Sifen se réveilla en sursaut. Il lui fallut quelques instants avant de réaliser où il était. Quand il vit le grimoire, toujours posé sur le sol pavé, tout lui revint. Une voix devenue familière résonna dans la longue pièce.

— Tu te réveilles enfin.

— J'ai dormi longtemps?

— Une journée. Comment te sens tu?

Sinfen balbutia.

— Je ne sais pas trop. Je sens que je suis différent sans savoir en quoi. 

Le nouveau mage des ombres se leva. Ses muscles était douloureux. Il fit quelques pas et sentit une onde parcourir son corps. Il rit.

— C'est une sensation incroyable! Je sens le pouvoir couler dans mon corps, il glisse dans mes veines.

— Je t'envie Sinfen. C'est une sensation que je n'ai pas connu depuis de nombreuses décennies.

Que va t-il se passer maintenant? Va tu m'aider à contrôler mes pouvoirs?

- Tu as tout en toi pour t'aider. La magie de l'ombre n'est pas une magie qui s'apprend. Elle se vit. Elle est en toi. Tu vas la découvrir au fur et à mesure, quand elle va se révéler. 

— Donc tu ne peux rien m'enseigner?!

— Je ne fais que montrer le chemin pour le reste tu dois te débrouiller seul. Ton esprit est la clé. La magie noire est à ton service. A toi de l'apprivoiser et tes possibilités sont infinies.

Sinfen s'agaça.

— A quoi sers tu alors?

— Que veux tu dire? Je t'ai guidé jusqu'à la source.

— Mais après? Au final tu n'es qu'un simple livre.

Le grimoire le rabroua.

— A qui crois tu t'adresser Sinfen?!

— Je viens de te le dire.

Le grimoire l'invectiva.

— Je suis un Dieu. Tu n'es rien comparé à moi.

Sinfen eut un rictus moqueur.

— Le fameux ego des Dieux. Il est tellement dur d'admettre que vous n'êtes plus que des bribes de souvenirs de temps anciens. Vous n'avez de pouvoir que ceux que vous donne certains désespérés. Tu n'es qu'un amas de feuilles de papier, prisonnier de ton arrogance.

Le grimoire rugit de colère.

— Je pourrais te détruire avec un mot!!!

— Alors prononce ce mot!

Le grimoire resta coi.

— Allez Ancien Dieu prononce ce mot qui doit me détruire!

Sa question se perdit dans un silence gênant.

Sinfen souffla.

— Tu n'as aucun pouvoir. Tes mots s'évanouissent et ne sont que poussières. Tu es à ma merci. Je peux faire ce que je veux de toi.

La voix du grimoire balbutia, trahissant un soudain désarroi.

— Je peux t'aider à te servir de tes pouvoirs!

— Je croyais que tu ne pouvais pas m'aider.

— J'ai menti! Demande moi ce que tu veux!

— Moi aussi je t'ai menti, grimoire. Je hais les Orombres.

— Je ne comprends pas. Tu viens de risquer ta vie pour devenir quelque chose que tu détestes.

— Pour arriver à ses fins il faut parfois devenir ce que l'on hait. 

— Mais qui es tu en réalité?

— Je ne suis qu'un frère qui recherche son frère.

— Je ne comprends toujours pas.

— Mon frère était un enfant généreux et intelligent puis il est devenu un Orombre et il a disparu. Depuis je suis à sa recherche.

—Et donc le seul moyen que tu as trouvé, c'est de devenir comme lui.

Sinfen acquiesca de la tête.

—Tu veux la sortir des griffes des ombres?

— Je veux comprendre mais je ne répondrais plus à tes questions. Je t'en ai déjà trop dit. Prépare toi à disparaitre.

— Attend je peux t'aider à retrouver ton frère.

— Tu es l'instrument d'un mal qui dure depuis bien trop longtemps. J'aimerais te dire que je suis désolé mais ce n'est pas le cas.

— Tu te trompes.

Sinfen secoua la tête.

— Non je vais condamner cet endroit et tu vas retourner dans le néant.

— Ne fais pas ça. Dois je te supplier?

— Un Dieu qui supplie. Pathétique.

— Je ne veux pas disparaitre. Pas comme ça.

— Crois tu mériter une quelconque clémence?

— Je suis un Dieu!!!! C'est moi qui fait preuve de clémence! Il y a des millénaires, je brillais de mille feux, j'embrasais d'un regard ceux qui osaient porter les yeux sur moi!

— Alors remercie moi car je vais te rendre pendant quelques instants ta splendeur d'antan. Tu vas luire une dernière fois.

Sinfen s'empara d'un candélabre et l'approcha du grimoire.

— Non ne fais pas ça! Pitié!

Le livre des ombres se para soudain de lumière et les flammes léchèrent avec délectation la couverture puis les pages.

— Adieu Dieu!

Les cris du grimoire, entre douleur et peur, retentirent dans la pièce.

— Sois maudit Sinfen!!!

— Je le suis déjà, Grimoire, depuis si longtemps et pour encore longtemps.

Le feu dévora le livre. Il ne resta qu'un tas de cendres incandescentes et quand elles cessèrent de respirer, Sinfen souffla. Les poussières noires du Dieu livre s'envolèrent et se mêlèrent aux salissures ancestrales du temps qui recouvraient les pavés de pierre.