Une question de lumière
1
Au fur et à mesure que l’orbe ensoleillée se dessinait, l’ombre de grandes bâtisses collées les unes aux autres s’élevait. Des papiers virevoltaient, sillonnaient les rues désertes et s’empilaient à l’entrée de certains bâtiments. Des tissus troués pendaient à des balcons et des fenêtres. La ville était encerclée par de nombreux véhicules, des hélicoptères survolaient la ville avec des caméras embarqués alors que des équipes armées s’apprêtaient à entrer aux abords des points de contrôle.
Les murs étaient éclaboussés de sang, ce dernier coulait le long des rues où des cadavres démembrés jonchaient le sol. Quelques corps pendaient à des cordes accrochées aux balcons. Au nord de la ville, des flammes rougeâtres finissaient de lécher une vieille bâtisse semi détruite. Une fumée noire se levait et se mêlait à l’odeur nauséabonde de la mort. À certains coins, on retrouvait des oiseaux qui se nourrissaient de chair humaine.
Au sommet du bâtiment le plus haut il y avait un homme debout sur le rebord en train d’observer la ville morte. Il était vêtu d’un pantalon cargo noir, d’une paire de bottines gris foncé et d’un gilet par balle par dessus un tee-shirt. Un fusil reposait sur son épaule. Une mine sombre illustrait son visage balafré.
— On va vous trouver, bande d’enfoirés !
2
Au fur et à mesure que la lune se dessinait, l’ombre de grandes bâtisses collées les unes aux autres s’élevait. Des papiers virevoltaient, sillonnaient les rues désertes et s’empilaient à l’entrée de certains bâtiments. Des tissus troués pendaient à des balcons et des fenêtres. La ville était encerclée par de nombreux véhicules, des hélicoptères survolaient la ville avec des caméras embarqués alors que des équipes armées s’apprêtaient à entrer aux abords des points de contrôle.
Les murs étaient éclaboussés de peinture, et ce dernier coulait le long des rues où des corps endormis jonchaient le sol — ayant fêté bien trop tôt. Quelques personnes s’amusaient à se pendre au bout d’une corde et se balançaient d’un balcon à un autre. Des enfants aux vêtements teintés riaient à gorge déployée, jouaient ensemble et couraient, bousculant parfois des anciens qui déambulaient dans les quartiers les plus anciens. Au nord de la ville, des flammes rougeâtres finissaient de lécher une vieille bâtisse semi détruite, et des jets d’eau s’abattaient en continue sur ces dernières. Une fumée noire se levait et se mêlait à l’odeur alléchante de la nourriture grillée. À certains coins, on retrouvait des oiseaux qui demandaient de quoi se nourrir aux humains. Sur la place centrale, où la cathédrale venait tout juste d’être renouvelée par un effort collectif de maintenir les monuments historiques en bonne santé, un carnaval y était installé.
Les adultes s’oubliaient, se bectaient et demeuraient des cibles de choix pour les jeunes qui se balançaient de la peinture à la tête. Des pétales s’éparpillaient, certaines flottaient dans la fontaine où des gens aux sourires immenses s’abreuvaient comme des assoiffés. Des milliers de ballons s’envolaient, lâchés par une horde de gamins.
La ville était sujette à de nombreux débats à la télévision. Certains journalistes parlaient d’une drogue inconnue qui aurait rendu les habitants de Rirons-o-larmes fous. D’autres racontaient que ce n’était qu’un événement organisé par la mairie. Le gouvernement s’inquiétait et contemplait les choix possibles. Si Rirons-o-larmes avait été soumis à une quarantaine, des téléspectateurs estimaient que cette explosion de joie ne faisait de mal à personne.
Quelques citoyens défilaient. Tous déguisés, comme de grands enfants, ils dévoraient toutes sortes de sucreries. Un brouhaha résonnait. Les familles se retrouvaient, oubliant travail et responsabilité, s’adonnant au bonheur.
Le maire d’un village voisin parlait d’un événement récurrent qui n’avait jamais pris autant d’ampleur. Selon lui, il n’y aurait aucune substance ingérée dans la nourriture vendue ou aucun médicament à l’origine de cette fête impromptue. Il demandait, cependant, que personne n’entre dans la ville par simple mesure de précaution.
Ce bonheur excessif était, après tout, très contagieux.
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