Chapitre 24 Les hembras - Partie 2
Après un quart d'heure de marche, Hank proposa d'éteindre la torche, afin de ne pas révéler trop tôt leur présence. L'hembra rit de bon cœur avant de lui expliquer :
– Nous, les hembras, pouvons voir dans le noir, et nous avons une très bonne perception du monde qui nous entoure. Ils savent déjà que nous arrivons, soyez-en sûrs.
– Tu espères nous faire tomber dans un piège, demanda Sin fo d’une voix cassante.
– Ce ne sont que des enfants, de quoi avez-vous peur ? Certains d'entre eux savent à peine marcher, et aucun n'a appris à se battre. Nous ne sommes pas un peuple belliqueux.
– Pourtant vous savez mettre une sacrée hargne au combat, répliqua la jeune femme.
– Vous avez envahi nos terres, il était normal que nous tentions de les reprendre.
– Est-ce qu’il n'y avait pas un autre moyen d'y parvenir, intervint Hank.
– Vous ne sembliez pas prêts à entamer un dialogue, remarqua l'hembra.
Tout à coup, Sin fo s'arrêta. Devant eux venait d’apparaître à la lueur de la torche un petit hembra. De par son âge, il était presque dépourvu de poils, hormis les moustaches caractéristiques à sa race. S'il n'avait pas eu de grandes oreilles et un nez plat, on aurait pu le prendre pour un enfant humain. Il tenait une grosse branche à la main et il les regardait d'un œil noir. Il fit un pas vers eux et brandit sa branche comme une arme. Hank baissa sa lance, leva la main gauche en signe d'apaisement et lui demanda de se calmer, mais l'hembra lui dit qu'il ne comprenait pas sa langue, et s'adressa au petit en langue hembra. Loin de se calmer, le petit enflamma sa branche par magie et courut vers eux.
– Que lui as-tu dit, cria Sin fo.
– Je lui ai demandé de rester calme, mais il ne m'écoute pas.
– Cela je le vois bien !
Le petit hembra tenta de frapper Sin fo, mais le prisonnier mit un coup d’épaule à la jeune femme pour l’écarter de la trajectoire de la branche. Le petit marqua un temps d’arrêt, ne comprenant pas pourquoi son aîné était intervenu de la sorte. Hank profita de la surprise du petit pour lui sauter dessus et le plaquer au sol. Ce dernier se débattit avec force, et Hank avait du mal à le tenir. L'hembra continuait à crier dans sa langue, et Sin fo dit qu'elle allait s'en occuper, mais Hank ne lui en laissa pas le temps. Il leva le bras droit et assena un coup de coude derrière la nuque du petit, qui s'évanouit sous le choc. Hank se releva en soufflant, tandis que Sin fo et l'hembra étaient encore hébétés. Soudain l'hembra explosa :
– Vous êtes fou, ce n'est qu'un enfant ! Vous m'aviez promis qu'aucun mal ne leur serait fait.
– Ça marche dans les deux sens, répliqua sèchement Hank. On a essayé la solution pacifique, mais il n'a rien voulu entendre. C'est lui qui nous a attaqués, je n'ai fait que me défendre.
– Vous êtes des monstres.
– Je ne crois pas qu'on soit si différents. Bon, ne perdons pas plus de temps, nous devons encore trouver les autres.
Hank attrapa le petit et le cala sur ses épaules.
– Vous pourriez le traiter avec plus d'égards.
– Il servira d'exemple. Ça incitera peut-être les autres à nous suivre sans difficultés.
Ils marchèrent quelques minutes le long des rives, puis Sin fo leur fit signe de tourner en direction des bois. Après quelques dizaines de mètres seulement, ils retrouvèrent les hembras. Ils étaient une petite vingtaine, et ils paraissaient tous plus jeunes que celui que Hank avait sur les épaules. Ils étaient tous serrés les uns contre les autres, et la peur se lisait sur leurs visages. L'hembra s'avança vers eux et leur dit quelques mots dans sa langue, avant de se tourner vers Sin fo et de lui demander :
– Détachez-moi s'il vous plaît.
– Hors de question. Je pensais avoir été claire.
– Écoutez, ce ne sont que des enfants, et ils sont terrifiés. Ils n'ont jamais vu d'humains, et vous ne leur donnez pas une très bonne image de votre race. Si vous aviez vu vos parents enchaînés comme des bêtes et escortés par des créatures à l'air menaçant, et qu'ils vous avaient dit que tout allait bien, les auriez-vous crus ?
