18. Mardi
Je ne sais pas mentir. Je pourrais dire à ma femme : « je vais dîner avec des collègues, promis, je ne rentrerai pas tard ». Mais au moment d’annoncer mes intentions, je lui dis : « je vais pénétrer par effraction dans le jardin avec mon nouvel ami Everest ».
Elle me regarde avec ce mélange d’amusement et d’inquiétude qu’elle réserve à mes « excès d’originalité ».
— Toi, quand t’as une idée derrière la tête ! répond-elle dans un soupir, avant de lever les mains en signe d’impuissance. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Tu n’as pas mon approbation, évidemment, mais tu es un grand garçon. Enfin, je crois (elle arbore ce sourire moqueur que j’aime tant). J’espère que ton ami sait ce qu’il fait, qu’il ne va pas t’embarquer dans une histoire qui se terminera au poste de Police. Je ne vais pas te faire la leçon, mais…
Elle me fait la leçon tandis que la tête dans le placard, je choisis mes vêtements les plus sombres. Dans une heure, à la faveur de la nuit, j’ai rendez-vous devant la porte bleue.
Hier, Everest m’a fait visiter la cabane réservée aux jardiniers. Il n’a pas lésiné sur les détails, passant en revue les outils et les sacs de graines avec un enthousiasme flagrant ; j’aimerais pouvoir déborder d’excitation en dévoilant mon bureau, mon clavier et mon écran. Nous avons élaboré notre escapade du lendemain en déjeunant, assis sur de grands pots en grès, avant que je ne retourne travailler.
— Ça te va bien le noir, mon chéri, tu ressembles à un chanteur de rock gothique !
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