On est lundi, il est midi et Sissi n’est pas allée faire de courses du week-end alors que c’était son tour ! Du coup, désert du Sahara dans le frigo, désert de Gobi dans les placards… même le congélo est plein de vide... Du coup, je suis obligée de me rabattre sur le self…

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô coloc’ ennemie !

Comment ça j’en fais trop ? Si vous deviez vous aussi vous taper le self, vous comprendriez ma douleur. C’est pas tant pour la purée jaune fluo, les petits pois vert électrique ou même le sourire à l’envers de celle qui dépose les plats en salle, mais bien pour la cohue perpétuelle qui règne ici à chaque instant. Pas moyen de prendre un repas tranquille, y a toujours bien un hurluberlu pour venir t’emmerder.

Tiens, qu’est-ce que je disais ? Y en a un qui vient juste de s’asseoir en face de moi alors que j’ai même pas posé une fesse sur le banc. Il me scrute de ses yeux de merlan frit et esquisse un presque sourire niais. Je hausse un sourcil et m’assieds. De toute manière, si c’est pas lui, ça sera un autre… et peut-être même qu’il sera pire.

Au moins, lui, même s’il a l’air d’avoir fumé autre chose que du tabac, il me pose pas de questions. Celui d’il y a deux semaines, il m’aurait fourrée comme une dinde de noël, j’aurais trouvé ça moins intrusif.

Tout compte fait, il est flippant à me regarder comme ça sans rien dire… est-ce que c’est possible de s’endormir les yeux ouverts ? T’as pas envie de t’casser avant que j’te les arrache à la p’tite cuiller ?

Tiens, revoilà le 1 % du temps qui reste... vous vous souvenez ? Ce petit pourcent qui fait que je me pose quand même certaines questions sur le bien-fondé de ce genre d’envies subites et quasiment irrépressibles ?

Sans globes oculaires, il pourrait plus me regarder.

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô self-control ennemi ! Pourquoi fallait-il que le self aussi soit au rez-de-chaussée ?