.
***
Le capitaine Peter Nixon s’éveilla lentement. Il garda soigneusement ses yeux fermés alors que les sensations dans ses membres se faisaient de plus en plus vives. Il avait déjà, plusieurs fois, voyagé dans l’espace et la sortie de cryogénisation restait un moment particulièrement difficile et surtout désagréable.
Il avait froid, terriblement froid. Comme si ses muscles, congelés après avoir séjourné trop longtemps sur la banquise du pole Nord, étaient crispés et ne réagissaient plus à ses sollicitations. Il devait attendre que son sang se répande dans tous ses membres et les irrigue de sa chaleur.
À mesure qu’il reprenait le contrôle de son corps, son esprit sortait de sa torpeur. Comme toujours, ses premiers mots furent pour l’intelligence artificielle.
— Bien le bonjour, chère Arta.
— Mes respects, Capitaine.
— Au rapport, ma jolie, rétorqua Nixon.
— Nous avons un problème, Capitaine.
— Ah… Un problème ? Le contraire m’aurait étonné…
— Un sérieux problème qui mérite toute votre attention, Capitaine.
— Allons-y… De quel type de « sérieux » problème s’agit-il, terrible ou catastrophique ?
Le voyage interstellaire n’était pas sans risque et le capitaine Nixon le savait très bien. Il avait déjà effectué trois missions et chacune d’entre elles avait été le théâtre de problèmes, plus ou moins graves. Cela allait de pannes mineurs, jusqu’à la mort de plusieurs passagers lors de la décryogénisation. Il s’attendait donc au pire.
Nixon avait personnellement insisté pour que ce soit toujours la même intelligence artificielle qui l’accompagne dans chacune de ses missions. À chaque fois, il avait fait améliorer son programme, son interface et enrichir sa base de données.
Au fil des années, elle était devenue une assistante indispensable et incontournable. Elle était ses yeux et ses oreilles dans ce gigantesque vaisseau. Sans elle, il était vraiment démuni.
— Je vous laisse définir la gravité de notre situation, répondit Arta.
L’homme finit de se redresser et s’étira en se frottant vigoureusement les muscles.
— On a des morts ? Combien ? finit par dire l’officier.
— Par chance, le problème n’est pas de cet ordre, mais pourrait rapidement le devenir.
— À la bonne heure ! Quel est donc ce «sérieux » problème qui monopolise toute ton attention ? dit-il d’un ton enjoué.
— Nous sommes perdus, en panne motrice à plus de trente Années-lumière de la Terre, ponctua Arta de sa voix monocorde.
L’information mit quelques instants à parvenir jusqu’au cerveau encore embrumé du capitaine. Mais une fois bien comprise, l’homme perdit son sourire.
— Trente Années-lumière ? Comment cela est-il possible ? Pourquoi avons-nous tant dévié de notre route initiale ?
— Pour une raison, que je cherche toujours à définir, le Nautilus n’a pas stoppé sa route arrivé à destination. Nous sommes vingt Années-lumière plus loin. Et désormais, à court de carburant dans le système solaire de Gamma Pavonis.
— C’est une blague ? réagit Nixon.
Il était désormais parfaitement réveillé et commençait à bien comprendre la gravité de la situation.
— Es-tu certaine de ce que tu avances ? As-tu confirmations de notre position?
— J’ai vérifié toutes les données plusieurs fois et nous sommes très loin de notre route.
— C’est une panne des systèmes ou du sabotage ?
— Je n’ai pas encore collecté assez de données pour avoir une réponse définitive, mais un sabotage semble assez peu probable.
— Nous ne pouvons pas reprendre le voyage en sens inverse ?
— Impossible, nous n’avons plus de propulsion subatomique.
— Qui as-tu réveillé ?
— J’attendais vos directives, Capitaine.
— OK, réveille les officiers, leurs seconds et toute l’équipe de navigation.
— À vos ordres, ponctua Arta.
Annotations
Versions