La petite ville où j'ai grandi n'avait rien d'extraordinaire. Des champs à perte de vue, un ciel changeant, et un immeuble modeste au milieu d'un quartier où tout le monde se connaissait. C'était là que j'ai passé mes premières années, dans un foyer qui, pour beaucoup, n'aurait eu de « foyer» que le nom. Entre une mère imprévisible, des frères et sœurs plus âgés déjà partis, et une petite sœur qui accaparait toute l'attention, je me sentais perdue, cherchant ma place.

J'avais six ans la première fois où j'ai compris que ma mère n'était pas comme les autres. Les mamans des autres enfants étaient tendres, attentionnées, mais la mienne oscillait entre des éclats de rire nerveux et des colères froides, souvent brutales. Elle était absente, mais toujours présente pour me critiquer. Jamais pour réconforter.

Un matin, tout a basculé. Je me suis réveillée brutalement. Il était à peine six heures, et le jour n'avait même pas encore pointé.

— Debout! Range-moi ça tout de suite! hurla ma mère depuis le couloir.

J'ai obéi sans discuter. Depuis longtemps, j'avais appris à ne rien dire.

Une parole de trop, et c'était une claque, un coup de ceinture, ou même un ceintre que ma mère dépliait comme une arme.

À l'école, je regardais les autres enfants rire, jouer, se chamailler. Moi, je restais en retrait, souvent trop fermée. J'avais du mal à partager mes pensées, mes émotions. Mais l'école, c'était mon refuge. Là, personne ne me frappait, personne ne me rabaissait. Mais c'était juste une pause, une illusion. Je savais qu'il fallait toujours retourner à la maison.