06 - L'échange

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– Ravie de vous rencontrer, entama-t-elle une fois à sa hauteur.

– J’en aurais bien autant pour vous mais…

– Mais nous ne connaissons pas et vous ne savez pas à qui vous avez affaire, compléta-t-elle pour lui.

– Éclairez-moi, qui êtes-vous donc ? lui demanda-t-il sans ambages – sans détours !

– Je suis la commandante en second de ce bateau, vous m’appellerez donc Commandante.

– Je n’ai pas d’ordres à recevoir, je vous appellerai comme je le souhaite, remit-il les choses au point.

La Commandante le fixa un instant, et jugea bon d’apaiser de suite ses susceptibilités :

– Ne partons pas du mauvais pied. Voyons donc voir comment vous désirez me baptiser.

Le Capitaine, prit de court, réfléchit un instant et se lança :

– Hum… vous avez une tête de…

– Une tête de ? dit-elle un peu inquiète les sourcils froncés.

– Je vous appellerai… Commandante ! se décida-t-il.

– Vous vous fichez de moi ? N’est-ce pas ce que… Vous statuez sur Commandante alors que je viens de vous demander de m’appeler Commandante ! s’énerva-t-elle.

Le Capitaine la fixa un instant, et jugea bon d’apaiser de suite sa colère :

– Je ne souhaite pas partir du mauvais du pied. Et j’en convins, vous avez une tête à vous appeler Commandante.

– Et vous, vous avez une face de… de… hésita-t-elle, prise de court.

– Ne cherchez pas, je pourrais mal le prendre, dit-il avant d’enchaîner. Je suis le commandant en premier de cet autre bateau, se glorifia-t-il en désignant de la main son propre navire. Et, si nous ne trouvons pas un accord, un peu le futur commandant du vôtre, prit-il plaisir à terminer d’un ton qui se voulait plus menaçant.

Un sourire malicieux, du type "tu peux toujours rêver", s’esquissa sur les lèvres de la Commandante. Pas certaine qu’il comprenne sa mimique, sans agressivité, elle prit soin d’être le plus claire possible :

– Futur commandant, rien que ça. Vous n’y croyez pas vraiment, n’est-ce pas ?

Le Capitaine croisa les bras et, de façon à impressionner son interlocutrice, redressa fièrement le buste. Il la toisa, les yeux inclinés vers elle, et, plein d’assurance, refusant d’avouer ses craintes, il répondit par une série de questions :

– À quoi ne devrais-je pas croire ? Au fait que nous trouvions un arrangement ? Ou au fait que nous, fiers et forts pirates, ne pourrions pas prendre possession de votre bateau ?

Top, top, top… TOP ! Pas tous à la fois ! Quoi, qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que c’est que tout ce remue-ménage ? Hein ? Oui, il a incliné les yeux vers la Commandante. Et bah quoi ?! Vous voulez un dessin ? Il relève un peu l’menton et la regard’ de haut, il la toise. Il est plus grand qu’elle et il baisse les yeux pour la r’garder. Là, je n’vois pas du tout où est le problème, je n’peux pas mieux vous expliquer, j’pense que c’est clair et qu’c’est vous qui êtes des…

Les yeux ? Quoi, les yeux ?...

Aaahhh... ouiii... ok... Parce que vous avez même ret’nu le tit’e de l’histoire ? Oui, d’accord, je vois où vous voulez en v’nir. Heureus’ment qu’j’me suis tue, j’allais dire qu’vous étiez des abrutis, mal m’en serait pris. Alors je m’explique, c’est « Une aventure du Capitaine Borgne », une sacrée aventure, et heureusement qu’il l’a vécue plus vite que je n’la raconte… j’ai comme l’impression qu’avec vous ça va durer… perdurer… s’éterniser !

Bon, pour les deux trois limaces molles qui n’ont pas réagi, borgne ça veut en effet dire qu’il n’a qu’un œil. Donc ok, forcément, quand j’dis qu’il baisse les yeux, y’a des enfants intelligents qui réfléchissent et réagissent. Là, j’me permets un p’tit aparté, parce que wahou, WAHOU ! Enfants, intelligents, réfléchir et réagir dans une même phrase, je suis scotchée ! Vous m’bluffez, les mômes ! J’suis sûre que j’aurais raconté ça à des adultes, beaucoup s’raient restés apathiques, léthargiques, ou encore atones. Faites pas attention, ce sont des mots d’grands, qui veulent simplement dire que même les adultes peuvent se comporter comme une huître devant l’fil à couper l’beurre.

