7. Dimanche
Très tôt ce matin, ma femme est partie voir sa sœur en métro. J’aime ces dimanches en solitaire ; je crois que chacun a besoin d’espace de temps en temps. Et cet espace, je l’accueille à bras ouverts ; dans le lit conjugal, j’imite l’étoile de mer.
Après avoir ramolli longtemps dans un bain moussant et brûlant, je traîne mon peignoir dans toute la maison. La cuisine, d’abord, pour boire un café et engloutir quelques tartines lourdement garnies d’une confiture de figues. Dans le salon ensuite, afin de m’enfoncer dans mon fauteuil bleu et feuilleter Le Monde Week-End, en commençant par la fin. Je le compulse sans vraiment le lire. J’aime la rumeur des pages qui se tournent, l’odeur de l’encre et du papier.
Vers midi je me prépare à manger. Souvent, ce sont des pâtes — penne ou fusilli —, qui tourbillonnent dans l’eau frémissante en circonvolutions désordonnées. Une fois dans mon assiette, je les recouvre d’un gruyère râpé qui se met à fondre lentement.
En temps normal, rien ne peut venir troubler mon petit rituel, mais aujourd’hui, alors que je mastique longuement — suivant les préconisations de Horace Fletcher, les évènements de la semaine virevoltent dans ma tête. Le monologue du misérable publicitaire, la vision du petit-moi encore inconscient de ses afflictions futures, la fermeture mystérieuse du jardin public.
Je sais bien que mon désarroi est futile ; il est des maux bien plus graves, que bien des gens doivent surmonter chaque jour. Mais je crois que la plupart du temps, chacun regarde le gouffre insondable au-dessus duquel il vacille, sans vraiment se préoccuper des affaires des autres. C’est comme ça, c’est tout.
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