Chapitre 4 (partie 1)
Nous rions ensemble avec une telle facilité. Elle me propose quelque chose à boire.
Cette chambre est confortable. Je comprends que ce soit sa préférée. Un petit nid dans les branches.
Il y a des livres partout autour de nous. La bibliothèque recouvre les deux murs qui encadrent le lit du sol au plafond. Nous avons ça en commun, notre amour des livres.
Elle s'assoit près de moi, me tend un verre à la forme étrange. Je réalise que nous sommes seuls dans une chambre. Ce n’est pas la première fois pourtant un sentiment inhabituel m'envahit, elle ne semble pas le partager. Elle est détendue comme d’habitude.
Je ne sais pas quoi faire de mes mains moites, je tripote ce verre sans surface posable.
Comment peut-on créer un objet du quotidien aussi peu pratique de façon volontaire..? Ça me dépasse.
Je ne sais pas quel sujet aborder.
Parler de ce que je voudrais faire sur ce lit ouvrirait la porte au ridicule ou à l'odieux...il est préférable de ne rien dire.
Par chance elle attrape un des bouquins subtilisé, il y a peu, dans la bibliothèque de ma mère.
- « C'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire pourvu d'une belle fortune doit forcément être en quête d'une épouse » Tu es sérieux? Pourquoi ce livre?
- Continue à lire, tu vas comprendre.
Elle se replonge dans sa lecture. Ce qu’elle peut être captivante lorsqu’elle lit!
- Je vois, c'est une antiphrase.? Elle nous parle d’une vérité de son époque de façon ironique?
- Oui, en fait tout le livre est une sorte de satire. Avec en prime une histoire d’amour et une jolie morale… Je suis sûr que tu vas adorer “orgueil et préjugés”.
Elle se lève, livre en mains, et poursuit la lecture à voix haute. Je ne suis plus maître de mes yeux qui ne peuvent se détacher d’elle. Les mots si soyeux s’écoulant de ses lèvres. Ses mouvements lascifs dans la pièce; tout son être m’hypnotise.
La regarder est tout autant un délice qu’un supplice.
Je cherche des preuves de ses intentions dans son attitude. Mais ma seule référence en la matière sont les scènes romantiques décrites dans les romans terriens, et elles sont tellement éloignées de la sexualité Gravissienne… Ici sexualité rime avec santé, et bien-être… ce n’est pas quelque chose que l’on partage et les sentiments n'entrent, que très rarement, en ligne de compte…
Les Gravissienne connaissent leurs besoins et les comblent aisément, ce n’est un tabou pour personne; enfin sauf pour moi… sauf quand on est un homme…
Je ne me suis jamais considéré comme un membre de cette société. Je ne trouve pas ma place dans ces valeurs que pourtant je partage…
A l'inverse je comprends les valeurs décrites dans les vieux livres, mais je n'adhère pas à ces principes dépasser…
Comprendre comment un système fonctionne et l'approuver sont deux choses différentes.
Je n'ai donc pas ma place ici et maintenant, mais je n’en aurais pas eu plus, sur terre dans le passé…
Comment s'épanouir dans un monde qui n’a jamais rien prévu pour les personnes comme moi?
Et comment vivre avec l’idée que le seul environnement ou j'aurais pu envisager librement de vivre une sexualité saine et naturelle, est un monde qui, non seulement n’existe plus, mais qui, en plus, est responsable de tant de souffrance?
La romance, la sentimentalité de ces jolies histoires que j'affectionne, à un revaire de médaille terrifiant. J’en suis conscient mais en même temps…
Le fait qu’une partie de moi regrette une telle société fait t’elle de moi un être détestable? Lorsque je me montre passionnée par la romance, Lise me voit-elle comme quelqu'un de détestable?
Elle connaît les mœurs de tous ces vieux bouquins que nous lisons ensemble, mais est-elle curieuse de ces pratiques? Ou au contraire trouve-t-elle cela répugnant ?
Elle est toujours beaucoup plus intéressée par les scènes d’intrigue ou de suspense, que par les passages romantiques. Ce qu’elle a préféré dans Roméo et Juliette, c’est le combat entre Mercutio et Tybalt…
Il faut malgré tout que je lui pose la question. Je doit surmonter mes angoisses et lui demander;
Elle s'assied près de moi. Assez tourné autour du pot, je me lance !.. On verra bien ce qu'elle en pense. Au pire elle me jugera et nous nous séparerons pour une période indéfinie…
Je me regarde dans le miroir près de la porte, quand elle enlève sa petite veste.
