2024 : Défaite cuisante

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Échec et mat.

Les troupes rebelles avançaient dans les contrées de la plaine. Quelques personnes se distinguaient. Des personnages de haut rang qui chevauchaient leurs destriers. Des centaines de gens issus de toutes les provinces du Royaume des Abysses se préparaient encore mentalement à la bataille décisive qui allait changer le cours de leur vie. Ils songeaient à une gloire sans pareille qui resterait à jamais dans les livres d’histoire.

Le cortège se composait de guerriers et non-combattants. Il était prévu pour les Rebelles des Plaines de mettre en place un campement en dehors de la Citadelle de l’Aube, à la lisière de la forêt. Au centre des troupes se trouvait une grande charrette tirée par des chevaux où les Gardiens du Mont Satori étaient assis, les mains encore liées. Une trentaine de personnes qui n’obéissaient qu’à un seul personnage, le Maître Sato. Ce dernier avait passé un marché avec Nathaniel, le chef de l’organisation, pour garantir son libre arbitre dans un nouveau monde.

Aux premières lueurs du crépuscule, le cortège s’arrêta à la lisière de la forêt. L’organisation se décida sans un mot. Un groupe s’occupait de mettre en place le campement tandis qu’un second assurait la sécurité.

— Mesdames et messieurs, notre heure est venue ! déclara Nathaniel, chevauchant son destrier, une main sur le fourreau de son épée. Conquérons ce royaume ! Soyons libres !

Louisiana appela son unité à se réunir derrière son cheval alors que Nathaniel s’élançait au travers de la forêt. Peu à peu, les capitaines partaient à divers rythmes comme il était convenu. Certains se dirigeaient vers les portes de la Citadelle, d’autres vers les entrées réservées aux Divisions Militaires du Royaume des Abysses. Louisiana avait pour rôle de garder le campement. Elle donna une série d’autres à ses soldats, jetant un regard d’incertitude en direction du Maître Sato. Le vieil homme n’était pas une menace, lui avait souvent rappelé Nathaniel afin d’apaiser ses doutes.

La bataille commença au son d’une corne.

Au travers de la radio, Louisiana suivait l’avancée de ses camarades. Sans surprise, l'Armée du Royaume des Abysses était difficile à combattre. Elle arrivait avec aise à diminuer leur effectif malgré leur stratégie, qui se concentrait sur le fait d’abattre les dirigeants du pays, en parsemant ses troupes au travers de la Citadelle de l’Aube. Des archers prenaient place au sommet des bâtisses, des taupes que les rebelles avaient placées quelques semaines plus tôt.

— Nous sommes arrivés au pied du palais ! informa une voix à la radio.

Louisiana ne pût s’empêcher de sourire. Au loin, un nuage de fumée s’élevait d’un amas de flammes ravageant l’un des bâtiments militaires de la cité.

— Monsieur Pentaydron a été vu, dit un homme d’une voix mêlant peur et admiration. Les assa—

Hadrian Pentaydron. Le Commandant des Forces de l’Ombre du royaume. Un homme d’une puissance impressionnante qui n’aurait jamais dû se trouver au sein de la Citadelle de l’Aube. La femme se força à rester calme. Nathaniel progressait avec aisance au travers de la cité. Leur nombre diminuait au fil des combats facilement gagnés par l’ennemi.

— Madame, nous avons un problème.

Interloquée, la capitaine se tourna vers son subordonné.

— Que se passe-t-il ?

Damoclès a péri. Cela a été confirmé par le capitaine Frank.

Elle acquiesça, pâle. Damoclès avait été l’une de leurs cartes pour la victoire. Nathaniel avait passé un marché risqué avec cette organisation. Sans celle-ci, la destruction du gouvernement du Royaume des Abysses allait être compliquée. Elle se saisit de sa radio, passant sur la fréquence de son boss pour lui informer de la perte de leurs alliés. Louisiana descendit de son cheval, s’éloignant de la lisière de la forêt pour discuter avec Nathaniel.

— Merde, jura ce dernier à voix basse alors qu’il se cachait dans une friperie.

— Que fait-on ? demanda le capitaine Bass. Les pantins sont sortis, on dirait.

— On continue. Cela va être plus compliqué que prévu mais on réussira. On va user de notre dernière—

La radio se coupa brusquement.

Louisiana grimaça. Cela ne voulait dire qu’une seule chose : la passerelle de communication de la citadelle avait intercepté leur canal. Comprenant ce que voulait dire son boss avant qu’il fut coupé, la femme retourna au centre du campement où des blessés graves arrivaient en masse. Certains non-combattants commençaient tout juste à prendre les armes. Quelques personnes mouraient avant même que les premiers soins ne leur soient donnés.

La capitaine marcha d’un pas décidé vers la charrette où Maître Sato et ses disciples se situaient, assis, complètement impertuables.

— Sato ! Le marché tient toujours, n’est-ce pas ?

Le vieil homme se tourna lentement vers elle. Quelque chose luisait dans les iris bleu glacé, ce qui ne rassurait pas Louisiana.

— En effet, assura-t-il d’une voix neutre.

