Il y a le départ poussé par la colère et la perdition. J'avais la tête pleine de points d'interrogation, des questions sans sujet et sans direction. Les voix se sont tues, les rues se sont vidées. Le vent m'a nettoyé l'esprit.

Ma voix a ouvert la bouche, et le vent est aussi entré par là. J'ai chanté des chansons intimes. J'étais un bienheureux.

Au loin, du vide, est arrivé quelqu'un. C'était moi, un moi. Je me suis rencontré sur la route et me suis ouvert les bras, tout innocent que j'étais.

Celui-là était sale et cru. Il voulait être vu, séduire et baiser. Mais il était surtout plein de ressources, plein de cette riche virilité qui gagne ses batailles au forceps. Un très bon compagnon de route quand on est incapable et apeuré comme moi !… Alors il m'a rejoint, et nous avons voyagé de pair.

Grâce a lui j'ai osé, beaucoup, trop. Beaucoup trop. Il n'est pas d'accord, pour lui c'est normal. Il ne comprends pas. Il dit que je lui fais honte, il me fait taire, il hausse le ton quand je veux parler. Au fond je le comprends, et je le laisse faire parce que seul, je suis bien incapable.

Incapable de quoi.

Incapable de quoi ??

Incapable de faire du mal sciemment, incapable d'être égoïste, incapable de piéger, de violer ! La belle affaire. La belle arnaque. Et toutes ces choses commises en ton nom, j'ai tué au nom de ta liberté, grand salaud !! Mais jamais au nom de la mienne.

Tu étais mon cru, et tu le resteras toujours, mais écoutes-bien ce que j'ai à te dire. Tu donneras ta sueur pendant les jours maigres, tu donneras ton corps pour me bâtir mes rêves, tu donneras ton souffle à mes cris de justice, mais pour le reste et tout le reste, tu t'effaceras.

Désormais c'est moi qui te contrôle. Mon cru, tu seras ma chose, mais plus jamais ma voix. Merci pour tes bons services, je reste maître à bord.