30. Salgione

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— C'est ainsi que cela se passera une fois que tu auras franchi le portail de Trieste.

La voix, sans émotion, n'était pas totalement désagréable. La femme nue relâcha son emprise sur le dos du Loup. Elle y était agrippée comme une sangsue. Il respira enfin normalement. Il avait tout ressenti comme si c'était réel. La douleur, l'impuissance, la colère, la mort. Il avait vu sa tête rouler comme une pierre dans le sable.Il observa l'endroit exigu mais chaleureux. Un feu central rayonnait apportant du soleil dans la pénombre de ce qui se révélait être une caverne. Des peaux de bêtes étaient posées sur le sol. Etrangement aucune inquiétude ne le troublait. Lui aussi était nu mais il n'éprouvait aucune gêne. Comment était il arrivé ici? Son dernier souvenir était cette grotte dans laquelle il avait voulu faire une halte à cause de la neige trop dense pour avancer.

La voix devenue plus suave s'adressa à lui. La femme était toujours dans son dos, invisible et il ne pouvait toujours pas se mouvoir, ses muscles refusaient de lui obéir.

— Je suis une sorcière Loup ou qui que tu sois ou qui que tu crois être. Je sais ce que tu penses. Les sorcières sont mauvaises, c'est ce que l'on t'a appris depuis ton enfance, et bien je ne dirais pas que nous sommes mauvaises. Ni bonnes ni maléfiques, nous sommes juste différentes. Et cette différence nous tue. Nous ne sommes...

La voix de la sorcière se brisa à ses derniers mots mais elle se ressaisit rapidement et reprit. 

— Nous ne sommes plus très nombreuses. Nous nous cachons comme des animaux dans des terriers. A l’affût de l'odeur. L'odeur de la mort. Toi mon tout beau tu es à cheval sur la ligne. Pas tout à fait mort mais pas tout à fait en vie non plus. Tu as cette odeur que nous aimons, qui nous fait frissonner. Cette odeur, source de nos pouvoirs. N'aies pas peur car je ne te ferai pas de mal. Tu es précieux pour moi parce que tu es rare. Je ne veux qu'une chose de toi et je t'aiderai à réaliser ta vengeance.

Loup sentit l'emprise de la sorcière se relâcher totalement. Il fut libre de ses mouvements.

- Je te libère. Ne tente rien. Tu n'es de toute façon pas armé pour me tuer et je peux te tuer d'un souffle. Peut-être est ce que tu veux d'ailleurs? Veux tu mourir Loup?

Il prit une inspiration. 

- J'ai encore des choses à accomplir, je ne veux pas mourir mais ça ne me fait pas peur. 

Il sentit le souffle chaud de la sorcière sur sa nuque.

— Veux tu savoir si tu réussiras ta vengeance?

— Non.

Il se retourna vers la sorcière qui se mit à rire.

— Tu me plais mon beau. Tu es une belle prise. 

 Loup la dévisagea. Ni belle ni laide, elle possédait malgré tout quelque chose d'attirant. Un charme effrayant et excitant à la fois. Sa nudité provocante le troublait. Ses longs cheveux ébouriffés lui donnait un aspect sauvage. La sorcière frottait ses jambes l'une contre l'autre en le regardant dans les yeux.

Il voulait la caresser, la toucher.

Il la désirait.

Il résista.

— Que me veux tu sorcière?

— Mon nom est Salgione, pas sorcière.

— Que me veux tu Salgione?

— Je veux ta semence.

Loup se mit à rire de surprise.

— Es tu folle sorcière?!

— Non je ne le suis pas. Je me sens seule depuis trop longtemps. Je veux un enfant que je puisse aimer et qui m'aimera en retour.

— Tu n'auras rien de moi sorcière.

— Tu me donneras ce que je veux mon beau. 

Elle sourit et leva les bras comme caresser Loup qui instinctivement recula.

— Tu as l'air bien sûr de toi! 

— Oui en effet car je vais te faire voir une chose que tu veux plus que tout au monde et tu ne pourras rien me refuser.

— Regarde derrière toi. Celle que tu aimes est là.

