Chapitre 2

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Les gémissements se transformèrent si rapidement en toux que Dagmar ne put s'empêcher de le mettre sur le côté. Il y vomit de l'eau, sans reprendre conscience. Elle soupira de soulagement.

  • Déplacez-vous ! ordonna la voix froide d'un conseiller.
  • Dagmar, lève toi, l'invita Octave en l'aidant à se mettre sur pieds.

Elle s'en voulut d'imposer à Octave de la diriger comme une poupée de chiffon. Elle ne lui faisait pas un cadeau. Tout en muscle, elle était à la fois plus grande et plus lourde que lui. Trois conseillers s'approchèrent, encore sur leur chevaux qui levèrent leur museau quand les conseillers tirèrent en concert sur les rênes enfonçant les mors dans la bouche des bêtes.

Elle reconnaissait les trois conseillers, ils étaient à sa soutenance sur les effets de l'Âme sur le corps. Le fait qu'ils se soient déplacés à trois renforcait ses craintes. La femme rousse descendit de son cheval et laissa les rênes à un conseiller brun dont le visage était fermé. Glissant à terre, la conseillère faisait une tête de moins que Dagmar mais elle la dépassait de beaucoup. Deux tresses descendaient sur sa poitrine, elle les repoussa d'un geste dans le dos et sans un regard pour les villageois regroupés, elle donna un coup de botte à l'intru. Il ne bougea pas d'un pouce et ça la fit grogner.

  • Qu'est-ce que c'est que ça, grommela-t-elle en repoussant le visage d'un coup de botte pour qu'il ne soit plus tourné dans sa direction.
  • On ne sait pas, chuchota Dagmar.
  • Qui a parlé ?
  • J'ai parlé, avoua-t-elle en avançant d'un pas pour sortir du groupe.
  • Soigneuse Dagmar, c'est parfait que vous soyez là. Vous allez pouvoir...

Étant la seule soigneuse sur les lieux, ils allaient lui demander à elle de le soigner, à elle de toucher sa peau. Elle rechignait par avance mais savait qu’ils ne voudraient pas éparpiller plus que ça l’affreuse nouvelle d’une intrusion, aussi minime soit-elle. Et il fallait qu’elle se montre digne d’eux. Même si ça impliquait de toucher cet intru, de le soigner et de faire tout ce que réclamerait les conseillers.

  • Vous occupez de lui, poursuivit-t-elle après s'être interrompue. Je vous serai grée, soigneuse Dagmar, de le guérir dans les meilleurs délais et de nous prévenir à son réveil. Vous annulez tout vos rendez-vous tant qu'il n'est pas capable de parler. Me suis bien fais-je comprendre ?
  • Parfaitement, conseillère.
  • Allez-y, portez-le. Amenez-le chez vous.

La machoire de Dagmar se décrocha. Si ça ne tenait qu'à elle, elle le tirerait par les bras en espérant que ses épaules se disloquent en cours de route. Dagmar n'avait pas d'autre choix que de faire le même chemin qu'à l'allée, devant les regards des habitants qui se réveillaient et prennaient leur petit-déjeuner. Habitués à ce qu'elle ramène les corps des noyés, ils ne firent pas plus attention à elle, supposant qu'un malheureux avait fait l'erreur de sortir.

Elle enfonça presque la porte de sa maison et déposa le corps de l’intrus sur la table. Deux trois couvertures furent jetées par la soigneuse d’une manière à couvrir les formes de son corps et elle noua un foulard autour de ses cheveux blonds afin de laisser de la visibilité sur les marques de son cou et sur son visage. Sur son atelier, elle balança ses récoltes de la matinée et les tria afin de sélectionner celles qui seraient utile pour le cas de son patient. Une fois complétées par celles qu’elle possédait déjà, elle les écrasa et les ajouta une mélasse verdâtre. Puis, elle s’approcha de la cheminée et démarra un feu pour réchauffer la pièce. Ses doigts s’agitaient dans la pièce en tentant de camoufler les fenêtres. La pancarte « ouverte » fut changée en « Veuillez-vous rapprochez d’autres soigneurs ».