Vous n’voyez pas l’rapport entre les deux ? C’n’est pas grave, enfants et intelligents ça n’pouvaient pas non plus durer éternellement.

Bon, on r’prend l’histoire ? Non ? Ah, oui, j’n’ai rien expliqué... Quoi ?! Quel est l’insolent qui a dit qu’j’avais la concentration d’une huître ? C’est lui ? Merci, j’aime bien les délateurs, faut toujours dénoncer son prochain, ça permet d’se faire bien voir, ou au moins d’détourner l’attention. Dorénavant, toi et l’fayot s’rez mes chouchous. Pour toi qui m’traite d’huître… oh non je rêve, tu trembles ? Tu as peur de moi ? Oh non, c’n’est pas vrai qu’il va s’mett’e à pleurer… Pleure pas, calme-toi ! J’prends pas mal tout c’que vous m’dites, j’reconnais même que c’était assez bien placé. Si ça n’m’avait pas concernée, j’admets qu’j’aurais volontiers rigolé. Allez, pas b’soin d’pleurer, je n’vais pas crier, j’verrai plus tard pour ta punition… ou pour m’venger. D’ailleurs, tu n’sauras pas quand ma vengeance arrivera, peut-être aujourd’hui, peut-être demain, peut-être jamais. Peut-être que ce s’ra juste une remarque, ou bien une gifle, si ça s’trouve j’viendrai t’voir pendant ton sommeil pour brûler ton doudou ou bien pour t’égorg… Oh, bah il pleure pour de bon cette fois. Voilà c’qu’arrive quand on fait l’malin !

C’est bon, j’arrête, on dit qu’on est quitte ? Promis, je n’me vengerai pas. Tu sais j’disais ça pour rire. Je sais, je n’suis pas toujours marrante. Allez, stop, c’est bon, je n’vais pas nons plus t’payer une thérapie ! Allez, viens faire un câlin… << bark… >>, ça va mieux ? Oui ? Tu n’raconteras rien à tes parents ? Tout ça reste entre nous ? Bon…

Vous savez, la règle sera de n’pas dire à vos parents si j’vous fait pleurnicher. Faut savoir garder des secrets dans la vie. Sachez qu’il n’y a pas besoin d’toujours moucharder. Cafter, c’est l’début d’la trahison ! Ce n’est pas bien.

N’étant pas une mollusque, j’en reviens au Capitaine : c’est l’aventure du Capitaine Borgne, mais durant cette histoire il n’est pas borgne ! Il a encore ses deux yeux. Avant qu’il en perd’ un, soyez patients. Si j’avais voulu être plus précise, j’aurais intitulé l’histoire « Une aventure du Capitaine pirate Borgne aux deux yeux ». Mais entre nous, j’aime bien aller à l’essentiel, je n’suis pas du genre à parler pour ne rien dire, j’n’aime pas quand c’est trop long... enfin ça dépend pour quoi, mais ça ce n’est pas d’votr’ âge... bref, je n’suis pas du tout du genre à en rajouter des tonnes.

Je répète et on continue :

– À quoi ne devrais-je pas croire ? Au fait que nous trouvions un arrangement ? Ou au fait que nous, fiers et forts pirates, ne pourrions pas prendre possession de votre bateau ? demanda le Capitaine – arrogant, dans l’défi, etc, etc.

La Commandante laissa retomber ses épaules et inclina un peu la tête, de façon à montrer qu’elle commençait déjà à se lasser.

– Ne tournons pas en rond. Ne nous lançons pas dans une discussion sans fin sur qui est le plus fort. De toute façon, nous le savons très bien tous les deux. Bref, laissez-moi donc être claire et précise, cela nous évitera de perdre notre temps.

– Je vous écoute.