C’est vrai qu’il fait chaud.
De quoi j'ai l'air ? Est-ce que je suis à son goût ? Suis-je au goût de quelqu'un ? Que va t-elle penser de moi si je me lance? Que je suis stupide !.. Elle va me rire au nez !..
Je ne fais rien!
Mais si je ne fais rien, il pourrait se passer quelque chose de pire. RIEN; il pourrait ne RIEN se passer !..
Je me lance !
Je boit une gorgée de liquide grenat dans mon verre, pour me donner du courage. Après quelques secondes de silence, je laisse ma main se placer plus près d’elle, délicatement à côté de sa jambe. Peut-être qu’un geste vaut mille mots mais ce geste là… n’est pas suffisant… Le message n’est pas très évident…
Je sens mon sang me monter au joues.
Est-ce l’alcool ?
Elle me regarde. Se mordillant la lèvre inférieure, toujours ce sourire en coin.
Mon coeur va exploser !
Elle prend ma main et la pause sur sa cuisse…
Je l’ai fait!
Enfin elle a pris l’initiative mais le résultat est le même…
Je plonge dans son regard brillant et notre amitié est définitivement plus que ça. Peu importe ce qu'en disent les sociétés, nouvelles et anciennes.
Elle rapproche son visage du mien et installe ces lèvres délicieuses sur les miennes. Je ne respire plus. À la fois entreprenante et timide elle se glisse sous ma chemise. Son être enivrant se blottit contre moi et…
Je renverse mon verre.
On se met à rire. On se redresse;
- Boire au lit n'est jamais une super idée…
Elle récupère nos deux verres, les plante plus loin dans une espèce de boîte de sable que je n'avais jamais remarqué, et revient vers moi. Dans un mouvement gracieux, elle enlève sa petite robe satinée.
La vue de sa peau cuivrée, de ces courbes voluptueuses, m'ensorcelle. Je l'attire davantage vers moi. Plus de doute désormais, nos corps se caressent dans une étreinte délicate sur ce lit enchanté que je n'aurais su apprécié sans sa présence.
Allongées ainsi, dans les draps frais, l’un contre l’autre, je regarde le ciel à travers le plafond de verre au-dessus du lit.
- Je voudrais que cet instant dure toujours.
- Nan ! Il perdrait sa beauté.
Elle rit en m'embrassant dans le coup, puis le noir revient.
Je me ronge les ongles. Nan, Molly ronge ses ongles ! Pas moi.
Ces pensées sont plus claires, elle est inquiète. Elle a peur, mais je ne comprends pas pourquoi.
- Molly? C’est toi qui m'a fait venir?
Pas de réponse. Elle m'a demandé de rester au cabanon pour ne pas avoir à me parler… Alors pourquoi me laisserai-t-elle un accès à sa tête ? surtout que je n'est pas demander a y entrer.
- Molly tu m'entends? Je suis là, tu m'entends?
Toujours rien…
- Répond moi stp.
Ce n’est pas elle qui me fait venir et je n’est pas tenté de la rejoindre… Elle ne m’ignore pas, elle ne se rend pas compte de ma présence. J'essaie de repartir mais chaque fois que je rouvre les yeux, ce ne sont pas les miens. J'espère que Lise s'est endormie et qu’elle n'a pas peur pour moi.
Je n'ai pas peur ! Je me sens bien. Je sais que je ne devrais pas être serein, parce que je ne maîtrise rien dans la tête de Molly, c’est toujours elle qui entre dans la mienne à distance habituellement. Moi, je n'étais jamais parvenue à le faire, encore moins involontairement. C’est étrange mais je me sens vraiment bien. Je ne saurais l’expliquer, c'est… confortable… agréable même. Comme un rêve à demi-conscient que l’on ne veut pas quitter. Puisque je ne maitrise rien, autant profiter pour tenter de comprendre ce qui ce passe.
Je me concentre sur ce qu’elle voit. Elle est chez notre mère.
Annotations