Elle enduisit le cou et le visage de l’inconnu de son mélange miracle et laissa agir. La décoction avait des vertus apaisantes, et aiderait le corps à recracher toute l’eau avalée durant les douze dernières heures, provoquant une nausée épouvantable. Elle n’en était pas fière. Mais c’était la solution la plus efficace. Il valait mieux qu’il recrache au plus vite le reste de l'eau qu'il avait avalé pour pouvoir regagner des forces. Elle devrait l’hydrater, après, par des grands verres d’eau pris à intervalle régulier. Ils étaient déjà tous installés sur un plateau à côté de lui, près de quelques en-cas. Sans nul doute qu’il faudrait lui faire la conversation pendant qu’il engloutirait le tout.

  • Dagmar ?

Octave passa sa tête par la porte d'entrée qu'il venait d'ouvrir.

  • Octave, vous ne pouvez pas venir, je dois...
  • S'il te plait, la coupa-t-il.

Elle jeta le chiffon qu'elle tenait sur les jambes de l'inconnu et suivit le vieil homme sur le porche de sa maison. Il se mordit les lèvres en faisant les cent pas.

  • Ça jase au village.

Elle s'en doutait, il ne s'était pas déplacé pour si peu, non ?

  • Oui... ?
  • Tu pourrais... ? lui fit-il en lui montrant une piqure de guèpe sur le pli du poignet.
  • Évidemment Octave.

Elle passa sa main sur la peau sèche de l'homme et se concentra. Elle rejetta sa tête en arrière et transmis à sa main la chaleur de son coupe douleur. La magie traversa par leur peau collées et se jeta sur le bouton. Une fois que Octave la remercia, elle sut qu'elle avait réussi à lui enlever la douleur de cette piqure. Elle le gratifia d'un sourire et avança pour retourner auprès de son patient.

  • Je le sens pas Dagmar, fait attention, entendit-t-elle dans sa tête.

Elle tourna le visage vers Octave, hocha la tête et disparut à l'intérieur de sa maison.

*

Elle ne le sentait pas non plus, parce que lorsqu'elle rentra à l'intérieur de sa maison, le chiffon était tombé par terre. Pourtant, lui, n'avait pas bougé. Feignait-t-il son inconscience ? Dagmar attrapa une buche qu'elle tint au dessus de sa tête, dans le doute, s'il se réveillait, elle lui ficherait un coup en pleine tête. Non, s'interrompit-t-elle. Il fallait qu'il réponde aux questions du Conseil. Mais pourquoi aucun conseiller n'était restée avec elle ? Elle était en danger et elle ne savait pas si elle pourrait avoir le dessus. Elle descendit ses bras le long du corps et fit tomber la buche à terre qui manqua d'écraser ses orteils.

Dagmar se sentit épuisée. Elle n'était levée que depuis quelques heures et pourtant, son corps réclamait déjà du sommeil. Elle s'accorda un moment de pause et posa la vaisselle près de son bassin intérieur, puis contempla les fioles d'Âme qui étaient posées sur les étagères le long du mur. Les Âmes, d'étranges amas de fils dorés dansaient dans les fioles. Dagmar était fière d'être une Collecteuse, elle ne l'était pas depuis longtemps. La plupart des Âmes ici avaient été récupérées par son mentor et le mentor de son mentor. C'était un spectacle saisissant que de voir l'Âme sortir d'un corps. Cela se faisait lors du dernier souffle, ça rendait la chose difficile. Il fallait être là, au bon moment sinon l'Âme disparaissait simplement. Comme si elle n'avait jamais existée.

Les Âmes embouteillées pouvaient être utilisées, en extrême recours, pour renforcer les pouvoirs d'un porteur afin de protéger Loum. Une faiblesse dans la Grande Barrière ressemblait beaucoup à ce genre d’évènement exceptionnel. Pourtant, s'y résoudre sonnait comme l'aveu d'une certaine faiblesse. Et son peuple avait une puissance sensationnelle. Les Âmes faisaient des miracles. C'était bien pour cela qu'on les laissait tranquille après la mort du Porteur.

Sur le point de se retourner, des frissons parcoururent son échine : il était debout.

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