16. Dimanche
J’ai acheté tout un tas de journaux, de droite et de gauche, rigoristes et caustiques, pour certains franchement honteux, afin de connaître l’avis des paroisses, d’entendre tous les sons de cloche. Tous clament, abusant des gros titres et à grands coups d’exclusivités, détenir la vérité sur le phénomène. La vraie vérité, c’est que personne ne sait rien. Ça tartine au kilomètre — on dirait moi quand je remplis mes colonnes de Lorem ipsum en attendant la rédaction des textes — pour occuper le terrain. Ça suppute sur des bases fragiles, des témoignages, des sondages. Aucune étude n’est en cours ; le conseil scientifique reste très discret. Ne subsistent que des joutes entre lanceurs d’alerte et complotistes, esprits critiques et théoriciens de tous bords, soutenus par une presse en mal de lecteurs. Un bien triste bilan de l’efficacité des médias d’aujourd’hui, si vous voulez mon avis.
À titre informatif donc, je fais chou blanc. Je préfère encore m’en tenir à l’étrange raisonnement d’Everest ; comme le dit ma femme, sa version des faits n’est pas plus stupide qu’une autre, et explique en partie ma propre expérience. D’après lui, le clochard publicitaire serait une projection probable et relative de mon avenir, tout comme le gamin serait une rémanence approximative et parcellaire de mon passé.
On ne peut pas dire que je sois — d’ordinaire — réceptif à ce genre d’histoires, mais je dois bien admettre avoir été touché par ces deux rencontres, et le vocabulaire élaboré du géant laisse envisager qu’il connaisse son sujet. Et si tout cela était vrai… après tout, pourquoi pas ?
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