Chapitre 25
Le dimanche matin, il était à peine 7 heures quand j’ouvris les yeux. Attila commença à remuer peu de temps après, et plutôt que de risquer de réveiller Paul comme la veille, je décidai de sortir. Après m’être habillée, je pris mon portable et la laisse de mon chien, et nous avons quitté la chambre en silence. La maison était calme, tout le monde dormait encore. Au rez-de-chaussée, je tâtonnai un peu pour ouvrir la porte d’entrée, et Christine arriva, en peignoir et pantoufles.
« Tout va bien, Louise ?
_ Oh, je vous ai réveillée, je suis désolée !
_ Non, ne t’inquiète pas, j’étais levée depuis un moment, je ne dormais plus. » me rassura-t-elle. « Veux-tu déjeuner ?
_ Pas tout de suite, merci. Je vais aller courir, d’abord. »
Elle s’inquiéta de la température extérieure, du fait que je ne connaisse pas les environs… et je dus promettre d’appeler si j’avais le moindre problème. Une vraie mère poule !
Je courus une petite heure, et me retrouver seule avec mon chien me fit le plus grand bien. A mon retour, vers huit heures, je nourris Attila, et Christine décida de déjeuner en même temps que moi puisque les hommes dormaient encore. Thé, brioche et confiture faites maison. Nous avons parlé longuement, et refait chauffer de l’eau pour une deuxième tournée de thé. Je ne sais comment, la discussion a finalement roulé sur ma mère, et je me suis confiée.
« Je ne l’ai pas vue depuis quatre ans. Je n’ai pas de nouvelles non plus. En fait, je lui en veux… » conclus-je après avoir expliqué que ma mère m’avait séparée de mon père et de mes frères, et que je les avais retrouvés uniquement « parce que, il y a sept ans, elle ne pouvait plus s’occuper de moi, et on m’a renvoyée chez mon père », évitant soigneusement de parler de prison.
Christine parut hésiter un peu, elle but une gorgée de thé, touilla le fond de sa tasse, fit une petite moue, puis presque timidement elle dit :
« Elle devait t’aimer vraiment beaucoup, pour faire une chose pareille. »
Interloquée, je la regardai sans rien répondre.
« En tant que mère, je crois que je peux comprendre. Elle avait sans doute tellement peur de te perdre qu’elle a voulu te garder pour elle seule…
_ Mais… c’est terriblement égoïste, non ?
_ Oui. Elle n’a pas pensé à ton intérêt, en faisant cela. Mais peut-être que tu dois le prendre comme une preuve d’amour de sa part… »
Je ne répondis pas, absorbée dans la contemplation des petites feuilles de thé, au fond de ma tasse, qui s’étaient échappées de la théière. J’avais matière à réfléchir.
« Veux-tu encore du thé, Louise ? » proposa Christine. Je déclinai son offre, et Attila se redressa au même moment, émettant un bref aboiement d’alerte : il y avait du mouvement dans la maison.
Paul arriva peu après et nous embrassa toutes les deux. Puis il s’assit près de moi, et étala une épaisse couche de confiture d’abricot sur une tranche de brioche.
Après avoir copieusement déjeuné, il me proposa :
« Un tour à moto, ça te dit ?
_ Heu… oui, mais…
_ Attila peut rester dans la chambre, ça va aller. »
J’acceptai en souriant, il semblait avoir vraiment envie de me faire découvrir la moto. Après une douche rapide, j’enfilai mon jean et un T-shirt, mes baskets. Christine me prêta son blouson renforcé et une paire de gants épais, et je rejoignis Paul qui sortait du garage la moto de Stanislas. Derrière elle, était garée celle de leur père.
