Chap 2
Bernie
La vie à « ploucville » reprit son cours. Personne ne comprit jamais vraiment comment cette jeune femme de la ville avait bien fait pour extorquer trois pépites d’or à Ray sans que celui-ci ne bronche…
Pour bon nombre, il avait même semblé complice de cette escroquerie.
Mais ainsi allait la vie, dans la brousse d’Australie. Chacun mettait un point d’honneur à ne pas s’occuper des affaires des autres et tout le monde respectait cette règle avec rigueur.
Ray était connu pour sa singularité et tant qu’il acceptait la filouterie avec pragmatisme, personne ne trouverait quoi que ce soit à redire.
« Plaie d’argent n’était pas mortelle » surtout pour ceux qui comme Ray semblait détenir un filon personnel regorgeant d’or.
Les jours passèrent sans qu’aucun étranger ne passe en ville. La monotonie et la nonchalance qui caractérisait les lieux s’imposèrent à nouveau.
Pourtant, toujours sur ses gardes, Bob guettait avec appréhension le moindre signe dans l’air annonciateur d’un danger et même lui, finit par baisser la garde.
Deux semaines s’étaient passées depuis cette étrange affaire quand un 4x4 rutilant fit éruption dans la petite ville. Les crissements des roues, les hurlements du moteur tirèrent de leur rêverie les habitués du bar qui se précipitèrent pour voir de quoi il retournait. Bob saisit sa carabine, bien décidé à faire cesser ce vacarme. Seul Ray resta à sa place, il savait déjà qu’ils venaient pour lui, ou plutôt pour son or.
À l’extérieur, une dispute éclata entre les autochtones et les visiteurs en manque de sensations fortes. Les noms d’oiseaux fusèrent, entre les débiles congénitaux de jeunes branleurs de la ville et la vieillerie à moitié crevés de pecnots avinés du bled, le ton montait et l’altercation n’allait pas tarder à s’envenimer.
Bob tira en l’air avec sa carabine et les belligérants se calmèrent. Il semblait furieux et ses cent trente kilos faisaient toujours leurs petits effets.
Face aux pecnots, trois jeunes hommes étaient sortis de leur 4x4. Chacun tenait une arme à la main, un couteau, une hachette et le dernier avait un revolver qu’il brandissait assez haut pour que tout le monde le voit bien. Deux filles étaient restées dans le véhicule. Apeurée, elles regardaient la scène avec appréhension.
Bob reconnu marie et sa colère ne fit que s’accroître. Il s’emporta.
- Qu’est-ce que vous venez foutre ici ? Bande de cons ! hurla-t-il.
- On vient voir un ami, les bouseux ! répondit celui qui tenait le pistolet. Et toi, désignant Bob, vire ton gros cul de là ou tu vas le regretter !
- Cassez-vous et en vitesse ou ça va mal finir, surenchérie un habituer du bar.
- La ferme l’ancêtre ! On vient voir un dénommé Ray. Il est ici ?
Personne ne répondit.
- Plus vite on lui parle et plus vite on déguerpit, ça vous va ?
Deux personnes venaient de se joindre aux gueux du coin et ils semblaient bien décidés à en découdre. Désormais, l’affrontement semblait inévitable. Couteaux, lames de rasoir, bâton, fusil et même des cailloux ramassés au hasard armaient les mains.
Ray finit par sortir du bar et se présenta.
- C’est moi Ray, tu me veux quoi, p’tit ?
- Causer, pardi ! répondit le gaillard d’un air ravi. C’est ces cons qui cherchent la bagarre, ajouta-t-il en désignant la meute.
- J’ai rien à te dire, mon gars. On s’connait pas…
- Peut-être, mais on a une amie en commun et elle nous a dit que t’étais un chic type. Elle nous aurait menti ?
Les deux hommes se dévisagèrent. Bernie laissa passer quelques secondes puis ajouta :
- Si elle a menti, elle va le regretter amèrement, je peux te le garantir ! J’ai pas fait toute cette route de merde pour rien !
À nouveau, les deux hommes s’observèrent. Ray lut dans les yeux de son interlocuteur une détermination et une cruauté peu commune. S’il n’obtenait pas ce qu’il était venu chercher, il allait la tuer et même… en éprouver du plaisir.
- Elle n’a pas menti, de l’avis de tous, je suis un joyeux drille, répondit Ray en faignant un sourire si peu convainquant que certains pouffèrent.
- Je te propose une ballade avec nous. T’es sûrement jamais monté dans un tout terrain de cette taille ?
- Moi les bagnoles… Je laisse ça aux branleurs qui tentent de se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas.
- Doucement pépère… répondit Bernie un peu vexé. Faudrait pas que tu prennes mon amabilité pour de la faiblesse !
On pouvait qualifier Bernie de beaucoup de chose, mais certainement pas de faible. Un mètre quatre-vingt pour quatre-vingt-dix kilos de muscle, il jouait dans l’équipe de Rugby de son lycée et avait comme surnom : l’assommoir ! De l’avis tous, il était aussi dangereux qu’imprévisible. On évitait de l’énerver, en faite… on l’évitait tout court !
- Je dois parler à Marie, répondit sèchement Ray.
- Monte, elle est impatiente de te voir. On est tous impatient en faite.
Ray fendit la foule et se rapprocha de la voiture. Il regardait fixement Marie dont les yeux embués de larme lui hurlaient de se sauver. Elle paraissait terrifiée et la fille qui attendait près d’elle lui tenait le bras avec fermeté. Elle était prisonnière et lui, pauvre fou… se jetait dans la gueule du loup.
Bob intervint. Il n’allait certainement pas laisser partir son ami dans ce piège un peu grossier sans réagir.
- Et si vous alliez discuter dans mon bar, c’est moi qui régale !
- Et si tu fermais ta grande gueule et t’occupais de tes affaires ?
Ray posa la main sur l’épaule de son ami et avança.
- OK pour la balade, mais pas trop long… j’ai pas toute la journée…
Bernie sourit et se contenta de répondre :
- T’inquiètes, ça va pas être long.
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