Lettre à un amour [2023]
Ma chère et tendre,
Oh combien j’ai pu te détester, je t’ai toujours aimé — et aussi étrange que cela puisse paraître te hais tout autant. Paradoxal, non ? Tu es le cadre sombre dans un rayon lumineux, celui qu’on reconnaît à sa juste valeur, celui qu’on approche par curiosité, celui qu’on découvre en premier. D’un calme olympien, je reconnais en toi la Tempête de Poséidon, d’une rage si puissante que j’en tremble. Timide, je ne peux que voir ces belles fissures, qui te rendent forte que faible — toucher le fond avant de se relever, n’est-ce pas ? —, et je demande comment on peut ne pas apprécier, ne serait qu’un tout petit peu, cette belle personne que tu es.
Tu noircis les tableaux — c’est ainsi que va la vie, pourquoi détester ce qui façonne le monde ? — et j’aspire à être à tes côtés.
Aimer jusqu’à se détester, est-ce suffisamment familier ? Je souffre et je t’aime malgré ces défauts qui cachent toutes ces qualités que tu possèdes. Je pourrais peindre un portrait gai pour toi, t’offrir le monde, te prendre dans mes bras. Cependant, rien de tel n’arriva, mon cher et tendre. Nos bras ne se touchent jamais, séparés par ce voile qu’on appelle « un vassal ». Je suis au front et tu es l’épouse, laissée au pays s’appropriant à l’effort de guerre pour avoir une identité. Je meurs et tu meurs aussi, nos amours déversent la haine, et celle-ci dévoile ce lien qui nous empoisonne. Si je baisse les armes, tu t’en iras, si je reste, tu survivras.
Peut-être que notre amour s’envolera vers un horizon plus certain, que le monde s’écroulera tandis que nous vivrons pleinement.
Enfin, cher reflet, je meurs. Je ne peux que t’écrire ces derniers mots. J’ai tout essayé mais jamais rien n’a fonctionné.
Ensemble, nous sommes nés. Ensemble, nous avons vécu.
Et ensemble, nous mourrons.
À tantôt,
Ma belle âme.
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