Prologue
Prologue
« Après que les « Grands Hommes » eurent totalement terminé de détruire leur mère la Terre, les femmes prirent le pouvoir et sauvèrent l'humanité en colonisant Gravis, une planète découverte en 2867. Elles quittèrent la terre en Juine 2872 du calendrier terrestre, pour arriver sur Gravis et amorcer l'avènement de “Gréine Worth” , qui marquera le début du cycle 0 de l’air Gravissienne.
Les 20 années terriennes nécessaires pour rejoindre cette planète(semblable à la Terre par bien des aspects: gravité, atmosphère, taille, système solaire, cycle de saisons, mais aussi très différente; les océans moins abondants, la végétation plus drue et la nappe phréatique particulièrement pure) ont été mise au service de l’organisation politique et technique pour un nouveau départ sans encombre.
Les femmes au pouvoir étaient bien déterminées à ne pas reproduire les erreurs du passé. Elles cherchèrent donc à créer un environnement écologiquement compatible avec cette nouvelle planète; il était hors de question de gâcher cette deuxième chance.
L'anneau appelé « Fàinne » fut pensé et conçus autour de Gravis pour permettre les échanges commerciaux sans abîmer cette belle planète qui les accueillait »
— Soeur ? Ze peux aller aux toilettes? C'est vraiment urgent!
M'interrompt Molly dans ma lecture publique du livre d'histoire le plus ennuyeux des mondes établis.
— Oui Molly, mais dépêches-toi, tu vas rater la lecture de Lise. Ce serait dommage de ne pas pouvoir apprécier une si bonne lectrice.
Soeur Bélénos me sourit et me fait signe de continuer.
Je poursuis donc;
« Au début de la prise du pouvoir des femmes, avant même de quitter la Terre, elles durent prendre des décisions drastiques concernant les hommes et le danger potentiel qu'ils continueraient à représenter dans l'avenir. Elles ne pouvaient plus se permettre de risquer d'être dominées de quelque façon que ce soit. Les termes comme "sexe faible", "hysteriques", ou "sorciere" , ne pouvaient plus être utilisés contre elles. Tout au long de l'histoire de l'humanité, trop de femmes avaient subi l'abus d'hommes misérables pour seul motif de prouver leur suprématie.
Pour contrer cette réalité terrible qui veut que les hommes soient en mesure de les “prendre” de force, elles ont dû prendre à leur tour, là toutes aussi terribles décisions, de réagir par la violence.
Mais une violence réfléchie et féminine, intelligente et digne, bien plus digne que l'acte qu'elles cherchaient, par tous les moyens, à proscrire. »
— Soeur, que signifie « proscrire » ?
— Interdire formellement !
sérieusement?
Je continue sous le regard approbateur de mon éducatrice.
« Elles votèrent donc la castration chimique de tous les hommes à la naissance. Sans barbarie et sans douleur. Cette arrêtée gouvernementale prendrait fin lorsque les mœurs établies feront des hommes, des êtres incapables ne serait-ce que, d'envisager, toutes actes moralement inacceptables envers qui que ce soit.
Une solution radicale donc, mais nécessaire. Ce qui ne serait qu'une parenthèse dans l'histoire de l'humanité mais le commencement d'un changement irréversible.
Changer des siècles et des siècles de domination serait forcément difficile. Mais pour ces femmes, réunies dans ce fameux bureau, cette… »
— Soeur ? c'est quoi la «castration» ?
— La castration chimique qui a été utilisée, est une traitemente médicalle irréversible qui détruit la libido des mâles. La libido, rappelez-vous c'est l'appétence sexuelle, mais cette partie de l'histoire vous sera enseignée dans le programme supérieur.
“...cette décision était. . .”
— Soeur, qui sont ces femmes dans le bureau ?
C’est une blague? Je ne finirai jamais cette lecture… dire que j’ai sauté une classe pour me retrouver avec ces ignorantes de 12 cycles!
— Ce sont nos ancêtres. C'est dans ce bureau, a bord du vaisseau en route pour Gravis, aujourd’hui tres celebre, que les décisions les plus importantes que l'humanité ait connues, ont été prises.
répond sœur Bénélos avec un calme admirable.
Il y avait « Gréine Worth » dont nous allons étudier la vie prochainement et les femmes qui l'ont aidé à mettre en place le gouvernement que nous connaissons aujourd'hui... Lise veux-tu poursuivre?
“...cette décision était inéluctable pour la sécurité de ce nouveau gouvernement. Elles avaient pour mission de créer un monde plus sûr et étaient déterminées à faire tous les sacrifices pour y arriver. Bien sûr, elles ne connaîtraient jamais les bénéfices de ces décisions. »
Je fais une petite pause. Je relève les yeux pour m'assurer que personne n'a d’autres questions, quand j'aperçois le sommet d’une petite tête blonde, toute chevelue, qui m’observe derrière la fenêtre ouverte. Elle disparaît presque aussitôt, pas le temps de m'interroger, je reprends ma lecture;
« Avec la découverte et la création du sperme à partir de cellules souche de moelle osseuse féminine, les femmes étaient désormais parfaitement aptes à procréer sans l'intervention des mâles. L'espèce humaine était désormais une sorte d'hermaphrodisme artificiel capable de procréer par parthénogenèse, que l'évolution changerait petit à petit en une espèce Thélytoque, composée uniquement de femelles.»
