1
« Brent… S’il-te-plait, réveille-toi. »
« Brent ! Brent ! Oh mon dieu... Brent... »
Brent décolla ses paupières et sonda la pénombre de ses rétines vannées. Il retrouvait ses sens, un à un, mais chacun d’entre eux traduisait l’inconfort. Le froid, aqueux, lui colla à la peau telle une glue. Puis une odeur méphitique dérangea ses narines.
Sur le dos, ses jambes et ses bras en pleine paresthésie, il palpa de ses doigts ankylosés la surface de la vase putride où il gisait, observant, toujours incrédule, les parois de la sombre caverne.
Il leva sa paume gauche et frotta son visage, comme pour se sentir vivant.
Il l’était.
Cependant, il enduisit par la même occasion sa face de boue et eut un haut-le-cœur lorsqu’il fit pénétrer la substance dans sa bouche. Il cracha la matière nauséabonde, suffoqua dans une toux épidermique, se redressa dans un instinct de lutte.
– Bordel, je me trouve où ?
Seul le silence répondit.
Alors, non sans mal, il se leva. Vêtu uniquement d’un pantalon de fortune, il se demanda ce qui l’avait amené à se reposer dans ces... égouts ? Un long frisson parcourut son échine lorsque Brent se rendit compte que rien, ici, ne lui rappelait quelque chose. D’ailleurs, il ne se rappelait de rien, hormis...
Quelle était cette voix féminine et implorante ? Elle l’avait tiré de ses songes, mais personne n’était là pour l’accueillir.
Une lueur attira son regard.
Une buée safranée vivotait un peu plus loin dans ce tunnel étroit. Brent décolla ses pieds nus de la boue. Dans cette obscurité latente, il ne parvenait pas à trouver les contours d’un rebord accueillant. Peut-être que si je vais là-bas... pensa-t-il en tâtant l’atmosphère devant lui.
Il s’approcha de la lueur. Puis la lueur devint lumière. Une lumière fine, emprisonnée dans les stries organiques des murs arrondis. Putain... putain... putain... Mais je suis où là !? Brent sentait l’angoisse grandir en lui.
Il se pressa. Les stries d’effluves cornalines ondulaient et se croisaient dans une valse chimérique. Il se mit à courir. Le couloir virait, encore et encore ; un virage de plus en plus serré.
Pris par son propre élan, Brent se cogna l’épaule dans le tournant. « Il y a quelqu’un ?! », cria-t-il, déboussolé. S’il vous plait, aidez-moi... Il sentit les poils de ses bras se hérisser. Il grelottait.
Il était bien vivant, mais pour combien de temps ? Qu’est-ce qui l’attendait au détour de ces boyaux ?
La lumière se fit plus vive. Le vent se mit à souffler.
L’espoir s’immisça dans l’esprit de Brent. Personne n’avait répondu à son appel, mais maintenant qu’une sortie approchait, cette absence le rassura.
Sous le halo, il constata l’embellie de sa condition. Il ne s’était pas rendu compte que la boue n’engluait plus ses pieds. Il ne s’était pas rendu compte qu’à présent, il était propre et sec. Il se palpa le torse et le visage. En effet, sa peau était douce.
– Je... ne comprends rien bon dieu, se dit-il, la prunelle écarquillée par l'épreuve de cette anomalie.
Était-il vraiment plongé dans l’obscurité totale ? S’était-il vraiment réveillé dans la vase ? S’était-il vraiment réveillé ?
Brent parcourut à pas feutrés l’arc de cercle qui le séparait de l’embouchure. La lumière n’avait jamais été aussi vive. L’intensité le fit tressaillir, alors il s’agenouilla, puis leva et courba son bras face à ses yeux.
Il termina les derniers mètres d'une démarche simiesque, jusqu’à ce que sa main agrippe la bordure. Sa vision mit quelques instants à s’acclimater, mais, enfin, il découvrit le monde qui s’offrait à lui :
– Mais… mais c’est impossible !!!
Annotations
Versions