Chapitre 6

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Le lendemain, en fin de matinée, je reçus un appel de mon père, fait assez rare pour être noté. Il sortait d’un rendez-vous, et me proposait de déjeuner ensemble. J’allai donc le retrouver dans un petit restaurant où il avait ses habitudes lorsqu’il mangeait en ville.

En attendant que le serveur nous apporte nos plats, après avoir échangé quelques nouvelles, il me regarda sérieusement : « Alors, tu t’es encore disputée avec ton frère ?

_ Papa, j’ai plus cinq ans ! » protestai-je en riant.

Nicolas avait dû lui faire un rapport détaillé de notre randonnée et de ce qu’il pensait de Paul. Je n’avais rien à ajouter, si mon père voulait savoir quelque chose, il saurait bien poser des questions.

« Au fait, j’ai vu Pierre-Luc tout à l’heure, il aimerait que tu l’appelles.

_ Ton éditeur ? Pourquoi ? Il s’est rendu compte qu’il m’avait trop payée ? »

Quelques années plus tôt, mon père qui avait une idée très précise de ce qu’il voulait pour la couverture de son roman m’avait demandé d’en faire l’illustration, et l’avait imposée à son éditeur. Je gagnais ainsi un infime pourcentage – de l’ordre de 0,1% ou quelque chose comme ça – du prix de vente de ces livres. Ce qui n’allait pas bien loin, même après quatre ans…

Il a levé les yeux au ciel.

« Je n’en sais pas plus, il a seulement demandé que tu te mettes en contact avec lui.

_ D’accord, je le ferai. Merci Papa. »

Lorsque nous nous sommes séparés, après le café, j’ai décliné sa proposition de me raccompagner :

« Je vais en profiter pour faire les boutiques, pour une fois que je n’ai pas Attila. »

Mon père a souri, et nous avons échangé une bise avant de nous séparer. Il a regagné sa voiture tandis que je traversais la place de Jaude en direction du centre commercial. Il faisait bon, le soleil réchauffait ma peau. Il y avait du monde aux terrasses des cafés et des restaurants, des enfants s’amusaient entre les fontaines, des adultes mangeaient leur sandwich assis sur les marches devant le centre Jaude. Depuis les travaux de rénovation, il était un peu moins moche qu’avant. Les panneaux de verre opaque dont ils l’avaient recouvert lui donnaient un air un peu plus moderne, moins ‘années 70 en béton’…

J’ai visité quelques magasins, sans trouver grand-chose qui me donne envie d’entrer dans une cabine d’essayage. Je n’avais réellement besoin de rien, en fait. Dans une boutique de lingerie, je tombai nez à nez avec la copine de Virgile, Julia. Après quelques banalités - j’ai demandé des nouvelles de sa grossesse qui commençait à bien se voir - elle me fit un clin d’œil : « Alors, tu cherches un ensemble sexy ?

_ Je vois que mes frères ont encore parlé… » ai-je soupiré, pas vraiment fâchée.

« Presque pas ! Promis… » Avisant le présentoir devant lequel nous étions arrêtées, elle m’a dit : « Rassure-moi, tu ne comptes pas prendre ça ? » Il s’agissait d’ensembles en coton, qui avaient l’air très confortables, avec des dessins mignons. Sans attendre de réponse, elle m’a entrainée un peu plus loin : « Non, non, non, tu n’as plus quinze ans, Louise. Tu es une femme, et il faut le montrer ! »

Elle m’a proposé plusieurs modèles, mais à chaque fois ma grimace devait être éloquente, car elle les remballait sans insister.

« Bon. Tu as un moment ? Je t’emmène ailleurs. » Nous sommes sorties du centre commercial, et elle m’a guidée, dans les rues commerçantes du quartier piéton, jusqu’à une autre boutique, où je n’étais jamais allée.

« Tu verras » m’a-t-elle dit : « ce n’est pas plus cher, mais c’est plus joli, et de meilleure qualité. » Elle m’a fait entrer dans une cabine, et après s’être assurée de ma taille elle est allée elle-même chercher des ensembles dans les rayons.

J’ai donc essayé pour la première fois de la lingerie en dentelle, et à ma grande surprise ça ne grattait pas trop.

« Pfiou, tu es difficile ! Qu’est-ce qui ne va pas, cette fois ?

_ J’ai une tête à mettre des strings, Julia ? Franchement ?

_ Bon, OK, j’ai compris… » et cinq minutes après : « Tiens, essaie ça. » Ça, c’était un… un quoi, au fait ?

« C’est un shorty, et je suis sure que ça te va super bien. » a-t-elle répondu à travers le rideau. Une fois rhabillée, lorsque je suis sortie de la cabine, elle m’a montré les différents coloris disponibles, et je me suis décidée pour un vert pâle qui rendait bien sur ma peau dorée.

« J’ai le même en violet. » m’a confié Julia. « Virgile adore…

_ Stop ! Je ne veux pas le savoir ! » ai-je dit en me bouchant les oreilles, et elle a ri : « Allez, Louise, tu te doutes bien que ton neveu n’est pas arrivé là tout seul. » a-t-elle gloussé en désignant son ventre.

Puis, comme je me dirigeais vers la caisse, elle m’a demandé : « Tu as une nuisette digne de ce nom, au moins ? Ou tu mets encore ces affreux pyjamas informes ? » Tout en parlant, elle m’entrainait dans le rayon adéquat, et là j’ai freiné des quatre fers :

« Julia, c’est hors de question que je mette un truc en soie, j’aurais trop peur de l’abimer, avec Attila…

_ Mais Louise, c’est pour jouer avec Paul, tu sais, pas avec le chien… »

Et nous avons rigolé comme deux copines. Nous n’avions jamais été aussi complices, et elle a réussi à me persuader. J’ai acheté une nuisette satinée, blanc cassé, avec un ruban noir sur le bord. Puis nous nous sommes séparées, et je rentrai chez moi où Attila m’attendait.

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