La femme passa une main dans ses cheveux bruns tout en le toisant du regard. Les Gardiens du Mont Satori alimentaient depuis de nombreuses années les légendes dans les contrées de la plaine.

— Nathaniel a besoin de ton aide. Souviens-toi du marché.

— Dans ce cas, il serait judicieux pour vous de nous libérer.

D’un signe de tête, Louisiana permit à des soldats de s’approcher de Sato et ses disciples afin de couper leurs liens. La brune observa le groupe descendre de la charrette et se diriger vers l’avant où toutes leurs armes étaient entreposées. Le vieil homme, cependant, n’avait qu’une cane.

La capitaine envoya une partie de ses troupes à la Citadelle de l’Aube afin qu’elle prête main forte aux autres rebelles. Elle espérait que ses camarades allaient bien. Son regard se plongea sur les arbres, grands et menaçants, qui les séparaient des portes de la cité. Soudainement, elle vit une nuée d’oiseaux quitter le confort de la forêt. Ses yeux s’écarquillèrent. Normalement, Polton était censé s’occuper des Chasseurs ! Elle serra les dents, se tournant vers le vieux maître du Mont Satori.

— Êtes-vous prêts ?

Toujours, répondit Maître Sato, un sourire carnassier aux lèvres.

Louisiana ne comprit pas.

En un instant, la trentaine d’hommes et de femmes se volatilisa. Des corps s’effondrèrent autour d’elle sans qu’elle n’eut le temps de réagir. Certains de ses camarades se retrouvèrent désarmés. Louisiana balaya son environnement d’un regard.

— Vous êtes bien naïfs, commenta le vieil homme. Pensez-vous réellement que nous ne savions rien de vous ? De vos avancées ? Vos petits projets d’alliance ?

Elle demeura silencieuse. Quelqu’un apparut dans son dos, la désarma d’un geste et la poussa à genoux en face du vieil homme.

— Notre seule loyauté appartient au Royaume des Abysses.

— Et le marché, alors ?! s’exclama Louisiana, furieuse d’un tel retournement de situation.

Maître Sato ne répondit pas. Il se contenta d’hausser un sourcil comme s’il la défiait de trouver la réponse par elle-même. Personne ne savait ce qu’il s’était passé durant l’entretien du doyen du Mont Satori et Nathaniel. Celui-ci n’avait pas pipé un mot de ce qu’il avait promis. Toutefois, Louisiana savait de source sûre que le jeune homme avait promis la prospérité de son clan. Un marché très risqué puisque Nathaniel était plutôt mal vu, là d’où il venait.

— Je ne comprends pas, avoua la femme.

Le campement appartenait dorénavant à l’ennemi. Les Chasseurs entouraient le camp, assurant sa pleine sécurité tandis que quelques-uns des leurs patrouillaient dans les environs afin d’intercepter des renforts s’il y en avait. Les Gardiens, eux, s’occuper de soumettre les derniers rebelles.

Des larmes se mirent à couler sur les joues de Louisiana. Elle commençait à croire que l’ennemi avait toujours eu un coup d’avance sur eux.

— Échec et mat, lui avait soufflé l’un des hauts placés de Damoclès, moqueur.

Ses yeux s’écarquillèrent d’horreur. Damoclès n’avait jamais eu l’intention de s’allier avec eux. Soudainement, la jeune femme se revoyait petite en train d’écouter les conversations des adultes. Son père avait souvent soutenu que Damoclès, une organisation de mercenaires, était l'œuvre du Royaume des Abysses. Un moyen pour assurer la pleine sécurité des plaines.

Ces mercenaires avaient reçu l’ordre de faire ami-ami avec eux.

Au fil des prochaines heures, la rebelle apprit comment le Royaume des Abysses avait suivi chacun de leurs mouvements, d’une part grâce à leurs taupes et d’autre part grâce au soutien des populations de la plaine. La planification de leur attaque sur la Citadelle de l’Aube avait fuité. Le gouvernement avait propagé de fausses informations afin de les tromper, tout en concentrant la moitié de ses forces au sein de la cité. Le reste avait été placé aux abords des frontières après avoir fermé ces dernières, plongeant les étrangers et les marchands dans l’incertitude.

Le campement fut démantelé. Les prisonniers furent escortés jusqu’au palais où le reste de leurs camarades les attendaient à genoux dans la cour intérieure du château. Louisiana se retrouva à côté de Frank, ce dernier affichait un œil manquant. Il n’osa même pas la regarder. Son cœur se serra. Elle reporta son attention sur l’ennemi.

La famille royale se trouvait devant eux alors qu’elle était censée être en visite dans un pays voisin. Les seize généraux ainsi que divers haut placés de la cour se tenaient à leurs côtés. Pentaydron accueillit Sato avec une poignée de main. Les disciples du vieil homme se placèrent aux côtés des subordonnés du commandant des Forces de l’Ombre.

Louisiana croisa le regard de l’héritière, Andrea de Marchy. Dans les yeux envoûtant de cette dernière, il n’y avait que de la satisfaction. Andrea lui souriait, l’air de dire : « à force de jouer avec le feu, tu as fini par te brûler ».

Échec et mat.

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