Au cabinet
Femme je le suis, mais de sage, à l’époque, je n’avais que le nom. J’avais vingt-cinq ans et j’enchaînais les conquêtes. Le samedi soir, j’allais sur un réseau social de rencontres immédiates et je choisissais une jeune fille qui m’ouvrirait rapidement bras, jambes et bouche, pour ne plus jamais me revoir. J’en voyais des blondes, rousses, brunes, noires, blanches ou asiatiques, pourvu qu’elles fussent douces et eussent envie de passer un moment tendre avec moi.
Mais elle, je ne l’avais pas prévue dans mon parcours. J’étais dans mon cabinet et j’ouvris la porte à la dernière patiente de ma journée. La jeune femme avait les yeux boursoufflés par les pleurs. Je sus que je prendrais du temps pour elle.
Je n’eus pas beaucoup à fouiller dans ma mémoire pour me rappeler cette jeune fille rousse, d’à peu près mon âge, toujours souriante aux bras de son amoureuse dont elle semblait folle, une jolie blonde aux yeux bleus mais à l’allure un peu froide.
À l’époque, elle m’avait beaucoup plu, je trouvais dans sa manière d’être beaucoup de tendresse, et je me demandais ce qu’elle faisait avec cette personne au regard presque glaçant. Je m’étais dit qu’elle aurait mérité quelqu’un de plus attentionné à ses côtés.
Lui désignant le siège confortable, destiné à mes patientes, je lui soufflai doucement :
— Asseyez-vous je vous prie, ça ne va pas ?
Elle s’affala dans le fauteuil. Je pris l’autre que je réservais généralement au conjoint, m’assis à l’envers, les bras appuyés sur le dossier, et tournée vers elle. Comme elle ne disait rien, je la relançai d’une question.
— Mélanie, c’est ça ? Que vous arrive-t-il ?
Elle acquiesça sans rien dire. Je risquai un doigt sur sa joue.
— Elle m’a abandonnée… désignant son ventre, elle reprit, c’était pour elle.
Ses pleurs repartirent de plus belle.
— Oh ! Je marquai une pause et décidai de la tutoyer, cassant ainsi la distance qui nous séparait, dis-moi. Je t’écoute.
Je lui essuyai une larme et attirai doucement sa tête contre mon épaule.
Alors elle se confia, pendant que je caressais sa longue chevelure aux couleurs cuivrées. Entre deux sanglots, elle me narrait son aventure. Anna, cette jeune femme blonde avec laquelle je l’avais vue, était sa première petite amie. Elle n’avait auparavant jamais pu réaliser son rêve d’être dans les bras d’une femme, elle s’était déjà demandée si elle pouvait avoir droit au vrai bonheur, celui qu’elle recherchait. Comment savoir si une femme ressentait les mêmes envies qu’elle ?
C’est en rencontrant Anna qu’elle avait compris. La blonde l’avait draguée d’une manière très directe, la mettant presque mal à l’aise. Mélanie s’était laissée séduire, même maladroitement, et s’était entichée rapidement de cette amoureuse. Comblée par cette présence, elle s’était sentie prête à un engagement très fort avec elle. Alors la blonde lui avait demandé si elle ne voulait pas porter un bébé qui serait leur enfant. La jolie rousse s’était laissé convaincre assez facilement : ce serait beau d’avoir un enfant avec Anna, elle allait le lui donner. Elle ne s’était même pas demandée pourquoi ce serait elle qui porterait ce cadeau de l’amour, Mélanie était une jeune fille simple, sans calcul, et tellement amoureuse.
Je lui fis une petite bise près de son oreille, continuant à passer mes mains dans sa chevelure. En retour, elle glissa sa joue pleine de larmes contre la mienne, mon cœur était en train de chavirer, sa détresse m’émouvait tellement. Une deuxième bise, sur la tempe, puis je recalai ma joue contre la sienne.
Il n’avait pas été difficile pour elle de tomber enceinte. Dès le premier essai, elle avait pu concevoir. Anna et elle étaient heureuses, sa grossesse se passait bien, malgré quelques désagréments auxquels nulle femme n’échappe dans son état, son ventre commençait à se tendre, le petit être qui se développait en elle recevait l’affection des deux femmes.
Puis il y avait eu cette visite à la sœur d’Anna qui venait d’accoucher. Sa partenaire avait découvert cet être bruyant, pleurant, demandant toujours que l’on s’occupe de lui. Téléphonant tous les jours du mois suivant à son ainée, la blonde s’était rendu compte qu’un enfant, c’était beaucoup de fatigue, de soins constants. Mélanie de son côté était de plus en plus fatiguée, il fallait la supporter. Décrétant qu'elle n'en pouvait plus, Anna était partie sans aucune intention de revenir. Marre d’attendre ce chiard qui allait leur pourrir l’existence, elle avait abandonné sa malheureuse compagne sur le champ.