— Il y a un tas de mots compliqués dans ce passage, vous ne trouvez pas?
Il est clair que là, il va falloir leur donner quelques éclaircissements…
On va faire une petite parenthèse pour répondre à vos questions, mais tout d'abord il faut que vous sachiez qu'à cette époque les enfantes n'étaient pas conçues comme aujourd'hui. Il fallait ce que l'on appelle «un père » qui produisait du sperme naturellement, de la même façon que les femmes produisent des ovules.
Toujours debout devant mon pupitre, je profite de ces explications sans fin pour observer l'extérieur. Quelqu’un nous écoute sous cette fenêtre, c’est évident, tout comme il est évident que je ne survivrais pas à cette journée interminable!
— Soeur ? qu'est-ce qu'une «espèce d'her-r-ma-phr-r-r-o-di-sme artificielle»?
Ces filles n'ouvrent-elles jamais de livres?
— Une espèce « Hermaphrodite » et une espèce capable de produire des gamètes femelles et des gamètes mâles. Comme nous l'avons vu la semaine dernière, pour notre espèce, il ne peut y avoir de conception sans la présence de gamètes femelles et mâle, et à cette époque personne ne savait encore fabriquer de gamète mâle en laboratoire, comme c'est le cas aujourd'hui. Et, nous ne sommes pas capables de produire des gamètes mâles de façon “naturelle”, mais nous le sommes de façon "artificielle" en laboratoire, ce qui fait de nous...?
— Des hermaphrodisme artificielle? chantent en chœur quelques-unes de mes joyeuses camarades de classe.
— Presque oui.? ricane sœur Bélénos notre douce institutrice en se tournant vers moi pour me faire signe de terminer cette longue et pénible lecture qu'on ne cesse d'interrompre.
— Mais alors comment faisaient-elles?
Quelques rires étouffés se font entendre mais Molly, de retour des toilettes, entre à nouveau dans la classe et tous les regards se posent sur la pauvre petite fille qui ne sait pas de quoi nous parlons.
— Tu n'as jamais vu comment font les chiennes ? S'esclaffe Charline sans prêter attention à cette pauvre Molly qui s'installe rapidement à sa place.
— Mais alors? Qu'est-ce qu'ils faisaient ? Les hommes ? Pour que les femmes «votent la castration»? demande subitement Lyrae avec une pointe d'effroi dans la voix qui traduit qu’elle connaît déjà la réponse.
Les rires des autres élèves cessent brusquement, elles regardent toutes sœur Bélénos dans l'espoir d’un démenti qui ne viendra pas. Le silence se prolonge et je surprends Molly à jeter un coup d'œil anxieux en direction de la fenêtre.
— Je vois que ce sujet vous perturbe, nous en parlerons à un moment plus approprié. Mais garder en tête que les hommes sont des êtres égoïstes, violents, au point que Gréinne a été dans l’obligation d’avoir recours à la castration.
Quelques-unes de mes camarades échangent des regards épouvantés.
Lise, tu peux continuer ?
« Les hommes devenaient de plus en plus rares, moins de 2 % des naissances. Un effet collatéral qu'elles n'avaient pas pu anticiper et qui soulève des problèmes de survie de l'humanité à des niveaux qu'à cette époque personne ne pouvait alors soupçonner. »
— Cela veut-il dire que les dirigeantes n'avaient pas prévu de faire disparaître les hommes ?
— Oui, c'est exactement ça Lyrae! Depuis des siècles, les hommes ont prouvé qu'ils ne désiraient, en rien, se contenir. Alors, au début, la castration ne devait servir qu'à les maîtriser. Jusqu'à ce que les générations suivantes soient mieux éduquées. À aucun moment elles n'avaient imaginé que cela réduirait leur nombre. Mère nature a estimé que les mâles n'étaient plus nécessaires. On appelle ce phénomène «l'adaptation ». Toutes les espèces évoluent pour s'adapter au changement.
Alors il va falloir s'adapter à ces filles… ou périr !
Aujourd'hui les castrations sont abolies depuis longtemps, presque 200 cycles-G, et les quelques hommes nés après cette abolition ont retrouvé leurs aptitudes naturelles, mais sont malgré tout restés infertiles.
Dans l’espoir d’enfin en finir avec cette lecture, je n’attend pas le signale de soeur Bélénos pour continuer;
« Cette nouvelle société transforma la notion de famille telle qu'elle avait pu exister dans le passé. Désormais les femmes vont dans des centres de cure maïeutique pour procréer et ne cherchent plus absolument l'amour tel qu'on pouvait le concevoir auparavant. Désormais elles recherchent l'âme-sœur, l'amitié, une Storgì-Filìes*. Les rivalités féminines n'ont plus lieu d'être, la sororité est devenue une philosophie de vie. »
— Merci Lise pour cette belle lecture. Tu peux te rasseoir.
*du grec storgì = affection, relation émotionnelle forte entre amis basé sur une attention mutuelle sans facteur sexuel “prendre soin”
* Filìa = amitié
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