Jusqu'au bout de la nuit...

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Nos pas nous menèrent jusqu'à la plage balayée par le vent et les vagues. Elle avait enlevé ses chaussures et relevé sa jupe, ses pieds semblaient frôler le sable mouillé sans cesse par l'eau de mer. Elle me donnait les coquillages qu'elle trouvait à la lumière de la lune et qui avait l'honneur de plaire à ses yeux scrutateurs.

- C'est pour mon chemisier... Une commande d'une dame pour son prochain voyage à Tahiti. Je vais coudre ces coquillages sur le plastron.

Je ris. Elle se tourna vers moi.

- Je peux savoir ce qui t'amuse ?

- Toi... et tes drôles d'idées !

Elle s'arrêta d'un coup et mis les poings sur les hanches avec un regard mi rieur, mi furieux.

- Quelles drôles d'idées ?!

- Faut-il vraiment que je te les énumère ? Regarde toi ! Ta façon de t'habiller, tes cheveux, ta lampe à pétrole...

- Et bien qu'ont-elles de si amusant ?

- Ma chère Blanche, il n'y a que toi pour faire des choses pareilles...

Elle tourna autour de moi.

- Et alors ?! Cela ne convient pas à votre esprit délibérément attaché aux façons de faire du XXIeme siècle ? Serais - je une amie trop " vieux jeux" pour un jeune comme vous ? Ma lampe à pétrole vous éblouit elle les yeux de son ardente flamme ? Mon chignon laisserait- il des mèches venir vous aveugler ? Ma jupe vous empêcherait-elle de marcher ?

Elle s'était éloignée de quelques pas et faisait semblant d'être fâchée. Je posai les coquillages sur le sable et courut la rejoindre.

- Noble dame des anciens temps, votre jupe ne me gêne guère et vos cheveux ne font que m'enivrer; la lumière de votre lampe n'est que l'éclat de votre regard si doux... Vos habits ne font que refléter la beauté de votre jeunesse... Si l'éclat de ma joie vous fit défaut _ je joignis le geste à la parole_ me voilà à genou devant vous, implorant votre pardon...

Notre petit jeu l'amusait. Elle s'en fut vers les vagues et à mon approche se mit à lancer de l'eau dans ma direction.

- Félon ! Gougeat ! Vous ne pensez pas un mot de votre discours !!

Elle riait et je riais aussi, essayant de traverser l'écume pour la rejoindre. Quand enfin j'y parvins, je la pris dans mes bras pour plonger dans les vagues. Suffocants à cause de l'eau et de notre fou rire, nous en sortîmes trempés.

- Ah !... Eric ! Ma jupe est fichue !

Elle me disait ça en souriant, essorant sa chevelure.

- Tu ne peux t'en prendre qu'à toi, répliquai-je

- Quoi ?! Et qui m'a lancée dans l'eau ?!

- Tu y étais déjà...

Nous nous approchâmes l'un de l'autre alors que nous nous arrosions mutuellement de noms d'oiseaux.

Son regard brillait. Je la pris par les hanches.

Blanche sursauta ; je m'éloignais promptement pour ramasser les coquillages. Je ne voulais pas la brusquer.

Et nous reprîmes notre marche sous les étoiles, amusées de nos disputes feintes et de nos solennelles réconciliations.

Le silence s'était installé de nouveau, mais il ne me dérangeait pas. Au contraire, il m'enhardit et j'osai enfin poser une question à ma compagne.

- Blanche, habites-tu ici ?

- Oh non ! J'y viens en vacances...

- Pourquoi ?

Elle secoua la tête.

- Je n'ai pas envie d'en parler...

Elle se tourna vers moi et me prit les mains avec effusion :

- Oh Eric ! Pourquoi à chaque pas que je fais, le passé ressurgit et la menace plane ? Pourquoi ne puis-je passer quelques moments de paix avec ceux que j'aime ?

- Blanche...

Je l'attirai contre moi.

- Je crois connaître une partie de ton secret. Mais je ne te demande rien. Quand tu le voudras, je serai là prêt à t'aider... Je ne peux t'offrir rien d'autre que mes bras comme refuge, mon corps comme rempart. Ils t'ont blessée, ma Blanche, et tu ne peux guérir toute seule. Je suis là. Prêt à tout pour toi, pour ne voir sur ton visage que ton beau sourire et tes yeux brillants de bonheur.

Blanche...

Il était temps pour moi de te dire mon secret.

Je mis mon visage dans ses cheveux humides et sentit son parfum à travers le sel.

-Blanche, belle Blanche... ne sais-tu pas que je t'aime ?

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