Loup sentit une main sur son épaule qui remonta vers son cou. Dwenn le caressait ainsi quand il était tendu mais c'était impossible. Crainte et espoir mêlés, il se tourna lentement. Elle était là. Vivante, belle, elle était assise en tailleur. La douceur de son regard caressa son âme abîmée.

— Tu m'as tellement manqué lui dit-elle

Il s'était tellement contenu depuis la mort de Dwenn et de Tily qu'il s'effondra et pleura.

— C'est impossible.

— Non c'est juste difficile à croire mais je suis là, pas pour longtemps mais nous avons quelques minutes devant nous.

Tout respirait Dwenn, c'était son parfum, ses yeux, ses cheveux roux, son souffle, sa peau, ses cicatrices.

Loup, les larmes aux yeux, baissa la tête. La main de sa femme caressa ses cheveux tendrement.

— Je suis tellement désolé, tout est ma faute Dwenn. 

— Non tu as fais ce que tu as pu. Les responsables tu les connais.

— Je suis si fatigué. 

— Je le sais mais tu iras au bout, je te connais. Mets les hors d'état de nuire. Nous avons confiance en toi.

Dwenn décroisa les jambes et se rapprocha de Loup, ils s'embrassèrent.

Que ses lèvres étaient douces. Le contact de sa peau le fit frissonner. C'était si réel. 

Leurs corps s’entremêlèrent.

Caresses.

Gémissements.

Sueur.  

Les hanches de Dwenn ondulaient au rythme de celles de Loup. Le temps s'était arrêté quelques instants pour les deux amants.

Leurs corps furent rapidement agités de soubresauts de jouissance.

Ils s'endormirent lovés l'un contre l'autre dans un seul souffle.

Quand Loup se réveilla, Dwenn avait disparu mais il n'était pas seul pour autant. Salgione étendue à côté de lui le regardait avec désir. 

— Je t'avais dis que tu ferais ce que je veux.

Il s'était fait duper même si, au fond de lui, il l'avait su. Sa colère resurgit.

— Je vais te tuer Sorcière! Loup tendit les mains pour l'étrangler. Il n'en eut pas le temps. Il ne pouvait plus bouger, les pouvoirs de Salgione l'empêchaient de se mouvoir.

— Remercie moi plutôt. Je t'ai permis de revoir ta bien-aimée. Prend ce que je te donne et je prend ce que tu me donnes. Je suis consciente que ce stratagème puisse te contrarier mais sache que ce n'était pas mon but. Je ne suis pas mauvaise mais je me sens si seule. Tu sais Dwenn était...

 Il banda ses muscles et cria de rage. Son bras, soudain, bougea et sa main frappa la sorcière violemment au visage. Elle bascula en arrière.

Il retrouva sa vélocité et sauta sur Salgione mais celle-ci s'était déjà remise d'aplomb et à nouveau bloqua le corps de Loup.

Amusée, elle gloussa.

— C'est la première fois que ça m'arrive. Tu es fort mais c'est ta haine qui t'apporte la puissance. Méfie toi car la haine peut aussi t'apporter la mort. 

Elle passa sa langue sur ses lèvres ensanglantées.

— Ce que je voulais te dire avant ta bravade c'est qu'il y avait un peu de Dwenn en moi. Il m'est impossible de prendre la forme d'une personne sans qu'une partie d'elle soit là. Elle ne t'en veux pas. Son amour est grand pour toi et la petite Tily aime fort son papa.

Loup contint son émotion et répliqua.

— Garde ta langue de sorcière derrière tes dents. 

Salgione soupira de déception.

— Nous ne trouverons pas de terrain d'entente il me semble. Mais je tenais à te remercier. Tu es un être à part. Je te voudrais pour moi seul, ton odeur m'enivres mais je n'ai qu'une parole. Je vais t'aider à te venger. 

Elle posa sa main sur le front de Loup qui perdit l'usage de la parole.

— En d'autres temps, d'autres heures, tu m'aurais peut-être aimé. Je me contenterai de cet unique moment de douceur mon beau. On ne se reverra sans doute pas, toutefois si un jour tu as besoin de mon aide, je serais là et une sorcière n'a qu'une parole. Je ne t'oublierais pas.  Une dernière chose, Dwenn et Tily veulent que tu embrasses Arcis de leur part. Adieu mon beau.

Loup sentit une vive douleur. Il sombra.

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