PROLOGUE
Au début, ils étaient deux,
Accoudés au bastingage, dans le vent agité d'une nuit plutôt paisible, deux hommes riaient aux éclats. Cette scène représentait une de leur soirée habituelle. Des cheveux blonds voletaient dans tous les sens, se collant à des lèvres humides qui essayaient de boire au goulot d’une bouteille de rhum empruntée à Capitaine.
Ils échangeaient des banalités et des parties secrètes de leur être que l’alcool avait fait resurgir mais ils ne se touchaient pas, un seul contact : celui de leurs bouches posées l’une à la suite de l’autre sur le goulot en verre réchauffée par le contact de leur peau.
- J’t’aime vraiment bien Tolyc, annonça le pirate un peu trop ivre. Mais cette coiffure, ça va pas être possible.
Tolyc passa ses doigts dans ses petites boucles qui s’étaient repliées sur son crâne. Il les avait coupés il y a peu.
- Qu’est-ce qui te dérange ? demanda Tolyc en levant la bouteille presque vide au-dessus de son visage.
La lumière de la lune qui se répercutait sur le contenant, éclaira de mille feu le contenu. « Ça ira » semblait dire le sourire qui se dessina sur son visage.
- Les cheveux longs, ça t’allait trop bien… commença-t-il avant d’être interrompu par une nausée qui l’obligea à rendre le contenu de son estomac à l’océan.
Tolyc s'aperçut qu'il n'aurait pas dû faire autant boire son compagnon. Les doigts en crochet contre le bois du bastingage, plus qu'ivre, il semblait en proie à des vertiges. Doigt par doigt, Tolyc s'empressa de le dégager de la menace de tomber à l'eau. Appuyé tout contre lui, Tolyc avait la vague impression d'avoir un poid mort. Son compagnon ne tenait plus debout et baragouinait des regrets sur les changements capilaires. Une dernière fois, Tolyc souleva la bouteille à hauteur de sa bouche en priant pour que son père ne se rende pas compte de la disparition de cette dernière. Il but une gorgée. Son oeil capta l'image d'un éclair, il leva la tête et aperçut un flash de lumière si épais qu'il ne pouvait être naturel déchirer le ciel. Puis un craquement. Et le grand mas se brisa en deux.
Le choc de l’eau glacé le sortit de son inconscience en un clin d’œil. Prêt à s'en prendre à Tolyc pour le réveil violent, il ouvrit les yeux et prit conscience de l'endroit où il se trouvait. Dans l’océan. Un poisson lui passa dans sa chemise ouverte tandis qu’il se battait pour comprendre ce qu’était cette forme qui coulait devant ses yeux. Il attrapa le poisson qui menaçait de descendre dans son pantalon et l’envoya au loin. Le pirate remonta à la surface pour reprendre son souffle. Aucun bateau à l'horizon. Derrière lui, il découvrit l'immense maléfice qui entourait Loum. Un amas de vague blanches, une forme puissante de magie qui réduisait n'importe qui qui la touchait en cendre. Ils n'auraient jamais dû être aussi proche de Loum. Le maléfice s'était-t-il étendu ?
Il replongea, les poumons remplis d'air. Un mauvais pressentiment lui serrait le coeur. Il nagea pour rejoindre cette forme mais elle semblait s'enfoncer à toute allure dans les profondeurs. Il avait des poumons plus puissants que n'importe quel pirate mais il n'y parviendrait pas. Les flots l'entrainaient, lui comprimaient le crâne et lui volaient l'espoir d'atteindre ce qu'il savait sans certitude être le navire qui l'avait vu grandir. Il parvenait à identifier la forme des mats qui s'étaient sans exception s'effondrer sur le pont. Tolyc devait être coincé sous les toiles lourdes et trempés. Il n'avait aucune chance de s'en sortir.
Le seul survivant du bateau abandonna son navire et remonta vers la surface. Mais les flots en décidèrent autremment et il se sentit attiré dans une direction qu'il n'aurait jamais dû approcher. Il ferma les yeux, prêt à être foudroyé.
Puis il n’en resta qu’un.
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