Les mains qui manipulent .

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Deux mains ornées d'une sorte de gantelet noir attendent sur une table, voilà ce que je vois quand je me réveille. Il y a aussi un verre d’eau à ma droite et un sachet de bâtons de réglisse. Au milieu une grande tablette numérique, juste derrière une silhouette qui reste dans l’ombre.

Je me lève de la chaise.

- Marcel Legrand, vous devriez rester assis, vous êtes accusé de graves délits.

C’est une femme à en juger par la voix ; Je me rassois. Accusée d'un délit ? Alors il n'y plus qu'une solution.

- Dans ce cas, je veux mon avocat.

- Et je ferai en sorte que vos manigances financières soient révélées. Inutile de vous expliquer les conséquences fâcheuses sur votre carrière d'homme politique. »

- Je ne vois pas…

Un clic du doigt et elle montre dans la tablette mes comptes bancaires ainsi que la provenance de l’argent.

- Voyez-vous mieux ?

- C’est légal.

- Oh, Monsieur Legrand, ne feintez pas l'innocence. C’est bien plus illégal que vous voulez me le faire croire.

- je veux mon avocat.

Elle me pointe du doigt et me condamne déjà.

- Vous n’êtes pas en droit d'exiger quoi que ce soit.

- Les forces de l’ordre n’ont pas le droit de refuser ce qui m’est dû. D’ailleurs êtes-vous un agent ? Je n’ai d'ailleurs pas vu votre matricule.

Elle joint calmement ses mains et son ton trahit de l'ironie.

- Soyez-en certain, j’appartiens aux forces de l’ordre et j’ai tous les droits conférés par mon statut spécial.

Un statut spécial ? À qui ai-je vraiment affaire ?

- Soyons brefs. Connaissez-vous Madame Breton Valérie ?

- Oui c’est la présidente du parti.

- Par connaître, j'entends bien sûr en privé. Certes j’imagine que oui, on parle d’un parti qui a eu 10,67 % et qui progresse ; d’ailleurs vous êtes régulièrement en contact, je me trompe ? »

- Tout le monde le sait.

- Vous a-t-elle demandé une faveur ?

- Non.

- Donc, vous êtes allé vous perdre seul dans une forêt sans aucune raison ?

- Je ne vois pas de…

Elle montre une photo de moi avec un sac dans une forêt.

- Comment avez-vous eu cette image ?

- Y a-t-il eu un évènement particulier ?

- Non, pourquoi y’en aurait-il eu ?

- Vous n’avez aucune idée ce qu’il y avait dans votre sac ?

- Bien sûr que si.

- Alors, dites-le-moi.

- Des documents secrets.

Un long soupire, son indexe qui toc sans arrêt sur la table ; clairement je l'agace.

- Vous êtes maire et non président. Ne niez pas l'évidence, dites-moi ce qu’il y’avait dans ce sac.

Et maintenant, elle prend un bâton de réglisse puis le mastic bruyamment.

- Des doc…

Elle prend le verre et me jette sans raison l'eau à la figure.

- Cela a rafraichi votre mémoire ? Dites-moi ce qu’il y’avait dedans.

Je vais ne rien lâcher. Avec un peu de ténacité, j'arriverais à m'en sortir.

- Je vous l'ai dit, ce sont des documents secrets du parti.

Ses ongles se plantent dans la table en métal ; ce grincement strident, une torture insoutenable pour mes oreilles !

- Vos mensonges m'irritent beaucoup. Mais je vous en prie, continuez votre mascarade ; si votre but est de finir balafrée comme cette table.

D'accord là c'est clairement une menace sur mon intégrité physique. Je dois avouer, ça ne vaut pas le coup de finir avec une cicatrice ou pire encore.

- Je ne sais pas, ce n’était pas mon sac.

Elle applaudit.

- Ah bas voilà. Voyez comme c'est facile de dire la vérité. Alors à qui appartient-il ?

Je refuse de répondre, elle glisse son doigt et je vois ma chef de parti, le corps coupé en deux dans un accident de voiture.

- Ce n’était pas à tout hasard le sien ?

- Mon Dieu ! Que s’est-il passé ?

