La chute du déni [2/2]

3 minutes de lecture

Lorsque nous entrons, il se précipite chercher des serviettes pour pouvoir nous sécher. Je reste plantée là, le regard dans le vide. Ne sachant comment réagir face à toutes ses émotions envers lui. Que dois-je faire ? Que dois-je dire ?

Je suis plongée dans mes pensées et je ne me rends pas compte qu’il est devant moi, grand et beau. Je lève les yeux vers lui, lentement, les bras contre mon corps frigorifié.

— Enlève ton manteau, Charlie. Ne reste pas comme ça, me conseille-t-il d'une voix basse. Tu veux quelque chose à boire ?

— Du whisky s'il te plaît, réponds-je sans réfléchir.

J’ai froid et j’ai besoin d’un réconfortant, quelque chose de fort. Il m’imite.

Je l’observe tout ce temps, en détails, et mon cœur n’a fait que des bons à chaque geste, et toutes ces femmes qui flottent dans ma tête. Faut-il que je lui en parle ?

Il me tend le verre et je n’ai pas bougé, le manteau toujours sur mes épaules.

— As-tu couché avec elle ? demandé-je, soudain.

— Avec qui ?

Je l’ai piqué au vif, il ne s’y attendait pas et mon estomac se noue de plus en plus.

— Ton rendez-vous.

— Non.

— Embrasser ?

Il me prend mon verre des mains pour le poser sur le bar et enlève ses lunettes pour les essuyer. Il cherche du temps pour choisir ses mots. James ne se précipite jamais quand il s’agit d’une discussion sérieuse.

— Qu'est-ce que tu veux réellement savoir Charlie ?

Il se tient là devant moi, sans ciller.

— Si tu vois... d'autres femmes.

J’ai du mal à prendre de grandes inspirations.

— Non. Ce soir, c'était une sortie au théâtre. Rien de bien romantique.

Je suis triste, triste car c’est moi qui l’ai poussée à accepter une invitation qui n’était pas sa première option. Et enfin, je l’entends dire :

— Je n'ai envie que de toi et personne d'autres. Tu assouvis tous mes désirs et mes fantasmes. Je n'ai pas besoin d'une autre femme, est-ce clair ? la rassuré-je.

Il occupe tout l'espace rien qu'à sa silhouette et il m'est impossible de refuser ses entreprenantes caresses, de succomber à cette fougue sexuelle pénible à réprimer.

Soudain, j'ai une conscience aiguë de la magie qu'il opère sur moi. Je ne pense plus à cette fichue dispute, ni à ses femmes qui, une minute avant, me volaient mon mécène. Il n'y a que lui et moi. Nos deux corps qui s'assemblent, s'emboîtent, se réclament, s'affrontent, se désirent. A chaque à-coups, c’est la force de l’envie d’être ensemble, ce soir et le plaisir le dessus sur tous les soucis du quotidien.

Assis côte à côte sur son sofa, nous reprenons nos souffles, et je sens le regard de James sur moi :

— Est-ce que pour une fois tu veux bien rester ?

Je parcours son visage avec tellement d’affection. Ses yeux supplient, sa bouche m’attire et soudain je m’approche de lui, prends un temps d'arrêt et lui pose un baiser sur les lèvres.

— C'est quoi ça ?

Il a un sourire niais qui me fait ricaner.

— Un abruti en train de sourire bêtement.

À la hâte, James m'embrasse si fort que je ressens la connexion de cet incomparable baiser. Une bouffée de chaleur envahit mon corps, mes mains moites parcourent les traits de son visage, à la fois inconnu et retrouvé des décennies auparavant. L'étrange sensation se poursuit sous les draps quand il me fait l'amour avec tendresse et douceur, yeux dans les yeux, sa bouche contre la mienne, je retiens mes larmes. Non pas par orgasme cette fois-ci, ni par tristesse. Ni de honte ni de culpabilité. J'ai envie de pleurer de joie. Par amour.

Moi qui l'évitais, qui refusais ce sentiment. Je suis tombée amoureuse comme on tombe à vélo pour la première fois. Amoureuse de mon amant. Amoureuse de James Taylor, dix-sept ans mon aîné. Un amour explosif, tempétueux, ardent. Un amour qui retourne le monde, vacille les montagnes et remue les océans. J'aime James comme je n'ai jamais aimé personne. C'est là, dans mes tripes, dans chaque centimètre de ma peau, dans les battements de mon cœur, dans les perles liquides qui me brouillent les yeux. Je souhaite un éternel moment comme celui-ci. L'énorme vide qui suit lorsqu'il se retire me susurre, enfin, la douce vérité.

Annotations

Vous aimez lire Laurie P ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0