Paul portait un jean, des bottes en cuir noir avec une grosse boucle sur la cheville, un blouson noir, des gants assortis et un casque. Haussant un peu la voix pour couvrir le bruit du moteur, il me dit :
« Je vais faire le tour du pâté de maison pour apprivoiser la bécane, et je reviens. Il y a un casque qui devrait t’aller sur l’étagère : le premier à droite. »
Je le regardai enfourcher la moto de son frère, et sortir de la cour. J’écoutai décroître le bruit du moteur avant d’aller essayer le casque de sa mère. J’étais étrangement serrée dedans. Je le retirai pour l’attendre. Il ne tarda pas, et mon ventre se réchauffa lorsque je le regardai mettre la moto sur sa béquille, et en descendre.
Paul s’approcha et je le matai sans vergogne.
« Alors, le casque ? »
Je l’enfilai pour toute réponse, et il se baissa un peu pour m’aider à l’attacher. Je déglutis avec difficultés en sentant ses mains sous mon menton. Je fermai les yeux pour me calmer, sentant le désir monter en moi.
« Ça va, Louise ? »
Ses yeux bicolores, inquiets, me détaillaient derrière la visière de son casque, et je souris pour le rassurer. Enfin, je me trouvai derrière lui sur la moto, mes bras passés autour de sa taille, et il quitta doucement la cour, descendant prudemment le trottoir. Malgré cela, je lui filai un coup de tête dans la manœuvre, et les deux casques s’entrechoquèrent.
« Doucement… Ne laisse pas ta tête derrière la mienne, mets-la sur le côté. » me dit-il.
« De quel côté ?
_ Celui que tu veux, Louise. » Au son de sa voix, je savais qu’il était amusé par ma question.
Paul tourna un peu dans les rues du quartier, puis sortit du village et prit de la vitesse. La présence du top-case derrière moi était rassurante : je ne risquais pas de tomber en arrière lors d’une accélération… Paul s’assurait régulièrement que ça allait, et c’était étrange de l’entendre aussi bien, de pouvoir se parler aussi facilement, malgré les casques et la vitesse. On enchaina les virages, au début doucement, puis plus vite, penchés sur la route. C’était grisant.
A un moment, je jetai un coup d’œil au compteur : l’aiguille dépassait largement les 100 km/h. Je resserrai un peu mon étreinte autour de la taille de Paul, et fermai les yeux.
Je les ouvris en sentant l’odeur iodée de la mer.
« Paul ! On peut s’arrêter ? » demandai-je en tapotant son bras.
Il arrêta la moto sur le bord de la route déserte.
« Ça ne va pas ? » Il était à moitié tourné vers moi.
« Si, si. Je voudrais revoir la mer… »
Il nous mena quelques centaines de mètres plus loin, et coupa les gaz. J’ôtai mes gants, mon casque, et ouvris le blouson qui me tenait chaud.
« Pas de baignade aujourd’hui, Louise. » me prévint-il. Je ris :
« Je sais ! J’ai juste envie de la regarder. »
On était arrêtés sur un parking désert, à deux pas de la plage. Je m’approchai de la barrière qui séparait le parking du sable, et m’y accoudai en humant l’air, emplissant mon cœur du bruit des vagues. Paul me rejoignit, et je le regardai approcher, sexy comme tout dans ses habits de motard, son casque à la main. Son baiser me laissa pantelante. Et son sourire charmeur n’était pas pour calmer mon trouble.
« Alors, ça te plait ? »
Je ne sais s’il parlait de la balade ou de son look, mais je posai ma main sur sa nuque pour l’attirer vers moi et l’embrasser à nouveau.
On est restés là un moment, à s’embrasser en écoutant le ressac de la mer, puis Paul s’est écarté en disant : « Il va falloir rentrer… »
Nous avons regagné la moto, et il nous conduisit rapidement à la maison, après quoi le reste de la matinée défila : aider Christine à préparer le repas, mettre la table, etc. Les parents d’Alain étaient venus faire ma connaissance et fêter l’anniversaire de Paul. Il reçut de ses parents une lampe pour son salon, de ses grands-parents une enveloppe, et de ses frères un chapeau, un borsalino noir qui lui allait à ravir. Quant à moi, mon cadeau l’attendait à Clermont-Ferrand, je n’avais pas voulu m’encombrer avec et risquer de le casser…
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