Défi : Ce défi que je vais donc vous lancer, est d'écrire un texte avec mot ou expression imposée. Le format est libre : poème, nouvelle, roman, peu importe.  

L'expression à placer : Fagoté comme l'as de pique ou ficelé comme l'as de pique ou fichu comme l'as de pique.

Définition : "Habillé n'importe comment, mal sapé. Fagoté vient de "fagot", paquet de branchages et de petits bois souvent rassemblés à la diable. De même, les vêtements de celui qui est mal fagoté. Faire quelque chose à l'as de pique, c'est faire sans aucun soin, un peu n'importe comment. Selon Claude Duneton, l'as de pique évoque par sa formele croupion d'une volaille. Partie de son corps pas bien propre. Mal tenue. De même le laisser-aller vestimentaire."

Cinq ans. C’est étrange de se dire que cinq années se sont envolées sans même que vous le sachiez. Je ne pourrai pas vous raconter comment j'en suis arrivée là. Enfin, là n’est pas le problème. Je n’ai rien à dire sur ce qui m’est arrivé, je suis sûre que personne ne me croira.

J’émerge de la forêt comme un dauphin émergeant de l’eau pour sauter dans l’air avant de plonger dans l’eau. Mon corps traverse les ramilles, se prenant ces petites branches avec violence. Je cligne des yeux, les frotte quelques minutes, tandis que la surprise prend place sur mon visage hâve. Cela fait bien longtemps que je n’ai pas vu une voiture ou encore un autre humain. C’est étrange, je sais.

• Hé, hé vous là !

Je tourne la tête juste à temps pour contempler l’humain s’avancer vers moi, un sourire tendu aux lèvres tandis que son visage est figé dans l’inquiétude.

• Est-ce que vous allez bien ? me demande-t-il, son accent est riche et intrigant.

Je hoche la tête. Je suis incapable de parler ou plutôt je ne sais plus parler. Cela a un nom.. Ah oui, mutisme sélectif. Je ne parle plus. Et je pense que je ne parlerai plus jamais. Il me contemple, son regard descend et remonte, l’humain est étrange. Il ne m’inspire pas du danger comme ceux que j’ai pu rencontrer quelques années en arrière. Pourtant, je me méfie toujours.

• Est-ce que vous vous êtes perdue dans cette forêt ? me demande-t-il, toujours aussi inquiet.

Je secoue la tête. L’humain acquiesce, recule et me salue d’une voix forte et enjouée. Je le fixe à partir de quelques secondes. Puis, je reprends mon chemin. Je ne compte pas retourner à la vie d’autrefois, celle dont parfois je regrette, car elle n’existe plus. Pourquoi retourner à une vie qui ne me correspond plus ?

Au bout d’un certain temps, deux heures selon le soleil, je décide de m’arrêter. Je me suis éloignée de la zone de camping. Je n’ai jamais compris pourquoi les gens partent au camping si c’est pour être dans une zone avec d’autres personnes, aller à la piscine avec d’autres personnes, et au final ne jamais voir les beautés cachées de la nature. Pourquoi ne pas camper en pleine nature ?

Les humains - moi-même je ne comprends pas pourquoi je les appelle ainsi alors que je suis également humain, d’une certaine manière peut-être - me regardent avec dégoût, tristesse, colère et inquiétude. Cela varie.

Je les comprends.

Je suis fagotée comme l’as de pique. Entre la boue sur mes vêtements déchirés et troués, recousues étrangement par endroit, et le fait qu’ils ne correspondent pas ensemble, je les comprends. Quoique, je ne comprends pas la mode, en plus je ne la connais pas. Et enfin, après cinq années, qui sait ce qui a pu changé !

Un octogénaire au site de camping a commenté d’une voix forte et moqueuse que j’étais fichu comme un as de pique. D’abord, je n’ai pas compris puis un sourire est survenu sur mes lèvres en comprenant. Si les autres humains l’ont regardé comme s’il avait une deuxième tête, j’ai simplement souri le déroutant.

Qu’il m’insulte autant qu’il veut, ce n’est pas pire qu’être traquée par un sérial killer.