Soldat de l'hydre
Je me réveille nue et attachée à une table métallique. Un drap blanc couvre la partie basse de mon corps. Le docteur est assis à son bureau, marmonnant des paroles incompréhensibles — des termes complexes dont je ne comprends absolument rien — tandis que ses assistants bougent autour de moi. Ils me font passer un court examen de santé essentiel avant qu’ils ne commencent leurs expériences. Je n’ose guère bouger ; le moindre mouvement peut me valoir une séance sur la chaise électrique ou dans la salle de torture. Docteur Panache se lève de sa chaise et se dirige vers moi, le visage complètement vide d’émotions, puis il m’observe pendant un long moment. Je laisse mes yeux vagabonder. La pièce est ovale, les murs sont blancs, et l’odeur est terrible. Je déteste cet endroit. Malheureusement, mon avis n’est pas prioritaire sur les autres. De toute façon, personne ne prend en compte mes opinions.
Docteur Panache ordonne à ses assistants de déposer son nouveau sérum dans trois aiguilles. Il me saisit le menton et me force à le regarder. Un cruel sourire apparaît sur son visage pendant un instant puis l’homme reprend une expression impassive. Il s’écarte de la table, recule de quelques pas vers l’étagère qui fait face à la porte. Ses collègues se placent tout autour de moi et enfoncent les aiguilles dans mes bras en même temps. Le liquide s’injecte, serpente dans mes veines répandant son poison et au bout d’une minute, la douleur toque à la porte. Insupportable. Pourtant, j’y suis habituée. Aucun cri ne s’échappe de ma bouche, juste un océan de gémissements puisqu’on m’a musolé. La dernière fois, j’ai mordu la main de l’un des apprentis du docteur. Résultat ? On m’a laissé en isolation dans la chambre aux poupées pendant une période indéterminée sans eau ni nourriture.
La porte s’ouvre soudainement. Le commandant de la base entre et referme derrière lui. Il se tient en retrait et observe la scène. La séance dure trois bonnes heures où l’équipe teste mes limites — encore — sous le regard glaçant de mon supérieur. Ils se permettent de m’injecter une vingtaine de fois le sérum dans mes bras comme dans mes jambes, qui est un pur plaisir pour moi-même. Un véritable sadisme cependant pour le Docteur Panache qui aime repousser ma résistance à la douleur.
« Vingt-quatre. Brouette. Fermeture. Programmation. Silence. Désir. Obéissance. Soldat. »
Ces mots résonnent. Je serre les dents, je… Pensées scellées, la souffrance disparaît avec les paroles du commandant. Le supérieur s’adresse aux assistants, le ton froid, le regard dur, puis il se met à parler avec le docteur. Je n’écoute pas le moindre mot, me contentant de laisser les apprentis me délivrer de mes liens. Je m’assois et enveloppe le drap autour de mes épaules puis deux gardes m’escortent. Au moment où je pars, quatre coups de feu retentissent et quatre corps s’effondrent. Le patron sort à son tour, triomphant. Il est extatique.
« On ne peut pas perdre l’un de nos meilleurs soldats… souffle-t-il à lui-même, en prenant son téléphone pour appeler une équipe de nettoyage. »
Les mots se dissipent au moment où je pénètre dans ma chambre qui, même si elle ne dispose d’aucune fenêtre dû au fait que la base se trouve sous terre, est suffisamment grande pour mes besoins. Je pose mes yeux sur le vase soliflore pendant un court instant ; la fleur est en train de mourir. Ses pétales sont tous tombés. Voilà qu’une nouvelle ère débute. Je me vêtis assez rapidement et je m’assois sur mon lit. Je m’allonge quelques secondes plus tard et laisse Morphée m’emporter vers le pays des songes.
Madame courait à travers les rues mal éclairées de la petite ville autrichienne. Parfois, elle s’arrêtait et regardait derrière elle comme si elle savait où je me tenais. J’imaginais son regard effrayé et je le dégustais sans modération. Je bougeais rapidement à pas feutrés en écoutant les quelques commentaires de mon supérieur, je me glissais loin des lampadaires et me rapprochais de plus en plus vers ma cible. Madame pénétra dans un parc public, escaladant le portillon d’entrée. Elle s’enfonça dans le parc sans se douter qu’elle se dirigeait vers un cul de sac. Je fonçais à toute vitesse vers elle, m’amusant au moindre petit cri qu’elle laissait échapper à cause des brindilles qui se brisent. Puis, je surgis derrière elle et enfonçai la lame de ma dague dans son dos une première fois tout en couvrant sa bouche. Et je frappais à nouveau jusqu’à ce que Madame cesse de bouger.
« La souris est décédée, murmurai-je à voix basse, la voix rauque. »
Cette nuit-là, la lune n’arrêtait pas de grandir de façon exponentielle. L’équipe de nettoyage prit le relai et je me dirigea vers la camionnette devant l’entrée du parc.
Cette fois-ci, je ne me suis pas réveillée en dehors de ma chambre ; un véritable soulagement.
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