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Brent n’en croyait pas ses yeux.
L’horizon coulait sous un filtre orange. D’autres couleurs chaudes striaient cette couche opaque. Ce n’était pas de la brume...
Et en dessous, le vide.
Le flou de ces tréfonds se prolongeait à l’infinie. Sous la couche de souffre, aucun contour. Il n’y avait pas de terre, pas de ville, aucun avion. « Ok, là, je suis perdu », concéda-t-il.
Le ciel était bouché par une sombre structure. Une plateforme plate, carrée et imposante. Il se releva et tendit le bras, mais malgré un effort supplémentaire pour se mettre sur la pointe des pieds, il ne parvint pas à toucher le socle.
– Bon, ok, allez, réfléchi Brent.
Il ne se rappelait pas avoir l’habitude de parler tout seul. À présent, il ne voyait pas de honte à cette méthode ; personne n’était là pour l’entendre. Il se rendit compte que délier sa langue maintenait son énergie. Ou sa sainteté d’esprit. Du moins, il le croyait.
Son regard se baladait entre ce monde inconnu, plongé dans un couché de soleil latent – quoique, depuis sa position, il ne voyait le soleil nulle part –, et ce bâtiment perché dans les cieux, dont il ne voyait ni les hauteurs, ni la base – il passa la tête sous la paroi du tube en se cramponnant au rebord, mais aucun étage inférieur n’apparaissait –.
Le vent souffla.
Brent leva la tête et inspecta le ciel d’un œil ahuri. Une tâche sombre s’imprégnait au loin. Rien de plus.
– Tu ne me feras pas rentrer à l’intérieur.
Cette fois, il s’était adressé sèchement à cet univers. L’infinité de nuances contempla calmement son invité égaré.
Puis un bruissement s’éleva dans son dos. Un râle étrange. Ce fut la troisième fois que Brent ressentit un frisson. Dans l’obscurité de ce tunnel putride, quelque chose se déplaçait. Un râle baroque, un râle inquiétant.
Brent s’arma de courage et se tourna lentement vers les échos. Sa nuque douloureuse souhaitait rester immobile, mais Brent força sur les catalepsies de son corps pour faire face. « Il y a quelqu’un ? Qui est là ?! », le souffle court, le timbre haletant, il espérait qu’une voix humaine et rassurante lui réponde.
Il n’en était rien.
L’infinité de nuances tonna.
Brent sursauta et manqua de trébucher sur le rebord. « C’était quoi ça ?! » Soudainement colérique, l’horizon se teinta d’un filtre orageux. Les nuages plats qui formaient les stries commencèrent à danser. Ils s’entremêlèrent pour percuter la couche sulfureuse.
La valse s’intensifia. La détonation se divisa en une multitude de grondements.
Les yeux écarquillés, les prunelles brillantes, Brent constatait, observait, contemplait le courroux naissant.
Une tornade de la taille d’un pays était en train de se former.
Les vents s’intensifièrent encore, jusqu’à fouetter la peau nue du bellâtre. Le bruit devenait sourd.
Brent alterna alors son regard entre les ténèbres angoissants du tunnel et la tempête funeste des cieux. Il fallait faire un choix.
L’instinct fit bouger ses jambes et Brent se recula dans la pénombre. Putain, mais putain... Qu’est-ce qui m’arrive ? qu’est-ce que je fais ?! Je ne veux pas, non je ne veux pas ! sauvez-moi... Son esprit divaguait, ses sens se brouillaient.
Les larmes s’échappaient de ses caroncules, les convulsions s’arrimaient à son épiderme, mais Brent était guidé par l’instinct de survie car, s’il ne savait pas ce qui l’attendait à l’intérieur, il était sûr que, dehors, la mort viendrait à sa rencontre.
Il s’enfonça, dépité, dans le boyau de la structure.
Le râle lugubre siffla de nouveau.
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