Elle continua posément, tout en usant d’un ton plus ferme et, cette fois-ci, à son tour, subtilement menaçant :

– Nous nous rencontrons enfin. Je suis heureuse de vous rencontrer. Si nous n’avions pas voulu être abordées, vous ne seriez jamais montés sur ce bateau. Si nous avions voulu vous combattre, vous seriez déjà morts ou en train de nous supplier de vous épargner.

Elle se tût et laissa un blanc. Le Capitaine, habile orateur, savait qu’il n’avait aucun intérêt à s’engager sur ce sujet ou à la contredire, surtout qu’elle n’avait peut-être pas tout à fait tort.

À nouveau souriante, elle reprit d’un ton plus enjoué :

– Mais je ne veux surtout pas vous inquiéter. Je reprends et me répète : soyez aujourd’hui nos invités, discutons, et je pense que nous pourrons trouver un arrangement qui nous satisfera tous les deux. Êtes-vous d’accord… euh… Commandant en Premier, à défaut de me dire enfin comment vous nommer.

Le Capitaine se détendit et son visage, bien que masqué par sa barbe fournie et son impressionnante moustache, s’illumina.

Et là c’est bon ? Personne pour me dire qu’il n’est pas censé avoir de barbe ? Non ? Donc le Capitaine a une barbe et une grande moustache, et on est d’accord ça n’pose de problème à personne. Bien, et tant mieux ! Après vous avez qu’à vous même imaginer la couleur ; enfin, ni bleu ni vert, le Capitaine n’était pas non plus un Punk !

C’est quoi un Punk ? Pfff... plus j’en rajoute plus y’a d’questions ; j’aurais dû m’en douter ; j’avais qu’à m’taire ; ça m’apprendra. Sachez p’tits pirates, qu’il faut toujours tourner sa langue dans sa bouche… Hum, toujours... mais j’en dirais pas plus, c’est toujours pas d’votre âge… puis d’abord j’tourne ma langue où j’veux !

Un punk, c’est quelqu’un qui s’coiffe mal !

Oh puis vous m’emmer…. enquiquinez, le Capitaine était châtain ! Pas roux, hein ? Pourquoi j'précise ? Parce que les roux ça... bon, je n'suis pas là pour vexer qui que ce soit ! Il est châtain ! 

– Appelez-moi Capitaine, je vous taquinais en employant "Commandant en premier".

– Je sais, je ne suis pas débile ! sortit-elle sèchement.

– Oui, soit, bon, tout le monde m’appelle Capitaine. Appelez-moi Capitaine, à défaut de m’attribuer plus tard un doux surnom, essaya-t-il l’œil charmeur.

– Capitaine, cela me va très bien, refroidit-elle ses ardeurs.

Sans s’attarder sur son raté, il épilogua :

– Détendons-nous et parlons. Je ne voulais pas vous vexer en jouant au plus fort, mais voyez-vous nous sommes des pirates, on ne peut pas se laisser marcher sur les pieds, il faut toujours qu’on en fasse plus que plus, ça fait partie du jeu.

– Très bien.

– Méfiez-vous quand même, ce ramassis d’hommes disparates n’est pas si inoffensif que vous semblez vouloir le croire, ne put-il s’empêcher d’en rajouter plus que plus.

Pour toute réponse, la Commandante soupira et, déjà, leva les yeux au ciel.

Mal lui en prit, le Capitaine profita de cet instant d’inattention, écarta les bras et s’élança sur elle.

La Commandante eut un geste de recul, mais trop tard pour l’éviter ; alors d’instinct, elle porta sa main à sa hanche, trop lente.

De leur côté, les femmes, surprises, frémirent. Aucune n’eut le temps de se précipiter, aucune ne put la protéger ; ne leur restait qu’à devenir spectatrice.

Le Capitaine s’élança sur elle et, rapide, l’enlaça… avant d’incliner la tête vers son oreille et de lui murmurer :

– Je suis ravi d’être votre invité. Trouvons donc, vite fait bien fait, notre accord.

Le Capitaine sut qu’il venait de réaliser un tour de force, aucun doute il avait fait mouche. Avec cet enlacement imposé, il avait atteint son but, il l’avait déconcertée, étonnée, certainement même embarrassée. Mais maintenant il devrait rester sur ses gardes, et ne pas sous-estimer la portée d’un geste qu’elle subissait. Car, si amical soit-il, il retentissait pour elle comme une défaite, il y aurait donc peut-être une revanche ou au moins un sentiment de méfiance.

