Chapitre 4 : le 1er rendez-vous.

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Après trois quarts d'heure de route, Adam se gara dans le parking du centre commercial. Judith reconnut L'allée des champs, où les boutiques fermaient tardivement. Elle aurait jusqu’à vingt-heure pour trouver son bonheur ! Satisfaite, elle s’empressa de sortir de la voiture, sans même laisser l’opportunité à Kley d’agir en parfait gentleman.

Leur chauffeur était déjà prêt à rebrousser chemin :

  • À tout à l’heure, Adam ? lui lança Judith d’une voix mielleuse.
  • Ce ne sera pas moi au retour. J’ai quelques clientes à satisfaire, ajouta-t-il en haussant les sourcils. Amusez-vous bien, les tourtereaux !

Kley détestait la manière dont il avait de se croire meilleur que lui. Il appréciait encore moins qu’il fasse du gringue à ces clientes, même si dans ce cas, il s’agissait de Judith. Les mignons gestes que cette dernière lui octroya à son départ l’agaça.

Son regard changea dès qu’ils se retrouvèrent seuls, ainsi que sa voix, qui tomba dans les graves :

  • Tu m’as amené ici, parce qu’il y a moins de chance qu’on tombe sur des gens de l’école, c’est ça ? supposa Judith.

Elle supposait bien.

  • Ne perdons pas de temps.
  • Je te préviens, je compte refaire ma garde-robe !
  • Ça tombe bien, on est là pour ça !

Ce fut la première fois qu’elle se sentit excitée en sa compagnie. Kley avait prononcé les mots magiques, et deux bonnes heures plus tard, Judith amassait plus d’un sac à son bras. L’escort jugea qu’il avait bien fait de l’emmener dans ce centre, éloigné de la ville qu’ils connaissaient.

Ils attiraient trop l’attention.

Elle, avec sa petite jupe moulante et son franc parlé, et lui pour son accoutrement. Sans compter, cette couleur de cheveux vive qu’ils avaient en commun, bien que celle de Judith s'apparentait plutôt à la fourrure d’un renard, tandis qu'il portait un auburn.

Malgré ses vêtements simples, Kley dénotait. Aux cabines d’essayages, ce dernier récolta toute l’attention de l’étudiante qui devait vérifier les articles. Elle gagna un regard de haut en bas de la part de Judith, qui d’un geste, l’obligea à compter ses pièces. Elle passa son bras autour de celui de Kley, en lui envoyant un petit sourire, avant de les récupérer. Le chemin sur lequel elle se fraya fut battit de son jeu de hanche.

  • C’était quoi ça ? releva Kley, un petit sourire lui grimpant.
  • De quoi ?

La rouquine pendait les vêtements aux crochets de la dernière cabine.

  • J’aurais dû me douter que tu étais d’un tempérament jaloux.
  • Non, dit-elle en se retournant, un sourcil levé. Je suis possessive. Surtout quand ce qui m’appartient coûte aussi cher.

D’une traite, elle ferma le rideau. Son bec cloué, Kley ne put s’empêcher de lâcher un petit rire. Un essayage sans fin débuta, et Judith, dont il trouvait la silhouette parfaite, trouvait toujours quelque chose à redire. Kley adorait le shopping, et pourtant, il se sentit perdre patience. À la énième fois qu’elle ouvrit le rideau, il espéra que la pépite épousant son corps lui plairait.

La robe d'un noir profond s’armait de manches finissant en ballon autour de ses poignets et moulait généreusement ses fesses. Judith y jetait un coup d'œil dans le miroir quand elle aperçut Kley faire de même.

  • Elle te plaît ?

Joueuse, elle posa ses mains de part et d’autre de la cabine. Elle attendit une réponse, d’un regard aussi brillant que les strasses sur sa robe.

  • Elle te va à ravir, dit-il, sans mentir.

Judith ondula de plaisir, une main attachée à sa chevelure. Elle sortit dans le couloir, l’autre sur la taille.

  • Que je suis flattée ! exagéra-t-elle en prenant une position étrange, comme si elle tombait sous son charme.
  • Tsss…

Il se prit à adorer le cran dont elle faisait preuve.

