Négociations, âpres négociations
- Mais bien sûr que Blanche peut venir passer les vacances avec nous mon chéri ! Ça me ferait tellement plaisir de la revoir !
Maman était toute émoustillée et avait les joues qui rosissaient de bonheur. Papa nous avait rejoint et pour l'instant, essayait tant bien que mal d'ingérer les informations données par son épouse à la vitesse de l'éclair.
- Blanche la CP de Jeanne... Elle était venue à la maison il y a sept ans... Voyons Philippe, tu t'en souviens ?! Blanche ! La fille d'Alexandre et Félicité ! Fais travailler ta mémoire voyons ! Eric et moi l'avons croisé il y a quatre ans sur les murailles... la pauvre petite a perdu sa mère...Tu sais, Félicité ! Quelle tristesse ! Elle était si jeune ! Et si aimable ! Et...
Papa eut beaucoup de mal à suivre le débit de paroles de ma chère maman mais en comprit assez pour donner son accord pour que je l'amenasse tout de suite.
Je retins mon impatiente encore quelques minutes car j'avais encore une chose à demander à ma mère.
- Maman ? Il y aurait quelque chose que je voudrais te demander... C'est à propos de la voisine.
- Sylvie ? Il y a un soucis avec elle ? Je sais que tu ne l'apprécie pas mais c'est une vieille dame charmante... envahissante mais charmante. Elle est si malheureuse ! Éric, elle a vécu une tragédie : son propre fils l'a accusée de diffamations... et maintenant il ne veut plus lui parler... et ça va faire quinze ans qu'elle n'a pas vu ses petits enfants !
Songe un peu à sa détresse !
- Si tu veux... mais je ne veux pas la voir tourner autour de nous quand Blanche sera là. C'est l'ultime condition pour que j'aille la chercher. Notre voisine ne doit pas voir, regarder ou parler à Blanche. Et si elle peut ne plus venir ici c'est encore mieux.
Maman me regarda sévèrement.
- Eric ?! Qu'est-ce que ça veut dire ? En voilà une condition ridicule ! Et pourquoi ?
Papa ne disait rien car je sentais bien qu'il était plus que ravi de ma condition. Il trouvait notre voisine insupportable.
Prenant mon mal en patience devant la réaction sans doute justifiée de ma mère, je lui remettais peu à peu la scène qui avait suivi la cérémonie d'enterrement.
Le groupe avec au milieu une vieille dame aux cheveux auburn et bouclés.
Maman ne voulut pas croire à mon hypothèse. Papa se joignit à moi. Mais maman ne cédait pas. Elle avait pris la voisine en pitié plus qu'en amitié, mais refusait d'accepter cette condition qu'elle trouvait cruelle et ridicule.
Nous finîmes par trouver un accord : maman continuerait d'accueillir la voisine mais aucun de nous ne lui parlerait de Blanche et personne ne répondrait aux questions indiscrètes qu'elle pourrait poser.
Maman avait un cœur en or et c'était bien la première fois que j'eus l'envie de le lui reprocher.
Je fus sage de m'abstenir de ce genre de remarques et partit chercher Blanche. J'étais si heureux que je laissais Paul m'accompagner pour éventuellement porter ses bagages.
Paul avait vingt-six ans et avait ouvert son studio photographique l'année passée. Il était bien bâti et faisait rougir la plupart des jeunes filles qui se retrouvaient à l'écouter. Plus populaire que les beaux garçons d'Hollywood dans notre ville auprès des filles, on ne comptait plus le nombre de ses soupirantes.
Mais Paul s'en fichait royalement. Au fond, c'était un romantique qui cherchait la fille idéale et faire rougir la gente féminine n'était pour lui qu'un amusement.
Aucune de ces personnes ne le connaissait vraiment.
Paul était passionné d'Histoire et de spectacles pyrotechniques.
Sa plus grande fierté avait été de travailler un été comme acteur au Puy du fou. Il avait adoré et nous l'avions trouvé magnifique dans son costume antique.
Paul était plus qu'un frère, c'était mon meilleur ami.
Depuis l'enfance nous avions tout partagé, tout essayé ensemble. Nos bêtises et nos farces nous les faisions et en subissions les conséquences ensemble.
Les petits chagrins et les grands challenges nous les surmontions ensemble.
Il m'avait soutenu dans mon projet d'étude alors que nos parents étaient réticents.
Je voulais étudier l'ostéopathie en Amérique, auprès du célèbre professeur M..., qui m'avait fait l'honneur de répondre à ma demande de stage, lui qui était réputé pour travailler seul.
Grâce à Paul et à son soutien, papa et maman me laissèrent partir. Donc grâce à lui mon stage de quelques semaines s'était transformé en trois ans d'études intensifs.
Je n'étais revenu en France que la semaine passée et il me restait six mois encore avant de pouvoir exercer.
J'avais hâte de passer mon diplôme. Exceptionnellement, grâce à l'intervention du professeur devenu un mentor et un ami, je pouvais passer mon examen en Amérique en novembre.
Nous arrivions en vue de la location de Blanche.
La porte était ouverte.
Et les pièces étaient vides.
Blanche.
Insaisissable Blanche.
Où étais tu donc encore passée ?
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