La Commandante remit en question ses certitudes, jamais elle n’aurait permis un tel rapprochement, jamais elle n’aurait pensé se laisser ainsi surprendre. Avec cette étreinte d’apparence enfantine, elle ressortait comme dominée. Avantage au Capitaine. Détestable ressenti. À l’avenir elle se devrait d’être plus vigilante, ce capitaine était doué.

<< – Je ne me ferai pas avoir deux fois, profite, Capitaine. Profite. >>

Le Capitaine a toujours su s’montrer rusé ! En n’faisant presque rien, il a toujours réussi à faire forte impression. Laissez-moi vous raconter une anecdote :

Un jour, un indigène, vraiment très très fort, d’apparence imbattable, a voulu défier l’Capitaine. L’homme s’est avancé vers lui avec assurance et s’est lancé dans une démonstration au sabre. Il l’a brandi à gauche, à droite, l’a lancé en l’air, l’a fait tourner, a jonglé avec de la main gauche et d’la main droite. Une parade exceptionnelle et de toute beauté. Cet importun apparaissait comme insurmontable, forcément l’Capitaine allait perdre l’duel. Donc mourir ! Car oui, ce sont toujours des duels à mort, sinon y’a pas d’intérêt. Quoiqu’une mutilation ça peut aussi êt’e marrant.. enfin bref, nous redoutions que ce soit l’dernier combat du Capitaine.

Mais lui, n’a pas cillé, n’a pas tremblé. Il s’est contenté de soupirer, montrant ainsi toute sa lassitude. Et d’un geste rapide – oui car là, il avait beau êtr’ un peu gros et un peu vieux, il était encore vif, not’e Capitaine –, il a sorti son mousquet et… pan ! Un coup, un seul, un coup a suffi pour que le duelliste, si doué soit-il avec son sabre, tombe raide mort. Raide, mort ! Basta, terminé, bye-bye. Le Capitaine a alors tourné les talons, sans rien dire, sans s’vanter, admirab’e, élégant, beau joueur, et s’est contenté d’partir sous les regards éberlués.

On en a parlé durant longtemps, et à travers le monde entier. D’ailleurs, cette scène a même été reprise dans un film célèbre. Ahhh, c’est qu’ils sont peu inspirés au cinéma, faut toujours qu’ils copient !

Et vous, vous copiez des fois en classe ? Non, jamais ? Bah il faut pourtant ! C’est indispensab’e. Surtout si on est nul comme… vous semblez m’l’être. Quand on n’sait pas, on r’garde sur son voisin. Vous n’allez tout d’même pas avoir une mauvaise note sous prétexte que vous n’voulez pas copier ? C’est quoi cette mentalité ? Si vous pensez comme ça, j’vous préviens, vous n’arriverez jamais à rien dans la vie. Si vous n’savez pas, vous copiez, c’est comme ça qu’ça marche !

Et si vous vous faites prendre ? Voilà, bien joué toi le… tu s’ras le Cancre, bien dit le Cancre, bonne réponse, prenez exemple, je n’lui ai même rien soufflé. Donc oui, félicitations, si vous vous faites prendre, vous niez, vous mentez, ou vous dénoncez un autre camarade. Faites ça et j’s’rai fière de vous.

Ravi de son petit effet, le Capitaine relâcha la Commandante et recula d’un pas.

– Mon amie, mon amie, ma chère... Commandante en second, ça ne voudrait pas dire qu’il y a quelqu’un au-dessus de vous ? Qui dois-je voir pour notre arrangement ?

Toujours vexée de s’être faite surprendre, mais peut-être un brin admirative de tant d’audace, la Commandante opta pour ne pas lui donner d’importance et ne commenta pas son action. Elle se contenta donc de répondre avec calme, sans omettre un petit détail :

– Oui, en effet, ici c’est la Générale qui gouverne. Mais pour notre arrangement, mettez-vous bien en tête que c’est moi qui gérerait les modalités.

