L'en nuit
Le jour s’enfuit par l’ouest en sang. Quelques pépiements s’échappent du vieux sureau et rassurent les parents des oisillons rentrés au bercail. Une brise légère porte l’odeur des champs moissonnés jusqu’au jardin, et l’amalgame aux senteurs des roses fanées.
Trois marches de pierres usées en leur milieu ; la porte de chêne ouverte sur une maison endormie ; le chat, qui s’était assoupi, arrondit son dos et bâille en déshabillant ses dents pointues.
Ma silhouette s’encadre dans l’ouverture ; l’ombre s’étire sur le rectangle où se prolongeaient les dernières lueurs d’un dehors assagi. Le restant du carrelage disparait dans la pénombre.
Je m’inquiète. À peine. Tout est si tranquille. L’arôme du café froid masque l’absence de bruit.
– Grand-mère ?
Une forme indistincte s’anime. Un raclement de gorge vient rompre l’harmonie installée entre deux silences.
– Ah ! C’est toi ? Entre.
La voix est hésitante, de celles qui ont perdu l’habitude de sortir.
– Tu es dans le noir ? Tu ne t’ennuies pas à rester ainsi ?
– Non, non. Je profitais de la douceur du soir. Les mouches dansaient sur les carreaux. Comme un ballet offert pour la soirée. Et puis, il y a le chat. Je n’étais pas toute seule.
Une fois encore, j’ai interrompu l’avancée de la nuit. Elle sourd des terres lézardées et s’approche des âmes évaporées, sournoise compagne redoutée de ceux qui n’espèrent plus assez. Je me sens toujours coupable de n’avoir pas fait l’effort de venir plus tôt.
Soudain, la lumière du néon, brutale, dompte les incertitudes. Vaincue, la nuit s’écarte.
Annotations
Versions