Chapitre 1 : Prémices

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Le vendredi 5 juillet 2019, dans une rue de Reims, je chargeais le coffre de notre voiture. Cette année-là, Claire et moi avions décidé, sur les conseils d’un couple d’amis, de prendre des vacances en Bretagne, dans le Finistère Nord. Nous avions réservé un logement chez un particulier, à Roscoff. Ces amis nous avaient vanté les merveilles du Pays du Léon et les bienfaits de l’oignon de Roscoff. J'entrai l’adresse sur notre GPS. Il m’indiqua plus de 900 kilomètres. Et là, je réalisai qu’il ne m’envoyait pas à l’ouest, mais vers l’est. En Allemagne.

  • Tu as vu ? Un peu plus et on se retrouvait à Rostock, en Allemagne !
  • Oui, bah change ! me répondit Claire, un peu agacée.

Je modifiai immédiatement l'adresse. Cette fois, le GPS nous guidait bien vers Roscoff. Je démarrai le moteur et, juste avant de partir, mon téléphone sonna.

  • Allô, ici Jérôme Bongars. Qui êtes-vous et que puis-je pour vous ?
  • Bonjour Jérôme, c’est Gabriel. Je sais que tu es en vacances, mais pourrais-tu repousser ton départ ? J’aimerais que le dossier des radars brûlés soit bouclé pour la fin de semaine prochaine, mais le lieutenant Robustelli ne revient que mardi. J’aurais besoin de toi lundi.
  • Je ne peux pas, patron, j’ai réservé un appartement chez un habitant. On est attendu ce soir. Si j’annule maintenant, c’est à mes frais. En revanche, envoie-moi les documents, je travaillerai depuis Roscoff lundi.

À cette proposition, Claire réagit immédiatement, refusant catégoriquement que je travaille pendant nos vacances.

  • Je vais voir comment m’organiser, chef, je te rappelle.

Je raccrochai. Une discussion tendue s’ensuivit avec Claire, mais, au final, elle céda. Trois semaines de vacances, ce n’était pas tous les jours. Une journée de travail en plus ne ferait pas de mal.

Je démarrai enfin. Nous voilà partis pour la Bretagne.

À peine avions-nous franchi le péage de Saint-Arnoult qu’une voiture me fit une queue-de-poisson avant de freiner brutalement, ralentissant à toute vitesse. Je klaxonnai.

  • Mais quel cinglé, celui-là ! dis-je en dépassant, lui lançant un geste pour signifier son comportement erratique.

Puis, nous arrivâmes à l’embranchement de l’A10 et de l’A11. Je vis dans mon rétroviseur que le chauffard prenait la direction de l’A10, je me détendis. Mais, soudain, il braqua violemment vers la droite, manquant de créer un accident. Je pestai intérieurement.

Peu après, il accéléra et me redépassa de manière dangereuse, en nous envoyant un doigt d'honneur. Puis il fila à toute allure.

  • Bravo, belle mentalité ! soufflai-je. J'espère qu'il va croiser nos collègues des Yvelines ou d’Eure-et-Loir. Il ne mériterait que ça…

Ne t'inquiète pas, mon chéri, et calme-toi. J'ai noté sa plaque. Si tu as affaire à lui un jour, tu seras prêt.

  • Sage décision ! répondis-je en prenant la direction de Rennes.
  • Donc, tu vas vraiment bosser en vacances ? demanda Claire.
  • Oui ! répliquai-je. L’affaire des radars brûlés touche à sa fin, et mon binôme revient mardi. Le patron veut un dossier complet pour lundi. Je ferai une journée, histoire de profiter un peu de la région et de toi.
  • Profiter de la région et de ta chérie… ! rétorqua-t-elle ironiquement. Encore heureux. Sinon, j’aurais mieux fait de rester à Reims. Je voulais partir en Bretagne, mais je veux y partir avec toi, pas avec un chauffeur.

Je souris, mais nous nous rapprochions alors d’une voiture noire qui me semblait familière. Je demandai à Claire de me lire la plaque qu’elle avait notée. C’était la même que celle du chauffard de Saint-Arnoult. Là, mon estomac se noua. Il n’était pas possible que ce soit une simple coïncidence.

  • Il nous suit, Claire… Depuis Saint-Arnoult. Et maintenant, il sait où nous allons…
  • Mais c’est une pure coïncidence ! tenta-t-elle de me rassurer. Oublie ça, concentre-toi sur la route. Une fois arrivés, profite des vacances.

Je n’étais pas du tout rassuré, mais j’essayais de me convaincre qu’elle avait raison. Cela n’aurait aucun sens qu’il nous suive. Il y avait des dizaines de voitures sur la route.

Après un moment, je décidai de m’arrêter pour nous dégourdir les jambes. Nous entrâmes dans une cafétéria et commandâmes des en-cas et une boisson chaude. Claire partit chercher sa commande pendant que je payais. À ce moment, un jeune homme s’approcha de moi. Il avait à peine vingt ans.

