Chapitre 2

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Extrait du journal intime de Marthe Jacquemin.

Mercredi 19 avril 1944.

Échaudée par l'impression désagréable du ravitaillement précédent, j'ai décidé d’emmener la chienne, son flair sera une aide précieuse. Il s'agit d'un berger des Shetlands, cette race à la particularité d'être silencieuse. Elle n'aboie jamais, elle émet parfois des grognements amicaux quand on la caresse, quand elle est en confiance, sinon elle reste muette. Nous marchons depuis environ une heure trente, je l'observe, elle paraît calme et sereine. Comme tout bon berger qui se respecte, elle ne supporte pas que nous soyons séparées de plus d'une vingtaine de mètres, aussi revient-elle sans cesse vers moi pour respecter la bonne distance.

Mais la voici soudain qui bondit et dévale la pente à toute vitesse. Tiens, elle déroge à son mode de fonctionnement habituel, à présent elle a complètement disparu. Son comportement m'alerte, je me tapis derrière un genévrier et, tous mes sens aux aguets, je tente de déceler une présence, un danger. Hormis les chants d'oiseaux et le vent qui fait bruisser les feuilles, je n'identifie aucun bruit suspect. Cinq minutes se sont écoulées lorsque Diva réapparaît. Elle a dû courir sur une longue distance car elle semble épuisée. Je lui donne à boire, mais elle ne touche pas à son écuelle. Tant pis pour elle, j'ai perdu assez de temps comme ça... Je m’apprête à poursuivre mon chemin quand elle se place devant moi, m’empêchant d'avancer.

— Allons Diva, écarte-toi, nous jouerons plus tard, laisse-moi passer !

Elle ne bouge pas. Je la pousse, elle ignore mes tentatives et revient se placer devant moi en me fixant de ses yeux noirs inquiets. Chose étrange, elle rompt le silence par de petits cris plaintifs. Aurait-elle vu ou senti quelque chose lors de sa brève escapade ? Je n'ai que dix-huit ans, mais la vie à la ferme m'a enseigné quelques principes. Les animaux possèdent des capacités de perception qui nous font défaut, nous devons être attentifs aux signes qu'ils nous envoient. C'est décidé, je vais changer d'itinéraire, quelques kilomètres de plus ne me tueront pas. Me voyant rebrousser chemin, Diva m’emboîte le pas. Je jurerai qu'elle est soulagée.

En arrivant au camp, les deux guetteurs en faction m'ont apostrophée.

— Ben dis-donc Marthe, tu as une heure trente de retard, que-t'est-il arrivé ?

Je leur dis les raisons de mon retard, en pure perte. Ils refusent de me croire, affirmant que c'est, soit une excuse pour justifier mon départ tardif de la ferme, soit l'interprétation absurde d'un éventuel danger. Heureusement que notre chef Anselme, le plus expérimenté d'entre nous, est venu à mon secours.

— Calmez-vous. La petite a la tête sur les épaules, elle ne nous a pas habitués à raconter n'importe quoi. On est en guerre, toutes les informations doivent être prises au sérieux.

Jacques, son bras droit, intervient.

— Il a raison, nous devons vérifier que les Boches ne nous surveillent pas. Qui veut m'accompagner ? Nous allons emprunter le chemin qu'elle prend d'habitude, il faudra nous montrer discrets afin de ne pas être repérés. Nous avons l'avantage de bien connaître les lieux, ce qui n'est pas le cas des Allemands !

— Je viens avec toi, répond Michel. OK, partons maintenant !

J'ai proposé de faire la route du retour avec eux, mais Anselme a refusé.

— Tu comprends Marthe, si nos ennemis nous surveillent, il faut en avoir le cœur net. Attends ici le retour des gars.

Cela m'a contrariée, je dois aider mes parents à la ferme et le travail ne se fait pas en claquant des doigts, mais j'ai dû obéir.

Deux heures plus tard, Jacques et Michel reviennent bredouilles, pas plus d'Allemands que de miliciens. Anselme prévient tout le monde.

— Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait personne au moment où Marthe est passée, restons vigilants.

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