Chapitre 2 : Une nouvelle qui tombe mal

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Je fis un bref rappel de ma conversation téléphonique à Claire ce qui n'était pas pour la rassurer, puis je pris la route de la brigade de gendarmerie de la cité voisine de Saint Pol de Léon où m'attendait Maja…

  • Capitaine Bongars, comment vas-tu ? Je te sers un café ? me demanda Maja en me tendant une tasse.
  • Je veux bien, même si je ne suis pas ici pour boire un café… Que sait-on déjà de ce qu'il s'est passé sur l'île ?
  • Pas grand chose. Un jeune homme nous a appelés après avoir découvert le corps sans vie d'un enseignant de l'école primaire et le facteur n'aurait pas honoré sa tournée ce matin. Tu sais, Jérôme, quand il se passe la moindre chose sur l'île, tout le monde est rapidement au courant. On ne risque pas d'avoir un accueil agréable. Surtout toi !
  • Et pourquoi ça ? Je suis ici pour trouver qui a tué leur professeur, leur collègue, leur ami, pourquoi il a été tué et, surtout, trouver réponse à ces questions le plus rapidement possible.
  • Ce n'est pas ça. Je suis connue ici. Pas toi. Tu sais, les Batziens et, plus largement, les Finistériens et Bretons ne sont pas dupes. Ne te connaissant pas, ils sauront que tu ne viens pas de la région. Et sur l'île, on n'aime pas trop les étrangers, me dit Maja pour me taquiner. Mais quand ils verront ton professionnalisme, ta rigueur et ta disponibilité, je suis sûre qu'ils sauront te pardonner et t'accepter…
  • C'est sympa, merci Maja. Bon, et si on prenait le bateau pour l'Île de Batz ? proposais-je. Le tueur est probablement encore sur l'Île. Nous devons faire vite si nous souhaitons l'arrêter…
  • Allons-y mais, un conseil, ne dis pas "le bateau pour l'Île de Batz" mais plutôt "la vedette pour l'île". Il n'y a que l'Île de Batz ici.

Nous nous dirigeâmes vers l'embarcadaire où l'employé nous indiqua qu'aucune vedette ne se rendait sur l'île pour le moment : Décision préfectorale suite au meurtre matinal. Après les cartes de gendarmerie présentées, bizarrement, des départs étaient possibles. Je pensais que nous allions embarquer à deux, Maja et moi, mais deux autres personnes prirent le bateau avec nous. Nous fîmes leur connaissance à bord : il s'agissait du maire de Saint-Pol de Léon et du préfet du Finistère. Des journalistes voulaient se joindre à nous mais on leur fit comprendre qu'ils n'étaient pas les bienvenus, la presse serait avertie en temps voulu…

***

Une fois arrivés sur place, nous fûmes accueillis par Josselin Le Mouël, le maire de l'île. Il nous dit craindre pour la vie du facteur porté disparu, et même pour tous les iliens. Son argument était qu'on ne savait pas qui serait le prochain. Nous lui promîmes de faire de notre mieux.

  • Rapidité et précision sont nos maîtres mots, monsieur le Maire, lui affirmais-je, en composant le numéro des Vedettes de l'île de Batz.

Après une attente de plusieurs minutes, une douce voix féminine me répondit. Ça tempérait avec l'ambiance sur l'île !

  • Ici le capitaine Bongars de la brigade de Reims et le lieutenant Orlović de celle de Saint Pol de Léon. Suspendez toute traversée et croisière jusqu'à nouvel ordre ! Personne ne doit quitter l'île…
  • Que va-t-on faire maintenant ? me demanda le maire.
  • Déjà, il faudrait connaitre la date de la mort, puis interroger toute personne présente sur l'île depuis ce moment-là, répondis-je.

C'est alors qu'arriva le médecin légiste pour les premières constatations puis nous partîmes vers la scène de crime. Une fois sur place, le maire eut un mouvement de recul devant le carnage. Maja et moi le soutenions. Puis il fondit en larmes devant la dépouille du professeur. Le médecin légiste s'engagea de nous fournir rapidement les causes du décès.

Maja et moi décidions de partir à la rencontre des habitants afin de les interroger au cas où quelqu'un aurait vu ou entendu quelque chose. Inutile de préciser que nous avons reçu un accueil, pour le moins, délétère…

Personne ne consentait à nous parler !

Je remarquai alors une jeune fille qui nous épiait. Maja et moi décidâmes d'aller à sa rencontre.

