10. Proposition

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Depuis l'aube, les rues et ruelles de Stannarg étaient plongées dans les cheveux ondulants d'une épaisse brume. Ils se mouvaient lentement tels des serpents à l’affût d'une proie. Des chuchotements sifflèrent doucement dans une petite venelle. 

Deux hommes discutaient. L'un était grand et sa peau était cuivrée comme le café ambré du Port des Filaments, l'autre était petit et sa peau était blafarde comme le lait d'une vache des Terres Sauvages. Le géant frissonnait. 

— Ce sont des spectres. C'est certain. 

Le petit blafard pouffa de rire. 

— Arrête avec tes fantômes! C'est ridicule. 

— Ce matin encore, deux hommes ont été retrouvés lacérés à l'est de la ville. 

— Des fantômes avec des dagues? Bon allez je me rentre! Mes esclaves ont du me préparer un bon repas. Bonne nuit. 

— Fais attention à toi mon ami. 

Le petit homme sourit, lui fit un clin d’œil et disparut dans une ruelle plus étroite que les autres. Le bruit de ses pas résonnait dans l'artère. Le vent s'engouffrait entre les habitations et s'amusait à soulever les feuilles mortes. L'ambiance sinistre et la discussion avec son ami avait rendu le blafard finalement très anxieux. Il se retournait régulièrement afin de se rassurer. Il sifflota fébrilement pour rompre le rideau de silence qui l'oppressait. 

Des spectres à Stannarg! Ridicule. 

Un léger cliquetis lui glaça le sang, il se retourna en un instant mais l'attaque ne vint pas dans son dos, elle tomba du ciel. Il chuta lourdement sur les pavés glacés. Son front percuta le sol, il gémit de douleur. Aussitôt, une main attrapa ses cheveux et tira sa tête en arrière. Il n'eut pas le temps de prononcer un seul mot. La peur lui coupa le souffle avant que sa jugulaire ne s'ouvre et n'étouffe, dans un gargouillis désespéré, un cri de douleur et de terreur. Son sang se répandit sur la chaussée et forma une flaque pourpre. La silhouette, tombée du ciel, s'approcha de l'oreille de sa victime. 

— Crève charogne. 

Deux autres formes surgirent des ombres. 

— Un de moins. 

— Tyssy tu es redoutable. 

La jeune femme se releva et lâcha la tête sans vie qui percuta le sol avec un bruit sourd. 

— Ces saletés de bourgeois à esclaves me répugnent. 

Yulni sourit et leva une main. 

— Quatre pour cette semaine. 

— Olser, prend la bourse du pécore et coupe ses autres bourses. 

La jeune femme sortit une lame affûtée de sa ceinture. 

— Je les lui poserais sur le front. 

Yulni se gratta les cheveux avec un rictus de satisfaction. 

— Va falloir qu'on ralentisse. Il ne va plus rester un seul bourgeois à Stannarg. 

Tyssy et ses amies n'avaient aucun scrupule à tuer ces ordures. Depuis leur évasion, elles tuaient tous les hommes et femmes qui possédaient des esclaves. Un juste retour des choses. Un semblant de justice qui de surcroît leur rapportait de l'argent, beaucoup d'argent. 

— Bonsoir gentes dames. 

Une voix mielleuse s'était élevée derrière elles. Les trois femmes dégainèrent leurs armes en même temps. 

— Du calme, du calme mes demoiselles. 

— Nous ne sommes les demoiselles de personne, rugit Tyssy. 

L'homme était vêtu d'une tunique noire, de bottes sombres. Son regard était aussi malfaisant que sa voix était doucereuse. 

— Je le sais, je le sais. 

Olser s'avança d'un pas, prête à bondir sur lui. 

— Que veux tu étranger? 

— J'ai une offre à vous faire. 

Les trois femmes se regardèrente et Olser l'invectiva. 

— Crache le morceau face de cul! 

L'étranger ricana. 

— Vos exploits font sensation par ici. On parle de vous comme de spectres assoiffés de sang. Les gens que vous avez occis. Il s'arrêta comme bien choisir ces mots. Disons que ces bourgeois étaient gênants pour mon maître. 

Olser serra ses mains sur le cuir des manches de ses dagues. 

— Ton maître? Qui est il? 

— Connaissez vous le seigneur Alzebal? 

— Alzebal! s'écria Yolni 

— Un peu qu'on le connait c'est une légende, renchérit Olser. 

— Il est beaucoup plus qu'une légende et il vous veut. 

Tyssy fronça les sourcils. 

— Il nous veut?! Dans quel sens il nous veut. 

— Dans le sens, il aimerait avoir à ses côtés des femmes avec vos aptitudes. 

Yulni joignit ses mains et les porta devant sa bouche. 

— Alzebal nous offre un emploi?! Oui! Oui! Oui! 

Tyssy prit le bras de son amie. 

— Nous allons y réfléchir. 

— Vous aurez toute la liberté qu'il vous faut pour agir. Alzebal ne vous demandera pas d'argent. Tout ce que vous trouvez vous le gardez. La seule concession, ce sont les Terres Brûlées. Il faut venir à Cyryul. La grande cité blanche. 

Yulni et Olser jubilaient. 

Tyssy les calma d'un regard. 

— Comme je l'ai déjà dit, ça mérite réflexion. 

— Je comprends. Vous avez une journée, ensuite l'offre sera retirée. Je serais à la taverne du Corbeau Persifleur. 

Tyssy scruta l'étranger. Cet homme avait quelque chose d'étrange. Il lui sembla le voir disparaître par instant dans l'ombre. 

— Mon nom est Duwhal Yrus. 

Il sourit et s'évanouit dans les brumes. 

— Tu te rends compte Tyss! Alzebal! 

Tyssy fit une moue circonspecte. 

— Je n'aime pas ce type. C'est peut-être un piège. 

Yulni s'exalta. 

— On s'en fout. J'ai toujours rêvé de voir les Terres du Sud. J'en ai marre de me cailler les michetons ici! 

Olser prit la parole. 

— Ce n'est pas un mâle comme les autres! C'est Alzebal! Ce type fait la pluie et beau temps partout sur Milsden! A nous la gloire et la renommée! 

Tyssy secoua la tête. 

— Je ne veux plus être à la botte d'un mâle dominant. 

Yolni voulait convaincre son amie. 

— Tys on va pas rester éternellement ici! C'est notre chance de quitter cet endroit et d'oublier Esdino et notre passé! 

— Oubliez si vous en avez envie mais ce n'est pas en fuyant cet endroit que j'oublierai quoique soit. 

— Allez Tyssy! Tu nous a toujours guidé. On ne partira pas sans toi! 

Tyssy se sentait tiraillée entre ses peurs et sa volonté farouche de devenir une personne importante qui n'ait plus à se mettre à genoux devant quiconque. Alzebal était le maître des mercenaires et un jour il serait le maître de Milsden. L'aubaine était trop incroyable pour ne pas tenter sa chance et trop providentielle pour être le fruit du hasard. 

Tyssy se redressa et regarda ses deux amies qui attendait une réponse. 

— Très bien ma décision est prise. 

Yulni et Olser étaient agrippées à ses lèvres. 

— Cyryul nous voilà! 

Elles hurlèrent leur joie dans les rues vides et embrumées de Cyryul. Les trois jeunes femmes se serrèrent dans les bras en riant. Dans l'ombre, Duwhal les observait avec un rictus satisfait.

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