quitta la cambuse et alla se poster devant la porte d'entrée. De là, elle avait une vue dégagée sur toute la rue. Rien ne venait troubler la tranquillité de cette matinée d'automne, et s'il n'y avait pas eu une petite flaque de sang sur le pavé à l'endroit où la djaevel était tombée plus tôt, rien n'aurait laissé croire que cette ville était envahie par des créatures démoniaques.

 Sin fo se sentit gagnée par une pointe de nostalgie. Cette rue calme lui rappelait les rues de Ts'ing Tao. Elle se repassa en mémoire les années où elle était enfant, les jeux avec ses amies, les histoires que lui racontait sa mère, et les leçons de combat que lui donnait son père. Ce dernier avait toujours nourri l'espoir qu'elle prenne sa succession à la tête du village. Avait-il mené des recherches lorsqu'elle avait disparu ?

 Elle espérait que tout le monde allait bien et qu'elle allait bientôt les revoir. Elle n'arrivait toujours pas à se faire à l'idée qu'elle avait changé d'époque. Cela était vraiment absurde. Plus elle y réfléchissait et moins elle voyait comment cela pouvait être réalisable. Elle se surprit à penser qu’au moins sa famille serait à l'abri des djaevels, et que cela serait sans doute préférable.

 Elle pensa ensuite à Reg'liss et se demanda si elle allait le retrouver un jour. Elle se sentit mal à l'aise en se rendant compte qu'elle avait peine à se remémorer précisément son visage. Plus de cinq ans s'étaient écoulés depuis qu'ils s'étaient vus pour la dernière fois. Quelle vie avait-il menée depuis ? Peut-être ne la reconnaîtrait-il pas. Peut-être n'avait-il pas envie de la revoir.

 La jeune femme fût tirée de ses pensées par un râle au bout de la rue. Elle regarda autour d'elle en se redressant et lâcha un juron en voyant de nombreuses silhouettes se dessiner au loin. Il y avait au moins une douzaine de djaevels de chaque côté de la rue. Ils avançaient au pas, de manière groupée. Sin fo affermit sa prise sur son arme. Les deux groupes semblaient avancer à la même vitesse. Si elle les laissait approcher, elle serait probablement submergée par le nombre. Elle devait en éliminer au moins la moitié immédiatement.

 Elle s'agenouilla et posa ses deux paumes au sol. Elle ferma les yeux et se concentra quelques instants. Devant conserver ses propres forces pour combattre, elle puisa l'énergie nécessaire à son attaque dans les flux circulant autour d'elle. Les djaevels avaient parcouru le tiers du chemin lorsqu'elle relâcha l'énergie qu'elle avait emmagasinée. Des fissures partirent des mains de la jeune femme et s'étirèrent jusqu'aux pieds des djaevels, puis les pavés s'affaissèrent dans un fracas assourdissant, emportant les créatures avec eux. Sin fo sentit l'énergie filer à toute vitesse hors de son corps. Elle devait parachever son attaque avant de puiser dans ses propres forces. Elle se concentra donc sur le groupe qui se trouvait à sa gauche. Elle se servit de toute l'énergie restante pour faire rouler des tonnes de gravats et de pavés brisés au dessus des monstres toujours désorientés. Avant que la poussière retombe, les djaevels étaient ensevelis sous plusieurs mètres de terre et de pierres. Ce n'était sûrement pas suffisant pour les tuer. Mais elle n'avait pas à s'en soucier pour le moment, il leur faudrait du temps pour se sortir de là.

 Bien qu’épuisée par l'effort qu'elle venait d'accomplir, elle n'avait pas le temps de se reposer. Déjà, les djaevels sur sa droite commençaient à sortir du trou. Sin fo prit une longue inspiration et se releva en prenant appui sur son épée. Elle allait devoir combattre au corps à corps, et garder les attaques magiques en dernier recours.

 La jeune femme se mit en position, prête à bondir ou à reculer en cas de besoin, elle serra la garde de son épée dans sa main, et se passa en mémoire plusieurs schémas d'attaque. Les djaevels les plus habiles étaient déjà à mi-chemin entre le trou et la maison. Par chance, il ne s'agissait pas de ''niglants'' comme les appelait Hank, mais de djaevels relativement lents, des ''tortues''. Cela lui permit de maîtriser la situation. Si ses ennemis s'étaient précipités tous en même temps sur elle, elle aurait pu avoir plus de mal à s'en sortir, mais la douzaine de djaevels qui sortaient du trou n'avançaient pas à la même vitesse, si bien qu'elle put les affronter un par un, ce qui était un jeu d'enfant pour elle.

 Une fois qu'elle eut tranché quelques têtes et fracassé quelques crânes, elle s'occupa de faire disparaître les corps. Elle tira les djaevels un par un jusqu'à la fosse et les y jeta sans ménagements. Dès qu'ils y furent tous, elle réitéra son acte magique en puisant cette fois dans ses réserves personnelles pour enterrer tous les djaevels. Elle se dirigea ensuite lentement vers la maison et se laissa tomber sur le pas de la porte, où elle s'assit adossée au mur pour attendre le retour de Hank. Celui-ci revint en courant quelques minutes plus tard, tandis que quatre hommes le suivaient en tirant la charrette de Falmina. Sin fo expliqua à Hank comment elle s'était débarrassée des djaevels, et ils rentrèrent tous chez Falmina après avoir rempli la charrette de vivres.

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