3. Bottes

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Petite, Séraphine aimait énormément les couleurs. Oh, c’était toujours le cas mais les années et l’affadissement de la vie avaient terni ses tenues. Elle s’était résignée à porter des tissus unis, dans des teintes plus passe-partout, histoire d’entrer dans les clous. Si l’on décrivait l’enfance aussi insouciante que cruelle, mais l’âge adulte n’avait rien à lui envier. Se démarquer équivalait à être rejeté, à devenir le paria de ses semblables. Séraphine préférait se fondre dans la masse, au détriment de sa joie de vivre.

Parfois, la nostalgie la rattrapait et elle se permettait une petite fantaisie comme un bijou pailleté ou un pull multicolore. Cela ne valait pas ses tenues d’antan, mais c’était mieux que rien. Elle se plongeait ensuite dans de vieilles photos et cela ne faisait qu’ajouter à sa mélancolie.

Là où Louisa Clarke, l’héroïne des romans de Jojo Moyes, rêvait des collants abeille de son enfance, Séraphine, elle, regrettait ses bottes coccinelle. De toute sa garde-robe, c’était de loin l’accessoire qu’elle aimait le plus. Elles étaient si belles, d’un rouge éclatant, dans une matière brillante. Avec ses bottes à ses pieds, elle se sentait comme une reine, elle sautait joyeusement dans les flaques et ne cessait de balancer les jambes pour mieux regarder ces merveilles.

Créative dans l’âme, Séraphine agrémentait parfois ses si jolies chaussures avec des décorations naturelles qui ne tenaient pas bien longtemps mais l’emplissaient d’enthousiasme. Parfois des feuilles mortes qui ajoutaient une touche d’orange automnal, d’autres fois des plumes qui lui donnaient l’impression de porter des bottes magiques qui lui donneraient le pouvoir de voler.

Désabusée, la Séraphine adulte se détourna de ces fragments du passé et baissa les yeux sur ses pieds chaussés d’escarpins. Ils étaient certes très jolis et lui donnaient une belle cambrure, mais si simples. Tristement simples, avec ce simili-cuir d’un brun si basique, pas même profond comme l’acajou ou chatoyant. Elle ne put empêcher un soupir de passer ses lèvres colorées d’un beige tout aussi passe-partout.

À quel moment avait-elle laissé la petite fille chaussée de bottes coccinelle au bord de la route de la vie pour devenir cette adulte déprimante ?

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