Elle me gifle, je ne l'ai pas vu venir. C'est très douloureux et j'ai bien cru que ma mâchoire allait partir avec sa main.

- Ne faites pas semblant d'être choqué, vous n'avez aucun sentiment pour elle ou qui se soit. Vous utilisez les gens, comme tant d'autres. Maintenant, répondez avant que ma patience n'atteigne ses limites.

D'accord, il semblerait que mon jeu d'acteur ne l'émeut pas, essayons quand même de la duper.

- Mais professionnellement parlant c'était une personne admirable. Elle avait tout mon respect, sa mort est une tragédie.

D’un coup, elle frappe du poing la table avec une telle force qu’il s'enfonce dans le métal !

- J'ai une folle envie de fracasser votre petit crâne pour extraire la vérité...

À nouveau, elle griffe la table, cette main n'est pas du tout ordinaire ! Tremblante et dangereuse, comme une araignée qui souhaite vous bondir dessus.

- Alors soit cela sort de votre bouche dans le calme, soit ce sera dans un râle d'agonie.

- D'accord ! Inutile d'en arriver là ! C’était le sien ! Elle m’avait demandé de le déposer en forêt et attendre une personne qui m'a ordonné de partir, c’était une femme ! Mais je n'en sais pas plus, je le jure !

- Bien, alors maintenant vous allez obéir sinon, comme votre chef, vous risquez d'avoir un accident mortel.

- Pardon ?!

- Trop tard pour vous excuser, vous n’êtes même pas revenu voir si l'explosion n'avait pas faite une victime.

Je me souviens, la détonation et le flash deux minutes après mon départ. J’ai fui jusqu’à ma voiture. Et puis plus rien ; il est probable que j'ai été assommé.

- Et il y'en avait une ; moi.

- Je ne savais pas !

- Vous avez fermé les yeux, c’est non-assistance à personne en danger et complicité de meurtre. Désormais, vous allez me servir dans mes projets.

- J’ai des amis haut placés et…

Elle se lève, s’appuyant sur la table, son visage souriant se montre enfin, mâchant le bâton frénétiquement, un corps noir écorché parcouru de scintillement bleuté. Un masque du levant , l'oni de la vengeance ; je le reconnais.

- Avec un tel accoutrement, vous n’êtes clairement pas des forces de l’ordre.

- Bien sûr que si, je suis une force du chaos qui va remettre de l'ordre dans ce monde.

Un autre bâton, cette fois elle me le tend ; d’ici là a qu'elle s'en serve pour me casser un doigt…

- Voulez-vous de la réglisse ?

C’est dit presque avec gentillesse, mais non pas envie ; je décline en repoussant sa main, sans violence bien sûr.

- Vous ne vous en sortirez pas comme ça.

Elle est obnubilée par la réglisse, l’observe un bref moment pour au final la mâcher.

- Avec le bâton, non. Mais avec les autres comme vous ? Certainement.

Elle mâche le suivant, addicte jusqu’au bout.

- Les autres ?

Le bâton craque et se coupe en deux sous ses dents noires comme l'encre. Répugnant, un monstre qui ne ferme même pas la bouche quand il mâche.

- Oui, plein d’autres. Quant à qui, c’est un secret, votre chef en faisait partie, il a fallu que cette idiote essaie de me tuer.

- Et que feriez-vous si je ne collabore pas ?

Elle pousse la table d'un revers de la main ; à peine j'eus le temps de me lever qu'elle m'attrape les cheveux.

- Mettre un terme à votre existence, criminel. Je vous prive dès aujourd’hui de vos choix, mon petit pion.

Insolente et prétentieuse ! Pour qui se prend-elle !?

- Vous, qui êtes-vous ?!

Elle me frappe au ventre et lâche prise ! Genou à terre, je suis épiée de haut par cette terrifiante personne.

- Cela ne se voit pas ? Je suis une horrible femme toute-puissante.

Ça sent le sucre et je m’évanouis. Je suis dans ma chambre, le téléphone sonne, c’est elle. Un message dans lequel je trouve une liste effarante de chose à faire. Si ce n’est pas elle qui me tue, ce sera le surmenage !

En plus elle ose me dire.

- Faite des heures supplémentaires non rémunérées, c’est bon pour la santé le travail.

Sadique !

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