  • Tu es infernale, dit-il.
  • Avec plaisir.

La jambe qu’elle glissa entre les siennes, son nez proche du sien, lui valut les mauvais jugements des autres clientes. Les appellations firent siffler les oreilles de Judith. Elle devait avoir l’air d’une de ses nanas profitant de la trop grande gentillesse de son petit-ami. Mais ses remarques ne lui donnaient que plus d’importance et découvrir Kley en train de rire face à sa “vulgarité” l’obligea à se rendre d’autant plus ridicule en enchaînant les poses étranges.

Ce dernier l’arrêta en attrapant sa main à la volée, où il déposa un baiser, outrageant ces dames.


  • Celle-ci, je te l'offre.

Ravie, Judith, se prit au jeu.


  • Je peux savoir en quel honneur ?
  • Pour la fille en toi qui est démente, répondit-il, le ton taquin.
  • Bien essayé, mais… Garde ton argent pour tes propres fringues ! J’ai assez d’argent pour qu’on m’entretienne.
  • … Est-ce que ça voudrait dire que tu m'accordes le droit de faire un petit tour pour moi ?
  • Ouais, je vais te relooker, mon petit ! déclara-t-elle en lui flanquant sa main dans le dos. Et après ça, on va manger, j'ai trop faim !
  • Comme si j’avais besoin d’être relooké, dit-il, d’un air suffisant.

Les deux passèrent aussitôt à la caisse. Ils se rendirent ensuite dans un magasin pour homme. Kley parut soudainement très excité à l’idée de profiter de cette journée pour se trouver quelques pièces. Le tout était de garder son professionnalisme et de rester aux petits soins de Judith. En portant quelques-uns de ses sacs, il vagabonda entre les rayons, ses doigts glissant entre les chemises… Il en attrapa une en soie noire ornée d’un motif léopard de la même couleur et aussi discret que les prunelles de Judith le scrutant. Le regard qu’il déposa sur une chemise classique, blanche et en coton, lui fit se demander ce qui l’avait amené à faire un boulot pareil.

Elle le vit hésiter face à une veste en suédine, qu’il abandonna pour se diriger à son tour vers les essayages.

Kley sortit de la cabine avec assurance :

  • Tu en penses quoi ?
  • Ça te va plutôt bien, répondit Judith, qui l’analysa, les bras croisés.
  • Plutôt ? Elle me va parfaitement !

Un détail la fit tiquer.


  • Tu te vantes, mais…

Judith s’avança dans la cabane.


  • T’es même pas capable de t’habiller correctement, dit-elle, ses mains à hauteur de sa nuque, ajustant son col.

Au travers du miroir, il la regarda faire. D’un tapotement sur son dos, elle lui signifia que c’était fini. Il se retourna, son regard tombant dans le sien. Judith aperçut l’instant même où il fit prit d’une idée.

  • Euh…

D’un mouvement, il la fit basculer à l’intérieur et tira le rideau. Lui aussi pouvait jouer de son nez contre le sien. Ses mains accrochées à sa taille, leurs yeux se rencontrèrent à nouveau. Kley la dépassait à peine en taille. Un sourire étiré gagna ses lèvres tandis qu’il réduisit davantage l’espace entre eux, comme s’ils avaient besoin d’être plus proches.

  • Qu’est-ce que tu fais… ? dit Judith, dont les cils battirent.
  • Mon job.

Il lui avait soufflé à l’oreille.

  • Je te fais craquer.

Elle n’avait jamais entendu cette voix sortir de sa bouche.

À l’aide de son avant-bras, elle le repoussa :

  • Va te faire voir ! C’est pas parce que t’as un joli minois que tu vas me faire craquer !
  • J’ai un joli minois ? C’est déjà ça, répondit-il, content.
  • Tu… tu as meilleure mine qu’à l’école, mais… T’es pas du tout mon style, gamin ! Grouilles-toi ! J’ai la dalle ! s’exclama-t-elle en s’éclipsant de la cabine. Quoi, tu es…

Judith en avait plus découvert sur Erwan en quelques heures qu’en un mois dans sa classe.

