Les ors
L’aube essore ses draps mauves sur le pré qui s’éveille. Chaque goutte s’unit à son brin d’herbe et la parure étincelle sous la caresse des lueurs virginales. La mariée se couvre de son linceul et mon âme prend part à ses larmes.
Debout près de la fenêtre entrebâillée, je m’interroge. La solitude pose son bras lourd sur mes épaules, le gazouillis d’une hirondelle invite à la joie mais mon cœur n’y est pas. Hier soir, Fandango n’est pas rentré.
Comme d’habitude, je rince le filtre avant d’ajouter la dose de café. Je verse l’eau et appuie sur le bouton de la cafetière. Un voyant rouge donne la réplique. Suivie d’un crachotement. Est-ce une réponse…
L’arôme envahit l’espace et me rejette à mes pensées morfondes. Pour les fuir, elles et l’arôme, j’ouvre la porte d’entrée à un vide de moi. Sur le seuil, j’attends quelques instants. J’attends une présence pour ne pas admettre, pas encore, l’absence qui s’incruste.
Je m’assois et me sers un café trop chaud dans un bol que j’enserre de mes paumes ankylosées. La chaleur se diffuse et rend un peu de vie à mes doigts gourds. Mon regard s’évade à travers la fenêtre et j’aperçois des vitres au loin se teinter d’or. Le jour est en train de violer mes derniers espoirs.
Je trempe mes lèvres à la potion noire. Un museau frais vient se coller sous mon coude. Fandango ! Ses yeux réclament comme à l’accoutumée sa part de pain brioché que je n’ai pas sorti. Je passe une main tremblante sur son poil froid et humide. Il affiche l’air satisfait d’un chien ayant bien profité de sa virée nocturne et son sourire m’offre des aventures colorées.
Je me lève prendre le pain brioché. Vingt ans s’échappent de mon corps et me voilà joyeux. Je parle à Fandango, l'informe d'une promenade à venir. Dehors, les murs ont pris l’or des premiers rayons. La journée s’annonce belle.
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