  • Bonjour. Je vous ai vu sortir de cette belle voiture italienne avec un autocollant de Woinic. Vous êtes d'ici ?
  • Pas moi, non, répondis-je. Mais ma compagne, oui.
  • D’où est-elle ? me demanda-t-il.
  • Un petit village du nord ardennais. Je ne pense pas que vous connaissiez.
  • Je suis moi-même ardennais. J’habite et je travaille à Monthermé.
  • Ah oui, je connais. Ma compagne est de Fumay. Et on a acheté cette voiture à Charleville-Mézières.
  • Ah, vive les Ardennes ! renchérit-il. Et vous, vous allez où ?
  • Trois semaines de vacances dans le Léon.
  • Vous allez adorer ! C’est magnifique là-bas. Roscoff, Saint-Pol-de-Léon, et l’Île-de-Batz, c’est vraiment un coin charmant.
  • Vous semblez bien connaître la région, dis-je, en terminant mon café.
  • J’y vais tous les ans. Je ne m’en lasse pas. Les gens sont tellement accueillants.
  • Parfait alors, répondis-je, sentant que la conversation s’éternisait. Je vais devoir vous laisser, on a encore trois heures de route.
  • Bien sûr ! Bonne route à vous deux.

Je m’éloignai et retournai vers ma voiture, sans remarquer qu’il me suivait. Une fois dans le véhicule, je racontai cette rencontre à Claire, qui remarqua qu'il m’avait emboîté le pas sans que je m’en aperçoive. Peu importe, pensais-je. Je reculai pour sortir de la place de parking, et mon regard se posa sur la voiture juste à côté de la nôtre. La plaque d’immatriculation : 36 CDB 08. Mon sang se glaça. C’était lui. Le chauffard. Je devais avoir pâli, car Claire le remarqua immédiatement.

  • Tout va bien, mon Jérôme ?
  • Le jeune homme que tu as vu sortir juste derrière moi… C’est celui avec qui j’ai discuté.
  • Est-il monté dans la voiture qui était à côté de la nôtre ?
  • Oui. Pourquoi ?
  • En es-tu certaine ?
  • Absolument.
  • Alors c’est lui ! affirmé-je. C’est le chauffard qui nous suit depuis Saint-Arnoult. Et maintenant, il sait où nous allons.
  • Ce n’est qu’une coïncidence, tu te fais des films. Oublie ça et concentre-toi sur la route. Une fois arrivés, on pourra enfin profiter des vacances.

Mais je n’étais toujours pas convaincu. Il y avait quelque chose de louche dans cette histoire.

Nous arrivâmes à notre petit appartement, et après avoir salué notre hôte, Claire et moi décidâmes de dîner dans le restaurant italien au bout de la rue. À ma grande surprise, la voiture noire était garée sur le bas-côté, juste devant l’entrée. Je ne pouvais pas y croire. Deux choix pour dîner : l’italien ou la crêperie, fermée. Le malaise grandissait en moi. Mais une fois à l’intérieur, après avoir observé la salle des yeux, je ne vis aucune trace de notre mystérieux inconnu. Un soulagement fugace.

Après un repas agréable, nous retournâmes vers notre logement. J’espérais que la voiture ardennaise aurait disparu. Et, effectivement, elle n’était plus là. Disparue, comme par magie. C’était étrange…

Je tardai à trouver le sommeil, mon esprit encore occupé par cette rencontre perturbante. Demain serait un autre jour…

Le lendemain matin, à peine avions-nous pris notre petit-déjeuner que mon portable sonna. C’était mon supérieur.

  • Jérôme, désolé de te déranger pendant tes vacances, mais j’aurais besoin de toi. Nos collègues de Saint-Pol-de-Léon…
  • Pourquoi ? répondis-je, étonné. Un gendarme flashé ? Un problème avec une prune ?
  • Non. Un meurtre sur l’Île-de-Batz.
  • Quoi ?
  • Un enseignant de l’école primaire de l’île. Poignardé dans le dos. Le pauvre homme. Au moins, il n’a pas dû souffrir. Mais le plus inquiétant, c’est que le facteur et un restaurateur sont portés disparus. Tout le monde à Batz redoute le pire…
  • Quand ça a eu lieu ? demandai-je, le cœur battant.
  • Aucune idée. Peut-être ce matin… Ou hier soir. Contacte la brigade de Saint-Pol-de-Léon pour plus de détails.
  • Ce matin ou hier soir, ce n’est pas la même chose. Cela pourrait tout changer pour le tueur…

Je composai immédiatement le numéro de la brigade. Après plusieurs minutes d’attente, une voix féminine se fit entendre.

  • Gendarmerie de Saint-Pol-de-Léon, lieutenant Maja Orlović. En quoi puis-je vous aider ?
  • Maja ? C’est Jérôme !
  • Jérôme ! Ça alors ! Je suis ravie de t’entendre, même si ce n’est pas dans les meilleures circonstances…
  • Je suis heureux de te retrouver aussi, mais…
  • Comment comptes-tu te rendre sur l’île ? Les traversées sont suspendues depuis hier matin…

Le sang me monta à la tête. J'avais besoin de cette île. Si le meurtre avait eu lieu hier soir ou ce matin, le tueur pourrait être là.

Une chance de le coincer rapidement…

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