– Oh, je tâcherai donc de ne pas vous offusquer, comprit-il.

– Bien. En attendant, même si elle est de plus en plus sûre que vous soyez sur le bon, la Générale veut vous voir. Suivez-moi.

La Commandante tourna les talons et se dirigea à nouveau vers les escaliers de la cale. Cette fois-ci pour les descendre.

– Minute ! Et si c’était plutôt votre Générale qui montait ? Mes hommes seraient aussi ravis de la rencontrer, prétendit le Capitaine qui ne voulait surtout pas tomber dans un piège en se rendant seul dans les niveaux inférieurs. Il en doutait, mais son adage favori « prudence est mère de sûreté », lui revint à point nommé en mémoire.

La Commandante laissa s’échapper un petit rire de surprise. Elle se retourna vers le Capitaine, le fixa un instant, et clarifia la situation :

– Vous êtes incroyable. Vous faites tout d’abord le beau comme si vous étiez prêts à nous vaincre, alors que vous savez, et que je sais, que mon équipage est plus fort que le vôtre. Après, j’avoue, vous devenez surprenant et vous marquez un point en osant m’enlacer. Votre action aurait pu engendrer des conséquences, vous êtes passé outre, vous testez les limites, sans méfiance. Mais maintenant, étonnement, vous voilà méfiant. Pourquoi être méfiant ? Suivez-moi, vous ne risquez rien.

– Vous aurez beau me rabâcher qu’en cas de bataille, face à vos femmes surestimées, nous péririons, je vous mets tout de même en garde sur vos malheureuses certitudes, la prévint le Capitaine pour faire bonne figure devant ses hommes.

– Comme vous voudrez, et si cela vous fait plaisir je suis prête à dire que le combat serait équilibré et l’issue incertaine.

– Bon.

– Vous vous devez de garder l’estime de vos hommes, je le comprends.

– Tant mieux.

– Vous venez ?

Le Capitaine ne bougea pas et cogita :

<< – Est-ce un piège ? Hum… Pourquoi accepterai-je de descendre ? Que se trame-t-il ici ? Comment ça la Générale est sûre que je sois le bon ?! >>

La Commandante devant son attentisme, le coupa dans ses songes :

– Je le conçois, la confiance doit se gagner. Alors pour vous prouver ma bonne foi, je vous vais faire une honnête proposition : Repartez, remontez dans votre bateau, oubliez nous et restons en là. Sans drame, sans querelle, tout fini bien, nous restons en bon terme. Tout fini bien mais… pas de trésors.

– Pas d’or, reprit-il.

– Soit, seconde possibilité, vous désirez cet or et vous me suivez.

– Et si… commença-t-il à tergiverser.

– Et si les négociations ne sont pas à votre convenance, vous repartirez libre, lui assura-t-elle.

– Sans drame et sans querelle ?

– Sans drame et sans querelle !

Alors, feignant la confiance en lui et pour que tous l’entendent, le Capitaine déclara d’une voix forte :

– Repartir ? Nous ? Faire demi-tour ? Fuir ? Après ce magnifique abordage ? Jamais un pirate ne ferait ça ! Mes hommes attendront là. Car bien entendu que je vous suis ! Pour qui me prenez-vous, un peureux ? Je n’ai peur de rien, encore moins de vous… et surtout pas de femmes !

Les pirates firent entendre un tohu-bohu d’acclamations qui plut au Capitaine.

<< – Parfait, mes hommes admirent mon courage. Parfait. >>

le Capitaine se rapprocha de la Commandante et, avant de lui emboîter le pas, s’arrêta à son niveau pour lui souffler à l’oreille :

– J’ai hâte de voir où tout ça va bien pouvoir nous mener. Je ne suis pas pleinement convaincu qu’il ne m’arrivera rien mais j’accepte de prendre le risque de vous suivre. Et surtout, j’aime bien votre style. Vous m’intriguez. Et vous commencez, déjà, à me plaire.

À nouveau la Commandante laissa s’échapper un petit rire de surprise :

– Rien que cela. Excusez-moi de ne pouvoir en dire autant.

– Oh…

La Commandante entama sa marche vers les escaliers, le Capitaine la talonna.

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