Les colons
Par vagues successives, les colons sortirent de cryogénisation et, petit à petit, les divers étages du Nautilus-IV reprirent vie. Loin de se douter de la situation dans laquelle ils se trouvaient, ces gens vivaient ce réveil avec bonheur. Après des années de sommeil forcé, ils étaient enfin libérés.
Tous étaient débordants de vie et prêts à se lancer à corps perdu dans leur nouvelle existence. Ils étaient impatients de découvrir cette nouvelle planète dont on leur avait tant parler et surtout, leurs nouvelles conditions de vie.
Ils étaient heureux de pouvoir reprendre le cours de leur vie et ce nouveau départ représentait une aventure qu’ils attendaient tous.
Perdus dans leurs préparatifs, personne ne prit la peine d’examiner l’espace et de tenter d’identifier le petit soleil rouge qui éclairait de ses timides rayons Terra 912-VK.
Un esprit attentif aurait remarqué que ce système solaire, axé autour d’une étoile d’un jaune-blanc vif, ne correspondait en rien avec celui dont on leur avait parlé !
Le soir même, tous les responsables civils furent conviés à une réception dans la grande salle des cérémonies du premier pont et, comme il se doit, ils furent tous au rendez-vous.
***
Autour de la table, les divers responsables civils étaient réunis face au capitaine et le regardaient, incrédules. Monsieur Stanford les avait discrètement rassemblés et accompagnés dans la salle de commandement afin de les informer de la situation.
Anna Perora, chef biologiste était assise à côté de Jessica Chan, directrice hospitalière et médicale. En face d’elles se trouvait Samuel Bloom, directeur technique du génie civil. Sur sa droite était assis le volumineux patron des mineurs, Hugo Salveta. Un peu à l’écart, le sergent Bruno Duval de la Space-Legion attendait, les bras croisés, debout dans la pénombre.
— C’est une blague ?
La voix grave d’Hugo Salveta, le responsable des mineurs, rompit le silence. Il se leva et écrasa son énorme poing sur la lourde table en chêne qui grinça sous le coup.
— Si c’est une blague, elle est de très mauvais goût ! répéta-t-il encore plus fort, faisant sursauter les personnes autour de lui.
— Je crains que non, répondit le capitaine.
— Mais dites-moi que je rêve… C’est un véritable cauchemar ! hurla-t-il à nouveau.
— Je vous demanderais de baisser d’un ton, monsieur Salveta. Nous sommes réunis ici pour trouver des solutions et non pour exprimer notre mécontentement ! répliqua le capitaine.
Le gaillard fit reculer son fauteuil et partit au fond de la salle se calmer.
— Vous nous garantissez que vos données sont fiables Capitaine et qu’aucune erreur n’est envisageable ? se risqua à dire Jessica Chan, la responsable médicale.
— Vous pouvez me croire sur parole, chère Jessica et même vérifier par vous-même à travers les hublots du vaisseau. Nous nous dirigeons vers une étoile jaune-blanche de la taille de notre soleil et non d’une naine rouge, comme celle où gravite Terra 912-VK… Et j’en suis le premier navré, répondit le capitaine.
Du fond de la salle, Hugo revint à la charge :
— J’ai pour plus de vingt-trois tonnes de matériel de minage dans les cales de ce vaisseau et vous me dites qu’on est perdus au milieu de nulle part… et qu’il n’y a plus de mine ni de minerai à extraire ? C’est bien ça ?
— Je vous dis, monsieur Hugo, qu’on a la chance d’être encore vivants et que notre situation est assurée pour les quarante-sept jours qui arrivent. Puis… le capitaine n’ajouta pas un mot.
Se tournant vers l’homme en costume, Hugo devint menaçant :
— J’espère que vous nous garantissez bien nos primes, monsieur Stanford et l’ensemble des rémunérations contractuelles ?
— Mais cela va sans dire, répondit Standford. Vous acceptez les chèques ?
L’homme resta interloqué. Que voulait-il dire ? Le capitaine reprit la parole.
— Mon cher ami, vous serez surpris d’apprendre qu’à l’heure où je vous parle, le plus riche d’entre nous n’est autre que le quartier-maître Simonin ! L’heureux homme qui a la responsabilité de nos réserves de nourriture. Inutile de vous dire qu’il est détenteur de ce qui a le plus de valeur à plusieurs Années-lumière à la ronde !
S’approchant du soldat de la Space-Legion, le capitaine poursuivit :
— Et dans quarante-sept jours… Je vous encourage d’être l’ami de cet homme, qui aura eu la sage précaution de préserver ses munitions en cas de besoin ! (Se retournant vers Hugo) Voyez-vous, cher Hugo, dans notre situation, l’argent n’a officiellement plus aucune valeur !
L’homme se laissa glisser le long de la bibliothèque et s’assit sur le sol en se cognant la tête contre le mur. Il était dépité.
— Craignez-vous des exactions une fois la nouvelle ébruitée ? demanda Samuel Bloom, responsable du génie civil.
— Bien sûr que non. Nous sommes entre gens civilisés et de bonne compagnie. Sur ce vaisseau, je représente l’autorité et la Space-Légion est là pour maintenir l’ordre, cela, pour quarante-sept jours encore. Nous avons ce laps de temps pour donner un but et un avenir à tout le monde. Comme il est de coutume, ce soir aura lieu le banquet de décryogénisation. Nous n’avons aucun mort à déplorer, autant le fêter. Je profiterai de cet instant, où chacun attendra un discours de ma part, pour annoncer notre situation. Je vous demande donc d’attendre ma déclaration pour prendre le relai et rassurer votre entourage. Nous n’avons pas dit notre dernier mot !
Le capitaine exposa encore pendant plus d’une heure les points importants à avoir en tête avant toute décision. Leur point fort restait la qualité des équipements présents sur le vaisseau et surtout, les aptitudes et le professionnalisme des colons. En fin de compte, ces gens ne demandaient qu’à reconstruire leur vie sur une planète à l’écosystème compatible avec la vie humaine.
Sur ces paroles pleines de bon sens, les responsables civils des colons repartirent dans leur quartier avec la ferme intention de trouver les ressources nécessaires afin de relever le défi qu’imposait leur tragédie.
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