2024 : La forêt de la lune

7 minutes de lecture

Héritière du trône

Condamnée, éternelle.

Fils de la lune

Endormi, prisonnier.

Abomination d’ailleurs

Sanglante.

Enfant miracle

Destinée écrite.

Résistance s’oppose au fanatisme

Coquilles humaines.

Qui libéra la Forêt de la Lune ?


*

Le brouillard s’était brusquement levé.

Un frisson parcourut un homme proche de la trentaine. Il ajusta les sangles de son sac à dos sur ses épaules. La vallée s’agrandissait, semblait-il, au fil du temps. Elle portait bien son nom ; des fleurs par milliers esquissaient les chemins façonnés par les différentes espèces. D’un geste rapide, il se saisit de sa gourde pour étancher sa soif. Son regard contemplait le ciel dont le bleu se perdait derrière un amas gris. L’inquiétude commençait à faire son chemin sur les traits tirés de son visage.

Il longeait la route espérant trouver un point d’eau. Sa gourde, de plus en plus vide, semblait ne jamais pouvoir étancher l’étrange soif extrême qui le saisissait. L’homme se questionnait sur ses récents choix. Il regrettait de n’avoir pas de carte avec lui.

Si sa mère avait su qu’il s’aventurait dans l’inconnu sans avoir au préalable étudié les environs, elle lui aurait botté les fesses. Une grimace apparut sur son visage. Comment le pourrait-elle quand leur dernier contact remontait à cinq ans ? Il ne lui avait jamais pardonné de lui avoir caché son héritage et son adoption. Quand il y pensait, cela faisait cinq années qu’il parcourait les terres étrangères à la recherche de beauté et de sensation.

Cette randonnée, néanmoins, démarrait mal.

Thomas n’aurait jamais dû pénétrer au sein de la Vallée des Fleurs ; tout le monde lui avait déconseillé de s’y rendre. Personne n’avait su, néanmoins, lui donner de réel arguments. L’homme se pinça le nez. Au lieu de boire jusqu’à dégueuler, il aurait dû préparer son voyage. Les amis avec qui le randonneur voyageait ces derniers temps étaient censés être au chalet de Madame Montagne.

Ses cheveux châtains à la fois longs et bouclés dégoulinait de sueur. L’homme s’arrêta pendant quelques minutes pour soulager son dos. Il vida accidentellement le reste de son eau sur lui.

— Quel con, grommela-t-il.

Il passa une main sur la balafre qui faisait que la plupart des gens ne le trouvait pas attractif. Il se gratta le nez d’un air nerveux. La nuit approchait et avec elle, une jolie tempête. Il ne songeait qu’à un bon petit repas au coin du feu et d’une bonne nuit de sommeil. Pourtant, un sentiment bizarre le troublait. Comme si quelque chose allait venir. Thomas se demandait s’il ne devenait pas fou puisque ce n’était pas la première fois que cela arrivait.

L’homme tentait de se concentrer sur sa marche. Un mal de crâne se nichait en lui, le forçait à prendre des pauses toutes les cinq minutes. De la nausée le saisissait. Cependant, il refusa d’abandonner. J’ai un mental d’acier, se répétait-il dans sa tête. Au loin, il apercevait la silhouette immense d’une forêt au bout de cette vallée fleurie. Il augmenta son rythme de marche, jetant des coups d'œil anxieux à la couverture de nuages qui se dessinait. Les maux persistaient et semblaient tout faire pour l’empêcher de continuer. Thomas avait la drôle sensation que quelque chose l’observait.

— Je dois être fou… marmonna-t-il à lui-même.

Son sac à dos pesait sur ses épaules douloureuses.

— Note à moi-même, prendre un foutu doliprane avant de me coucher.

Finalement, le soulagement le saisit quand il arriva à la lisière de la forêt. Son regard tomba sur la rivière qui le sépara de la suite de sa randonnée. Il avisa le ciel une nouvelle fois, décidant de s’arrêter pour la nuit. D’immenses arbres le toisaient du regard. Leur feuillage tantôt rouge écarlate tantôt vert sapin se mélangeait avec aise aux sculptures anciennes. Il longea la rivière jusqu’à un pont suspendu entre deux piliers de part et d'autre du cours d’eau.

Il posa ses affaires à l’entrée même de la forêt, osant à peine s’aventurer plus loin. Il planta sa tente sans difficulté et fit naître quelques gerbes de flammes afin que le feu jaillisse. Il ouvrit la poche principale de son sac à dos, dévoilant une multitude de nourriture et de boissons. Un frisson le saisit une nouvelle fois ; les températures chutaient. Thomas entreprit de raconter les dernières tranches de son voyage dans son carnet, veillant sur la cuisson de la viande qu’un producteur lui avait fourni deux jours auparavant. Il se nourrit ensuite sans exagérer sur la quantité.

Avant de se coucher, l’homme se déshabilla. Armé d’une lanterne flamboyante, il se dirigea nu comme ver jusqu’à la rivière pour s’y baigner.