  • T’es vexé… ?
  • Pas pour si peu, répondit-il, sagement.

Et il se sentit soudainement déterminé à lui en faire découvrir davantage. À la sortie du magasin, Kley lui annonca qu’ils quittaient le centre commercial où ils devaient initialement manger. Il souhaitait lui faire découvrir une bonne adresse à côté du Major. Le restaurant avait l’habitude de bien accueillir les escorts. Seule la curiosité motiva Judith vers cette destination, car son ventre lui jouait des tours.

Elle mourrait de faim, et ce sentiment s’aggrava à mesure que le temps fila. La route jusqu’au Major lui parut interminable. À ses côtés, Kley ne laissait rien transparaître, mais il jubilait intérieurement.

Une fois de retour à l’établissement, ce dernier décida de la faire patienter un peu plus longtemps. Il voulait se changer et reviendrait rapidement. La tenue devait la mettre en alerte.

Lorsqu’il redescendit de sa chambre, avec sa belle chemise noire, le blouson en cuir à bout de bras, Judith le dévisagea. Kley avait souvent entendu cette phrase : ne jamais privé une femme de nourriture.

Le danger lui parut imminent :

  • Tu y vas comme ça ?
  • Oui, je me suis changé en conséquence…
  • Super ! Tu aurais pu le dire plus tôt !

Avec violence, Judith attrapa ses sacs et se dirigea vers les toilettes.

  • Tu vas où ? lui lança-t-il.
  • Me changer !!

Elle y entra difficilement, en furie, et surchargée. Kley se retint de rire tandis qu’elle claqua la porte. Peu de temps après, elle sortit vêtue de la robe qu’elle avait achetée le jour même, sa chevelure attachée en une haute queue de cheval. En dix minutes seulement, elle avait eu le temps de s’habiller et se refaire une beauté. Impressionné, et aux côtés du réceptionniste, son tortionnaire lui accorda un léger sifflement.

Judith s’avança d’un pas lourd :

  • Et tout ça, j’en fais quoi ? fit-elle en déposant “délicatement” les sacs à ses pieds.
  • Monsieur Gilles, je peux vous demander de les déposer dans ma chambre ?
  • Si gentiment demandé, c’est chose faite, répondit ce dernier, sa voix teintée d’amertume.
  • On va manger ?

Kley se sentit plus fort que n’importe qui.

  • On y va, mais en voiture. J’ai changé mes plans.

La rage grandissante et contenue sur le visage de Judith, lui fit se languir de la suite. Il l’invita à la suivre. Fort heureusement, la voiture les amena rapidement au point de rendez-vous. Impatiente, Judith chercha une belle devanture à l’horizon, mais tout ce qu’elle trouva fut un façade qu’elle qualifia de “miteuse” comparé à ce qu’elle avait imaginé.

  • C’est… Ici ? Tu plaisantes, j’espère ?! explosa-t-elle, quand il acquiesça. C’est une pauvre brasserie ! Franchement, si j’avais su je ne serais pas venue habillé… comme ça…

Elle venait de comprendre.

  • Tu l’as fait exprès… ?
  • Je n’ai jamais dit que nous allions manger dans un restaurant luxueux, répondit-il, tout sourire.
  • Espèce de… ! Quoi tu crois que… que je vais avoir honte parce que je suis trop bien habillée ??

Kley explosa de rire, car son plan avait effectivement trop bien fonctionné.

  • Je t’en prie, dit-il d’un simple geste vers l’entrée.
  • Ha ! Tu crois que ça me fait peur ? Tu me connais vraiment mal.

Fougueusement, Judith détacha sa chevelure. Elle les envoya valser de sorte à ce qu’il reprenne leur forme. Les poumons plein et sa pochette sous son bras, elle lui tourna les talons, direction le restaurant. Elle n’avait pas hésité une seule seconde à passer le pas de la porte et depuis l’intérieur, elle lui envoya un baiser volant. Maintenant, c’était à son tour d’entrer. Kley enfouit ses mains dans ses poches en lâchant soupir. Un franc sourire se dessina sur son visage.

Il emboîta le pas pour la rejoindre.

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