  • Bonjour, Capitaine Jérôme Bongars, dis-je en montrant ma carte avant que Maja ne fasse de même avec la sienne. Qui êtes-vous ? lui demandais-je.
  • Une Batzienne, me répondit-elle.
  • Ça, je me doute. Mais quelle est votre identité ?
  • Qu'est-ce-que ça peut vous foutre ?
  • Houla, on va se calmer ! Sinon, je vous embarque…
  • Ah oui ? Et en quel honneur ? me demanda-t-elle.
  • Outrage à agent dépositaire de l'autorité publique. Vous encourez jusqu'à 1 an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. À vous de voir… lui répondis-je !
  • Je vous prie de m'excuser, tout le monde est un peu à cran, aujourd'hui. Je m'appelle Svetlana.
  • Où étiez-vous ces deux derniers jours ?
  • Ici, je n'ai pas bougé de l'île. Entre mes cours et mon travail, je n'ai pas le temps de bouger.
  • Où travaillez-vous ? questionna Maja.
  • Je suis professeur de piano et je travaille dans une petite crêperie dans la rue principale. Vous pouvez vérifier...
  • Mais on va vérifier ! affirmais-je.
  • Je peux y aller ? me demanda-t-elle.
  • Je vais prendre votre numéro de portable, il est possible que nous vous rappelions dans le cadre de l'enquête.
  • Quelle enquête ?
  • La mort d' Alban Le Pennec, un des instits de l'école.
  • Ah oui, c'est vrai. Pauvre Alban. Voici mon numéro, dit-elle en me l'écrivant sur un morceau de papier.
  • De toute façon, nous vous ferons venir prochainement à la brigade pour vous interroger sur votre emploi du temps ces dernières vingt-quatre heures…

Svetlana acquiesça et nous prîmes congé d'elle, retournant auprès du maire. Maja me demanda ce que j'en pensais.

  • Elle est bizarre. Je ne la sens pas cette fille. Et puis cette insolence quand on s'est présentés à elle. Après, il ne faut pas se fier à des apparences, mais je pense qu'elle a gagné un petit interrogatoire un de ces jours.
  • Oui. Il sera intéressant d'écouter ce qu'elle a à nous dire. Peut-être a-t-elle vu ou entendu quelque chose…
  • Exactement. Voudras-tu l'interroger ?
  • Non, je te laisserai ce privilège, Jérôme. Tu n'auras qu'à l'auditionner avec l'adjudant Crépin. Toi, le flic sympa pour détendre l'atmosphère et lui pour la cuisiner. Le duo infernal !

***

De retour au port de Roscoff, des journalistes nous abordèrent, à la limite de l'agression. Nous tentâmes de les calmer, en vain. Tout en retournant vers notre voiture, je haussais le ton.

  • Je vous ai informés que vous, les journalistes, seriez avertis en temps réel. Laissez l'enquête avancer.
  • On fait notre travail, me dit le journaliste.
  • Et bien, laissez-nous faire le nôtre, renchérit Maja.

Une fois arrivés à la voiture, mon regard fut attiré par une voiture garée juste à notre droite. Sa place d'immatriculation m'était bien connue : 36 CDB 08.

  • Encore ! dis-je, surpris par cette présence.
  • Que se passe-t-il ? questionna Maja.

Je lui expliquai toute l'histoire. Au fur et à mesure du récit, je voyais Maja de plus en plus étonnée. Un détail, de la plus haute importance, m'apparut alors comme une évidence : la voiture à côté de la nôtre était…grise ! J'allai vérifier la plaque. Rien à faire, on y lisait bien "36 CDB 08". De plus en plus bizarre, pensais-je. Un seul moyen d'en avoir le temps le cœur net : aller vérifier dans notre base de données quelle voiture est enregistrée avec cette plaque. J'aurais ainsi les coordonnées du propriétaire…

De retour à la brigade, j'entrais la plaque d'immatriculation. L'ordinateur trouva une correspondance… La voiture de la discorde appartenait à un certain Maxime Piaget et elle était noire. Mais elle correspondait au modèle de la grise. Et quand je vis les procès verbaux dressés, cela attisa ma curiosité. Verbalisé par les gendarmeries de Lesneven et Landerneau pour délits de fuite et outrage à agent. Je notai l'adresse sur un morceau de papier et demandai à Maja de m'accompagner. Maxime Piaget était domicilié, rue de Naot Hir à Brignogan-Plages. Ma collègue proposa d'appeler mais je pensais qu'il nous serait plus efficace d'arriver sur place à l'improviste. Mais nous trouvâmes porte close. Une enquête de voisinage s'imposait. Mais entre les propriétaires absents et ceux qui ne voulaient rien dire, nous perdions notre temps. Maja eut alors une idée de génie : elle proposa d'appeler la mairie. La secrétaire répondit, je lui présentai la situation.

  • Attendez que je regarde dans les registres, je ne voudrais pas vous dire de bêtises, mais il me semble que monsieur Piaget est mort.

L'attente fut interminable. Ce que j'allais entendre fit l'effet d'une bombe.

  • Je vous confirme. Monsieur Piaget est mort.
  • Mais c'est impossible ! dis-je à la secrétaire de mairie. Sa voiture est garée sur le quai à Roscoff.
  • Écoutez, je vous crois, renchérit-elle, mais j'ai le registre sous les yeux.
  • Quelle est sa date de mort ?
  • Le mardi 12 février 2013.

J'étais surpris. Cela faisait plus de 6 ans qu'il était mort…

Mais alors, qui était propriétaire de la voiture ? Et qui en était le conducteur ? Je n'allais pas tarder à le savoir…

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