Ainsi depuis une semaine, Mel pleurait chaque jour, se demandant quel serait son avenir. Elle ne savait plus si elle voulait toujours de cet enfant, cause de son malheur. D’autant plus qu’elle avait accepté de le porter pour progresser dans sa relation avec Anna et construire un foyer ensemble.
Faisant pivoter ma chaise d’un quart, j’écartai le dossier et pris Mélanie dans mes bras plus tendrement encore. Troisième bise, sur la joue cette fois-ci.
— Je peux te raconter une histoire, lui demandai-je ? Fais demi-tour.
Sans rien demander, elle s’exécuta, me présenta son dos.
— Laisse-toi aller dans mes bras, c’est une histoire que l’on raconte à l’oreille. Tu peux l’interrompre à tout moment, et me demander de changer la suite. C’est un récit que l’on peut adapter selon ses envies.
Lentement elle se laissa aller à mon étreinte. Ses larmes séchaient, elle cala sa tête sur mon épaule, nos joues l’une contre l’autre. Je lui déposai une quatrième bise sur la pommette qui se présentait, et refermai mes mains sur son ventre maternel, la berçant délicatement.
— C’est l’histoire d’une jolie jeune fille aux cheveux flamboyants et aux yeux noisette. La pauvre petite avait été lâchement abandonnée par une vilaine sorcière blonde, alors qu’elle-même était enceinte d’un bel enfant. La mégère ne pensait qu’à son plaisir, quand la malheureuse Mel, n’avait agit que par amour. Qu’allait-elle faire de ce bébé ?
« Elle ne pouvait se résoudre à l’abandonner, ce n’était pas son genre, alors elle écouta le conseil qu’on lui donna : aime-le et il t’aimera en retour.
— Oui mais, m’interrompit-elle, Mel aimerait quelqu’un qui l’aime je crois. Elle ne se sent pas capable de l’élever toute seule cet enfant.
— Tu as raison, tu crois qu’elle pourrait être comment sa nouvelle amoureuse ? Une brune aux cheveux bouclés te plairait ?
— Oui, dit-elle en me regardant, avec des yeux très noirs et brillants, très gentille, et qui sache raconter de jolies histoires, tout en donnant de belles caresses. Appelle-la, Lara s’il te plaît, c’est bien ton prénom, est-ce qu’elle aime les filles Lara ?
— Oui et oui.
Elle avait rejeté sa tête en arrière, laissant son cou à nu. J’y risquai quelques baisers. Sa bouche s’ouvrit, un sourire se dessinant sur ses lèvres. Voyant son air ravi je continuai d’embrasser tendrement son cou que je caressai ensuite du bout de la langue. Puis je revins à son oreille :
— Alors Lara et Mélanie tombèrent amoureuses. Lara n’avait pas eu une vie très stable jusque-là, mais la jolie rousse avait su toucher son cœur jusqu’au plus profond d’elle-même. Sachant qu’elle n’aurait jamais le droit de la laisser tomber, elle n’hésita pas à s’engager.
Mes mains s’enhardirent sur elle et je commençai à caresser son corps sans retenue. Une main toujours sur son ventre, l’autre caressait ses hanches, son côté, montait à sa poitrine, allait dans son cou, partait à la découverte de ses seins, puis redescendait sur les rondeurs de son abdomen, je ne m’aventurai pas encore plus bas. Elle se laissait faire, totalement abandonnée à mes caresses. Je continuai mon histoire, tout en lui bécotant la nuque de temps en temps :
— Une petite merveille naquit alors, c’est Lara qui l’accoucha de ses mains professionnelles. Elle était bien faite et gentille, comme sa maman. Bien sûr il y eut au début de la fatigue, mais elle avait deux mamans pour s’occuper d’elle. Changer les couches, lui faire prendre son bain, se lever la nuit lorsqu’elle ne peut pas dormir…
« Puis, le petit trésor grandit, elles l’inscrivirent à l’école, et il dut apprendre beaucoup de choses. Il se fit des amis, eut des difficultés avec certains, mais il en trouva d’autres plus sympathiques. Côté notes, ça allait, mais sans plus, ce n’était ni un génie, ni un cancre.
« L’adolescence marqua un moment plus difficile, mais l’amour entre les deux mamans les aidèrent à avancer ensemble, conférant à l’enfant une force qui lui permit de franchir cette période.
« Puis un jour la merveille quitta le foyer, car l’heure était venue pour elle de faire sa propre vie. Elle avait eu de la chance, car ses mamans ne l’auraient jamais laissé tomber, et à chaque fois qu’elle en avait besoin, elles étaient là pour la soutenir.
« Elle te plaît mon histoire ma chérie ?
— Oui, et j’aime quand tu me caresses comme ça ! Ne t’arrête pas Lara.
— J’habite l’appartement attenant au cabinet, viens avec moi ma belle.
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