– Il n'a pas tout à fait tort, remarqua Hank.
– Je refuse de le libérer. Nous ne savons pas de quoi il serait capable.
Hank déposa le petit au sol, ordonna à l'hembra de ne pas bouger, puis il tira Sin fo à part.
– Qu'est-ce qui te prend ? Je ne te reconnais plus.
– Ce qui me prend ? Et toi, de quel côté es-tu ?
– Du côté qui ne veut pas envenimer la situation, répliqua Hank. Ces petits sont terrifiés, dit-il en tendant le bras dans leur direction.
– Peu importe leur âge, ces créatures sont dangereuses !
– Est-ce que tu t'entends parler, s’offusqua Hank. Ces créatures ? Tu ne pourrais pas dire ces personnes ?
– Ce ne sont pas des humains.
– Mais ce n'est pas non plus des animaux !
– Tu les as regardés ? Regarde leurs visages. Ils sont couverts de poils ! Ils ne sont pas comme nous, nous ne pouvons pas leur faire confiance !
Sin fo avait haussé le ton jusqu'à hurler, et Hank fit une chose qu'il n'avait jamais faite. Il gifla Sin fo. La jeune femme fut si choquée qu'elle ne songea pas à lui rendre le coup.
– Mais qui es-tu ? Où est passée la femme compréhensive et humaine que j'ai épousée ? Regarde, lui dit-il en retroussant sa manche. Regarde ! Nous aussi nous avons des poils ! Et je ne suis pas un expert, mais j'ai l'impression que ces gens pratiquent une magie semblable à la tienne. Si tu ouvrais les yeux, tu verrais que tu es peut-être plus proche des hembras que de moi.
Hank attendit que Sin fo lui réponde, mais elle se contenta de le toiser en silence. Après quelques instants, il soupira et dit à sa femme avant de partir :
– Je m'occupe des hembras. De ton côté, réfléchis à ce que je t'ai dit. Je ne veux pas que tu approches de la hutte avant d'avoir réalisé les horreurs que tu as proférées.
Hank retrouva l'hembra, qui n'avait pas bougé.
– Il y a un problème, demanda ce dernier en regardant en direction de Sin fo.
– Aucun problème. Montrez-moi vos mains.
L'hembra se tourna et Hank trancha ses liens. L'hembra massa ses poignets en demandant :
– Que me vaut cette sollicitude soudaine ?
– Je ne crois pas qu'on ait à se méfier de vous.
– Vos amis seront-ils du même avis ?
– J'en prends la responsabilité. Ne me décevez pas. Bien, ramenons ces enfants au camp, où ils pourront se réchauffer auprès d'un feu.
L'hembra répéta les mots qu'il avait dits aux petits un peu plus tôt, puis il leur montra ses mains et désigna Hank d'un signe de tête. Il prit ensuite un petit dans ses bras et dit à Hank :
– Nous pouvons y aller, ils vont nous suivre.
Hank reprit le petit hembra qu'il avait frappé sur ses épaules, mais en l'installant un peu plus confortablement. Il attendit que tout le monde se soit mis en marche, puis il dit à l'hembra :
– Écoutez, je regrette la manière dont on vous a traités, et je tiens à m'excuser au nom de ma femme pour tout ce qu'elle a dit. Elle n'est pas comme ça d'habitude.
– J'accepte vos excuses car elles ont l'air sincères, mais concernant votre femme, j'attendrai qu'elle vienne d'elle-même. Vous avez l'air de vouloir faire la paix, mais qu'allez-vous faire de moi concrètement ?
– Dès que nous arriverons sur le camp, je libérerai tous vos compagnons. C'était une mauvaise idée de vous attacher comme ça. Par contre, je vais vous demander de rester dans la hutte de pierre pour le moment.
– Nous restons vos prisonniers ?
– Le temps que je discute avec mes amis, nuança Hank. Comprenez que je ne peux pas prendre ce genre de décisions seul.
– Il me semblait que vous et votre femme étiez les meneurs de votre groupe.
– Nous n'avons pas de meneur. À vrai dire, nous ne sommes pas vraiment un groupe soudé.
– Pourtant ça ne semble pas poser de problème à vos amis de suivre vos directives.
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