Et si la lame se brisait ? [2023]
Et si j’étais invisible, je serais un fauché à qui on aurait déjà oublié l’existence. Un pilier en ruine, une momie dans son tombeau, une entité terrifiée. Emprisonnée dans le temps.
Et si je coupais la corde de l’essence, je serais suspendue dans le vide. Un pantin façonné, un pantin enragé, un pantin déjà mort.
Et si les rêves étaient une réalité, je serais si heureuse que le monde ne serait qu’un vieux souvenir, une alternative à peine concevable. Un monde merveilleux, tout aussi teinté par l’horreur de mon imagination.
Et si j’étais en bonne santé, je m’aimerais. Ou peut-être pas car le monde est cruel, car l’homme est un loup pour l’homme, car… Dois-je vraiment me justifier ?
Et si j’étais un animal, je serais un loup. Ou un aigle. Les deux étant synonyme de liberté.
Et si j’étais un homme, je serais moins emmerdé par la société.
Et si je prenais un couteau ?
Et si j’avais un pouvoir, je serais un vilain. Pourquoi être un super héros dans un monde où tout le monde encule tout le monde ? Je serais cet anti-héros que personne ne veut.
Et si j’étais riche, j'achèterais une jolie maison en campagne, une demeure trop grande pour mes besoins mais suffisamment grande pour mon bien-être. Je serais recluse. Je partirais en voyage à travers le globe, évitant les pays problématiques.
Et si je laissais les pensées gagner, je serais déjà un lointain souvenir. Une tombe fleurie dans un cimetière, une présence à peine reconnaissable, un fantôme.
Et si j’étais honnête, alors je serais le cataclysme. Un volcan en éruption continue, une âme à peine aimable, un nuage de colère.
Et si je me noyais, je joindrais alors Davy Jones sur son vaisseau, je ne ferais qu’un avec le domaine de Poséidon.
Et si j’avais un pouvoir, je resterais personne. Quelqu’un qu’on oublie aisément. Une poussière, une feuille morte, un dessin fini.
Et si j’arrêtais là, je serais bien contente d’avoir relâché quelques sentiments.
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