Si tout lui paraissait tranquille, quelque chose lui disait d’être sur ses gardes ; un pressentiment étrange qui le tiraillait à l’intérieur. Toutefois, Thomas n’en laissa rien paraître, préférant se prélasser quelques minutes dans l’eau froide de la rivière.

Un cri retentit. Thomas se hâta hors de l’eau, saisissant au passage sa lanterne pour revenir le plus rapidement à son campement. Cependant, une racine le fit trébucher. Il mit ses bras devant lui pour se protéger avant sa chute. Il se releva et s’élança une nouvelle fois à son camp où il enfila un vieux tee-shirt et un boxer. Le randonneur attrapa son sac à dos pour le poser à l’intérieur de sa tente. Il pénétra au sein de cette dernière et ferma l’accès, le cœur battant. Il s’allongea sur son duvet en écoutant le moindre bruit autour de lui. Il se calma peu à peu jusqu’à s’endormir.

La nuit fut terriblement longue. Il se réveilla plusieurs fois, dévoré par les démangeaisons et les bruits environnants, et tiraillé par un sentiment de terreur et d’incompréhension.

Aux aurores, le lendemain, le randonneur reprenait sa route. Il ne prit pas la peine de manger pensant s’arrêter après trois kilomètres. Avant de partir, il remplit sa gourde d’eau. Il s’enfonça dans la forêt immense. L’homme s’arrêta brièvement pour sortir son appareil photo. Il souhaitait prendre le plus de photos possible afin de les développer plus tard. Un sentier se dessinait, s’enroulait autour d’une masse d’arbre et montait le long d’une colline. Thomas fit une pause pour dévorer un sandwich.

Les heures défilaient. Thomas regrettait d’être entré dans la forêt. Malgré ses pauses où entre quelques bouchés, il observait son environnement, il ne faisait que de se perdre. Il songeait à grimper au sommet d’un arbre pour prendre de la hauteur. Ses pensées se tournaient vers sa bande d’amis. L’avait-elle attendu ? S’inquiétait-elle de son absence ? Thomas était sûr que ce n’était pas le cas. Les autres avaient l’habitude qu’il disparaisse lors de ses sessions de randonnée. Ce n’était pas la première fois qu’il se perdait.

Plus il avançait, plus la lumière diminuait. Thomas se retrouva dans un coin bizarre du bois ; des poupées d’enfant gisaient aux pieds des sculptures, des cordes usées pendaient à des branches, des os d’animaux jonchaient le sol de la forêt. Il se fraya un chemin tant bien que mal, évitant les pièges qu’il apercevait, se demandant bien qui pouvait vivre en ces lieux. L’homme déboula au bout d’une trentaine de minutes devant une petite cabane suspendue à deux arbres. Son cœur s’arrêta un temps ; quelqu’un s’y trouvait.

La personne était assise au bord du vide, le fixant du regard. Il n’osa pas prendre la parole. Les vêtements de l'inconnue interpellaient. Ce n’était plus que des haillons sales et troués. La femme se leva abruptement, s’élança dans le vide avant même qu’il n’eut le temps de réagir et disparut. Il ne vit aucun corps. Thomas se frotta les yeux. Avait-il imaginé toute la scène ?

Il reprit sa route en croisant quelques cabanes similaires. Il nota la présence de crânes d’animaux plantés dans des piquets en bois. Des vêtements étaient suspendus à des branches. Mentalement, Thomas se demandait si cela n’était pas une mise en scène. Le randonneur continua sa traversée de la forêt s’étonnant des espèces florales qu’il passait. Derrick, s’il aurait été là, aurait déjà pris une centaine de photos.

Plus il marchait, plus la forêt s’agrandissait. Thomas fatiguait mais se forçait tout de même à avancer, espérant rattraper ses amis. Soutain, quelque chose jaillit dans son champ de vision. Une monstruosité de grande taille, maigre et moche comme un pou, dont des ailes lui permettaient de gagner rapidement en distance. Elle se mit à hurler, le saisissant avec ses griffes acérées par le cou avant même qu’il n’ait le temps de s’enfuir. Une substance étrangère glissa au travers de ces dernières, le neutralisant. Il ne pouvait plus bouger. Des appendices, par dizaine et longs de deux mètres, s’enroulèrent autour de ses jambes et de ses bras.

— Lâche-moi, sale merde !

La bête s’agitait. Elle se mit à le secouer comme un cocotier. La nausée l’envahit. Thomas avait envie de dégueuler sur la créature. Sa vision se brouilla. Les appendices de la bestiole glissaient le long de sa peau jusqu’à trouver une veine dans laquelle ils injectèrent une substance inconnue. Quelqu’un se mit à crier. L’homme mit quelques minutes à réaliser que c’était lui qui hurlait. J’ai un mental d’acier, pensa-t-il désespérément, tentant sans succès de se libérer des bras de la créature. Ses yeux pers devinrent un blanc mat. Du sang se mit à couler de ses orbites en réaction au poison. Les paupières de Thomas se fermèrent lentement.

L’’homme entendit un distinct coup de feu retentir. Son corps se fracassa sur le sol de la forêt. La dernière chose qu’il vit étaient les deux paires de jambes se précipitant dans sa direction.

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