Prélude

Quand, sur la morne haie, descend l’heure indigo,
En son clocher, pendu, frémit le fier bourdon.
La poutre craque alors, retenant le mouton,
Inutile valet d’un roi gourd et vieillot.

— Interminable temps ! Tu es tel un ruisseau :
Trop soumis à ton lit, trop dépendant des nues,
Trop lent dans ton élan. Je m’emmerde, vois-tu !
J’ai trop long de sommeil et trop court de boulot.

Ainsi vidait son sac, devant un pigeonneau
– Au drame indifférent, plumes ébouriffées,
Rêvant de vols lointains, par le ciel attiré –,
La cloche fatiguée à croquer le marmot.

— Ton bec lisse sans fin les plumes de ton dos,
Mais du bronze, jamais tu n’auras la douceur.
Ton regard est d’ennui, tu es vide d’ailleurs.
Que pourrais-je enseigner à un stupide oiseau ?

Depuis bien des années, ne montait le bedeau.
Le clocher abritait maintenant les pigeons,
Hôtes nauséabonds, en sus du vieux bourdon
Condamné à dormir sous leurs doux trémolos.

— Et ça schlingue, et ça pue ! Y en a jamais trop,
Des rémiges usées, des merdes et des morts.
T’en verras pas un seul se saigner d’un effort
Pour fienter autre part que sur mes beaux rinceaux !

Cet environnement seyait mal à Cœur Blot
– C’était le nom inscrit lors de la dédicace
Sur la panse ternie de la cloche en la place –
Qui aurait préféré la caresse de l’eau.

— La lèvre maquillée par ce fichu guano,
À quoi pourrait goûter mon battant, hier fou,
Qui ne me sert pas plus qu’un sexe éteint et mou ?
Un lied venant de moi, l’entendrais-je à nouveau ?

À force de mâcher ses rancœurs, les mots
Sans saveur lui avaient fait oublier les heures :
L’angélus égrena ses notes sous les heurts ;
Le bourdon en trembla, asservi au marteau.

— Oh, martel de malheur ! Avec toi, je pète haut
Dans ce solier aussi paré de solitude
Que mon cerveau intact l’est d’âpre lassitude !
Ce chant est hérésie, indigne d’un héraut.